Il s'agit du regroupement dans un sous forum plus adapté, des CR que j'ai réalisé dans le fil "lamentations of the flame princess" concernant le scénario d'intro de la boite de base.
[quote="Compte rendu "a stranger storm""]L'aube blafarde perça difficilement l'obscurité intérieure quand le colosse poussa les deux battants en bronze du sanctuaire de Nour.
Dans l'entrée se dessinait sur les cieux noirs et menaçants, la haute silhouette en uniforme d'un feydahin de la déesse. Le moine dégoulinait de pluie et alors qu'il s'avançait dans la nef, la chaleur de son corps s'élevait en vapeur animale vers la voute étoilée du temple. Son gilet de cuir semblait n'être plus qu'un corset de fange, taché de marques sombres dont le Père Quincy Naylor ne voulait deviner l'origine.
"Voilà pourquoi je n'ai pas voulu entrer dans les ordres, père. Je préfère le calme de ma petite communauté que cette vie de bohémien" pensa le prêtre de Nour.
Arrivé à la hauteur du Père Naylor, le moine stoppa sa marche précipitée. Ses cheveux n'étaient que fillasse dégoulinant sur ses yeux profondément enfoncés dans un visage accusant de trop nombreuses heures sans sommeil. Son regard était celui d'un dément.
"Mon père, je suis Frater Philippus Wallace. On a besoin de vous à l'auberge du Vicaire Incontinent. Mes compagnons et moi-même avons trouvé le cadavre d'un de ses occupants ... toujours vivant. L'aubergiste ... Doodle ... s'est retrouvé nez à nez avec son double. Il l'a tué. Un pied de chaise dans l'orbite. Juste là, vous voyez? Et y a sa cuisinière ... une fille d'ici ... Gingerbutt ou un truc comme ça ..."
" ... Gingerbottom, Frater..."
"Ouaip c'est ça ... elles étaient deux pour faire le déjeuner ..."
De la main, Quincy Naylor fit signe à l'homme de se taire. Derrière lui, c'était les hommes du village qui se dessinaient désormais dans l'entrée brandissant faux, gouges, couteaux, tenailles et masses. Il n'y avait qu'une vingtaine de famille dans le village d'Argyle. Face aux mystères tapis dans la forêt voisine, ils étaient désespérément à la recherche d'un antidote à leurs angoisses nocturnes. C'est ce que leur offrait le Père Naylor, prêtre de l'Eclat au service de la déesse Nour. Ils avaient tellement bien étudié avec lui le Chapitre de la Pureté qu'ils en devenaient paranoïaques à l'égard des étrangers; même quand ils portaient les symboles de leur mission divine. Leurs angoisses désormais diurnes, ils dormaient plus tranquillement.
"Mon père, dit le vieux Bill Gingerbottom, y ô com'qui dirait un truc pô claire avec c'gusse lô d'vant vô. Y ô son j'meau qu's'est vidé d'son sang dans eul' bastringue. Eulles vapeurs délétères d'la corruption, il entre chez nous pour sur ..."
Frater Philippus Wallace lui jeta un regard interrogateur. Naylor lui fit signe de le suivre à l'extérieur.
Ce n'était pas un jumeau, le prêtre en avait la certitude. Il n'avait jamais entendu parler de moines jumeaux armés de la même façon et portant le blason du même monastère. En fait, seule l'ouverture béante dans le ventre du moine dans la calèche les différenciait;ca et les taches purpurines sur le gilet du feydahin vivant.
"Ouaip en fait...j'ai été attaqué dans la grange quand je suis allé chercher les bêtes... Je suis pas retourné dans l'auberge après... ils savent pas... Mais bon ... j'lui ai fait son affaire, vous avez vu?"
"Et comment je peux être sur que vous êtes bien Frater Philippus Wallace du monastère de Gormengore?"
Autour d'eux, le cercle des villageois se resserra, suspendus aux lèvres de leur prêtre, attendant l'hallali.
Le regard de Wallace se détourna, comme pour s'échapper de cette triste réalité et lui permettre de retourner en lui, sonder ses pensées, son passé, des pistes pour le sortir de cette impasse dialectique.
"La déesse ..."
Le cercle s'élargit.
"... elle ne m'a pas abandonné vous savez?"
"Non Frater, elle ne peut pas vous abandonner puisque vous êtes pur. Vous êtes de ceux dont le destin est de porter l'Eclat dans ce monde..."
