En matière de production amateure, je distinguerais sans me lancer dans une typologie élaborée au moins trois types :
- Les jeux amateurs originaux, n'adaptant aucun univers préexistant dont l'auteur n'aurait pas les droits, mais proposant un cadre de jeu tout à fait original, né de l'imagination et du travail de son auteur (j'y inclus les productions de scénarios, de cadres d'aventures et de systèmes de jeu originaux qui ne seraient pas des jeux de rôle à part entière, selon la définition traditionnelle que l'on en a) ;
- Les jeux amateurs spéciaux, adaptant un univers préexistant dont l'auteur n'a pas les droits (cet univers dispose ou non déjà d'un jeu de rôle officiel), nés de la passion de l'auteur pour cet univers ;
- Toutes les productions développant ou résumant certains éléments de jeux édités dits professionnels (aides de jeu, scénarios, suppléments non officiels, etc.).
- Les jeux amateurs originaux devraient suivre des canaux similaires (non identiques) aux jeux édités dits professionnels, mais avec quels moyens ? Les jeux professionnels ne prennent-ils pas déjà beaucoup de place et de temps ?
- Les jeux amateurs spéciaux ou d'adaptation seraient soit des invitations à découvrir autrement un univers de fiction (romans, BD, films, séries, jeux...) quand celui-ci ne dispose pas d'un jeu de rôle officiel, soit des alternatives à des jeux officiels, souvent plus élaborés. En tant que jeux à part entière, ils devraient être traités comme tels, toutefois, les questions de la concurrence et de l'image se posent ;
- Les productions développant un jeu édité sont avant tout destinées à la communauté des joueurs, de sorte que je suis d'avis que c'est avant tout le travail de l'éditeur de les mettre en avant au sein de sa communauté et pourquoi pas en dehors. Certes, c'est un travail supplémentaire pour l'éditeur de jeux de rôle, qui a déjà beaucoup à faire, mais j'estime pour ma part que faire vivre ses jeux par des coups de projecteur sur les créations de leur communauté fait partie de ses attributions. La question de leur médiatisation est plus problématique, puisqu'elles regardent un public donné, ciblé, de niche, qu'elles soient limitées en visibilité sur les forums ou serveurs Discord des éditeurs/jeux paraît donc naturel, à défaut d'être forcément souhaitable. Comme le rappelle Ramentu, certains éditeurs permettent la publication de productions amateures liées à leurs jeux et proposent des outils pour la favoriser.
Je ne m'y connais pas assez en médias pour proposer de nouvelles formes d'exposition qui permettraient de sortir de l'ombre les productions amateures, toutefois je constate qu'il y a plusieurs obstacles qui expliquent cette invisibilisation :
- la quantité astronomique de jeux induit que seuls les plus gros profitent d'une exposition à un large public et donc que ce large public s'intéresse et joue avant tout à ces plus gros, sachant que parler d'un "large public" en matière de jeu de rôle est plutôt optimiste, or les jeux amateurs ne sont pas les plus gros ;
- les productions amateures ont rarement les moyens de se vendre dans le sens marketing du terme, surtout dans un marché comme celui du jeu de rôle où même les éditeurs professionnels disposent encore de très faibles moyens dans ce domaine ;
- les auteurs de jeux amateurs ont rarement une communauté suffisamment nombreuse et fidèle pour porter en exposition leurs jeux, contrairement aux éditeurs de jeux (semi-)professionnels ;
- l'organisation assez morcelée des médias rôlistiques (magazines, fanzines, blogs, chaînes Youtube...) ne me semble pas propice à la mise en avant de productions amateures, car il s'agit souvent de personnes isolées qui parlent de leur passion, sans qu'il y ait nécessairement une professionnalisation de leur pratique journalistique, si celle-ci existe. Quand on compare avec le jeu vidéo, un marché bien plus gros et professionnalisé, la mise en lumière des jeux indépendants y reste encore très récente. Le milieu du jeu de rôle n'est à mon avis pas assez étendu et professionnalisé pour que son aura expose de manière égale les productions amateures, à moins de le réorganiser spécifiquement et en profondeur en ce sens ;
- enfin une interrogation un peu nébuleuse, à savoir si les jeux amateurs sont compatibles ou non avec les pratiques les plus courantes du jeu de rôle (qui joue à des jeux amateurs ? comment ? à quelle fréquence ? etc.), et donc s'il est pertinent qu'ils reçoivent la même exposition que des jeux professionnels.
Pour finir.
Quand on parle de jeux amateurs, je pense immédiatement aux suivants qui m'ont agréablement marqué :
- La Terre des Héros d'Olivier Legrand, une adaptation de l'univers de Tolkien, alors que des jeux officiels existaient déjà ;
- Solomon Kane du même Olivier Legrand, une adaptation des écrits de Howard sur le héros éponyme, avant que le jeu officiel n'existe ;
- The Witcher de Siwukyl, une adaptation de l'univers romanesque de Sapkoswki, avant que le jeu officiel n'existe ;
- Assassins de Daruthin, une adaptation des jeux vidéo Assassin's Creed d'Ubisoft, avant que le jeu officiel n'existe.