Nom : Dantzig Sergueievich Baldaev
Date et Lieu de naissance : 1925 Ulan-Ude, République Socialiste Sovietique Buriato-mongole (RSFSR).

Dantzig est né dans une famille bouriate russifiée. Sa mère est morte de tuberculose quand il était encore jeune. Son père, Sergueï Baldaev est un ethnologue et écrivain de renom persécuté et envoyé en prison en 1938. Accusé de propagande contre-révolutionnaire et déclaré Ennemi du peuple, il a été cependant libéré en 1940. Entre ces deux dates, le jeune Dantzig fut envoyé dans un orphelinat dans la région d'Irkoutsk. Ce séjour le mit en contact avec les enfants de criminels emprisonnés, une expérience traumatisante. Rendu à son père, il est mobilisé en 1943 et sert en Extrême-Orient, notamment lors de l'offensive de Mandchourie d'août 1945. Rendu à la vie civile, il déménage avec son père à Leningrad en 1948. Il trouve du travail comme garde de prison.
Comment un jeune homme dont le nom a été associé (même temporairement) au stigmate d'ennemi du peuple peut-il entrer dans un corps du MVD/KGB. La réponse se trouve dans les tensions qui affectent le système pénitentiaire Sovietique après la guerre.
Celles-ci sont de 2 sortes. D'une part on observe un mouvement dialectique, alors que le personnel manque en raison des pertes de guerre, la population emprisonnée dans les prisons et les camps atteint quasiment un pic historique. Non seulement Staline a décidé de couper court à la (très) relative libéralisation du régime pendant la guerre et la machine de répression s'abat avec force sur toute la société. Mais le système pénitentiaire doit également absorber les millions de déportés provenant des territoires occupés ou annexés par l'URSS. A ceux-ci s'ajoutent les membres des peuples déportés (Tchétchènes, Tatars de Crimée) et les prisonniers de guerre ennemis mais aussi soviétiques.
La deuxième difficulté qu'affronte le système pénitentiaire est celle de la guerre des Chiennes. Jusqu'à la guerre, les autorités pénitentiaires faisaient l'autruche quand les détenus du monde criminel exerçaient leurs instincts sadiques sur les politiques. Cela simplifiait le maintien de la discipline. Le problème c'est que le monde criminel se scinde en deux après la guerre. Traditionnellement, les criminels refusent de coopérer avec les autorités aussi bien tsaristes que Sovietiques. C'est une question d'honneur. Le problème c'est que une partie importante des criminels a accepté de servir dans l'Armée Rouge, par patriotisme ou pour échapper au Goulag. Or une partie de ces volontaires à tôt fait de se faire reprendre, une fois démobilisés. Leurs anciens collègues, qu'on appelle vori v zakone ne leur font pas bon accueil. Les nouveaux venus, poétiquement appelés "les chiennes" par les vori se défendent. La guerre des chiennes, tel une rivière souterraine, irrigue tout le système pénitentiaire Sovietique de Kaliningrad à Magadan. Il s'agit d'une guerre pour le contrôle de l'intérieur des camps et des prisons. La brutalité effraie les gardes et les autorités craignent que cela ne favorise les révoltes des politiques (lesquelles se produiront mais ceci est une autre histoire) qui ne sont plus tenus en obéissance par les criminels. Ce contexte explique que Dantzig soit admis à travailler en tant que cuisinier puis garde à la prison Kresty à Leningrad.
Débarquant au beau milieu de la guerre des Chiennes, Dantzig prend en charge les investigations concernant les règlements de compte. Il connaît le Fenya dont il écrit un lexique pour ses collègues. Son travail d'enquêteur lui vaut de passer au milieu des années 60 à la milice et d'y occuper une fonction l'investigateur jusqu'à atteindre le grade de colonel de la sécurité d'Etat pour sa retraite en 1981.
De son expérience des camps et des prisons, Dantzig a observé l'importance des tatouages qu'il commence à reproduire et à cataloguer. Il recueille également les histoires personnelles et les contes et légendes des criminels qu'il trie en fonction des origines des locuteurs mais aussi de leurs thèmes, tel un ethnologue. Ses recueils de tatouage sont diffusés mais ne dépassent guère quelques collègues de la région. La théorie criminologique soviétique considère que le lumpenproletariat ne peut pas avoir de culture spécifique, ce que les tatouages et la Fenya suggèrent. Dantzig dira plus tard qu'il n'en fut pas plus étonné que cela et il continua sa carrière, ne manquant pas d'observer et de noter jusqu'à sa retraite puis sa mort en 2005.
Mais son vrai grand oeuvre est autre. Dantzig fut également un archiviste du goulag qui écoutait et retenait les récits que lui confiaient les criminels qui passaient entre ses mains et également ceux de son père et des politiques de son entourage. Ce travail prit la forme de dessins mettant en scène l'horreur du Goulag au moyen d'un trait précis et rigoureux. Cette anthologie cauchemardesque que Dantzig commença quasiment dès 1948 fut cachée et ne fut publiée qu'en 1991. Guère optimiste sur la Russie nouvelle, il expliqua avoir voulu lutter contre l'oubli des victimes et aussi rappeler quel danger le monde criminel faisait courir pour la société.
En jeu : Dantzig a vu bien des tatouages y compris ceux des cultes étranges et a entendu bien des histoires. Son esprit systématique a fait qu'il a tenu des archives concernant le surnaturel et le satanisme. Collectionneur de memorabilia de prison, il possède des objets étranges. Bref, il peut aider les PJ à la manière du sage décrit dans le guide du maître de la boîte Cthulhu de ma première jeunesse. Les PJ qui passeraient devant sa table d'interrogation pourraient être surpris que quelqu'un les prenne au sérieux et consigne dans un carnet ce qu'ils ont vu.