"... Même s'il doit bruler nos mains...ouaip c'est l'idée, mon père...Je peux vous donner la protection de la déesse mon père ... personne ne pourra lever la main sur vous ... personne, fidèle ou infidèle, de ce monde ou des enfers ne s'approchera de le main diaphane de Nour délicatement posée sur vous telle une conque vous protégeant."
"Etes vous sur que vous ne pouvez échouer en aucune façon?"
Le frêre cracha par terre un épais mollard en signe d'affirmation.
Le Père Quincy Naylor, las de cet incident perturbant sa lénifiante routine, soupira longuement.
"Très bien, qu'il en soit ainsi. Bill, après l'évocation de la déesse, tu me frapperas au visage. N'hésite pas. L'intervention de la déesse doit être flagrante." Ainsi, espérait il, il aurait moins d'explications à donner aux villageois lors de la messe.
Et Frater Philippus Wallace entonna son plus beau Kírie eléison.
Et Bill Gingerbottom brisa dans un craquement de cartilage le nez du Père Quincy Naylor.
Et les faux, gouges, couteaux, tenailles et masses déchirèrent les chairs du changelin.[/quote]
... et ainsi disparu le personnage cleric d'un de mes joueurs.
Le joueur ne s'était pas rendu compte qu'il jouait son double; qu'il avait perdu son combat. Sur le coup, ça lui a semblé étrange, dérangeant ... bref tout ce que je voulais et en accord avec l'ambiance propre à ce jeu. Cependant, attention, si vous utilisez la rêgle que propose LotFP pour jouer les combats PJ/Changelins, vos joueurs vont nécessairement renâcler en ce qui concerne la méthode! Vous vous souvenez le deal implicite comme quoi tout est dans les règles de donj' et pas ailleurs? Que le joueur a accès à la règle en cas de litige? Et bien le fait que vous, arbitre, teniez un décompte secret de leurs points de vie ( donc de leur existence) derrière votre écran, ça va les choquer. C'est mécanique. Mon clerc a accepté sa mort ( "c'était un combat régulier, pas vrai") mais pas sa mise en scène ( "Et c'est nouveau de pas jouer son perso à donj'?").
Globalement, maitriser ce scénario d'introduction ( même si je ne l'ai pas encore tout à fait fini) fut bien plus intéressant que sa lecture. Je l'avais trouvé basique, presque simplet. Cependant, pour un scénario de ce type, il donne une très grande liberté au joueur et nécessite une bonne part d'impro de la part des arbitres. En effet, certains choix développés dans le scénario ne sont pas nécessairement ceux que feront les joueurs. Par exemple, LoftFP développe la trame autour de l'idée que ceux-ci vont tous se rendre à Argyle en laissant les marchands et les musiciens seuls à l'auberge. Ce n'est pas si évident: si l'arbitre joue convenablement les marchands, ceux ci se montreront insistant pour quitter les lieux rapidement. Leur impatience va nécessairement entrainer la méfiance des joueurs et ils ne les laisseront pas seuls. Les PJs vont très certainement former deux groupes. Dés lors vous pouvez revoir toute la partie concernant le départ "furtif" des occupants en l'absence des joueurs.
Hormis le fait que ce scénario n'est pas nécessairement si facile à maitriser et à jouer, il faut noter qu'il remplit très convenablement son rôle en tant qu'exemple de l'ambiance propre à la weird fantasy ... cette horreur plus proche de l'angoisse diffuse que de la peur primale se matérialise à la perfection dans cette histoire de doubles absolument parfaits et quasiment indétectables. En fait, le rythme même du scénario, sa mise en place lente, son intensité dans les huis clos ( l'auberge, l'orphelinat...), le temps pourri et la quasi impossibilité de reposer les personnages contribuent à plonger la table de manière presque automatique dans une ambiance propice à l'intrigue. Pour être plus clair, moi, arbitre, j'ai pas eu l'impression d'avoir eu à me forcer pour les faire flipper. Il y a suffisamment d'éléments dans le scénario pour rendre les joueurs claustro façon Ripley dans Alien.
Au final, si vos joueurs et vous avec de la bouteille, foncez ... Ceux qui ont tout vu, tout connu apprécieront de gouter dés l'encas la saveur corsée de LoftFP.
Pour les débutants, lisez bien le scénario, tout y est, mais vous vous devez de bien le préparer pour ne pas être pris au dépourvu.
NB: J'ajouterai probablement un petit paragraphe concernant la scène finale ( le massacre) car à la lecture il m'a semblé que leurs choix étaient limités ( du fait de leurs moyens, notamment). J'ai hâte de voir ce qu'ils vont inventer!
