[CR] D&D 5E — Rime of the Frostmaiden

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Islayre d'Argolh
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Re: [CR] D&D 5E — Rime of the Frostmaiden

Message par Islayre d'Argolh »

Encore une bien chouette séance hier.

Je reste assez partagé sur le JdR en ligne : je reconnais volontiers la praticité mais les limitations de la prise de parole et les petits "pains" techniques occasionnels sont quand même (pour moi) un frein a l'immersion.
Ceci dit, cela nous permet de jouer depuis des mois une campagne de qualité avec des joueurs qu'il serait impossible de réunir autour d'une table physique donc les + l'emportent largement sur les -.

Au niveau de la partie elle même, c'est du D&D 5 bien compris, animé en mode charentaises et joué dans le même esprit.
Du coup ça roule tout seul : du roleplay, de l'action et un rythme bien maîtrisé.

La campagne pose une vraie ambiance, avec des PNJs bien croqués.
Elle est peut être un poil trop bac-a-sable dans le sens ou on voit presque le "tableau de quêtes" se remplir a chaque décision que nous prenons mais le Benjamin en chef arrive quand même a amener suffisamment de liant (notamment via des PNJ et des lieux récurrents) pour qu'un sentiment romanesque s'esquisse.

J'ai réellement l'impression de faire du Elder Scroll - like (mais dans le meilleur sens du terme, Morrowind plutôt qu'Oblivion) en analogique, à l'ancienne.

On ne se plaint pas, :bierre:
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BenjaminP
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Re: [CR] D&D 5E — Rime of the Frostmaiden

Message par BenjaminP »

Islayre d'Argolh a écrit : mer. déc. 11, 2024 7:00 pm Elle est peut être un poil trop bac-a-sable dans le sens ou on voit presque le "tableau de quêtes" se remplir a chaque décision que nous prenons mais le Benjamin en chef arrive quand même a amener suffisamment de liant (notamment via des PNJ et des lieux récurrents) pour qu'un sentiment romanesque s'esquisse.

J'ai réellement l'impression de faire du Elder Scroll - like (mais dans le meilleur sens du terme, Morrowind plutôt qu'Oblivion) en analogique, à l'ancienne.

On ne se plaint pas, :bierre:

Du Skyrim, pour aller avec le climat !

C'est vrai que c'est un gros bac à sable mais je pense qu'il est possible de la linéariser complètement en traçant d'avance un petit parcours, si on veut — et on peut très bien vouloir, c'est sûrement plus facile à gérer une fois le boulot fait. J'en proposerai sûrement certains à la fin, sur la base de ce qu'on a joué, en gardant les meilleurs et en ajoutant peut-être ceux que je regrette de n'avoir pas vus (parce que c'est bien sûr le risque, dans un bac à sable, d'avoir quelque part un énorme jouet posé là que les joueurs ne trouveront jamais).

Un élément à prendre en compte, aussi, c'est que j'ai d'emblée "joué avec toutes les options" en plaçant tout de suite des éléments des chapitres 2 et 3 dans les villes. Il y en a déjà plein de prévus mais ils sont prévus soit à des endroits bien précis dans le chapitre 1, qu'on peut rater (puisque la campagne ne prévoit que de visiter quatre ou cinq des dix villes dans ce chapitre), soit sous forme de rencontres aléatoires dans le chapitre 2, qu'on peut rater aussi (puisque les dés sont les dés, ou parce qu'on n'aura pas tant d'occasions que ça de jouer des rencontres aléatoires). Surtout, si on ne le fait pas, on s'expose au risque de voir débouler en milieu des campagnes des trucs qui n'ont pas été préfigurés du tout et qui, à mon avis, peuvent tomber comme des cheveux sur la soupe.

Si je devais la refaire, j'élaguerai peut-être en prévision les trucs dont on peut complètement se passer pour ne pas trop charger la mule, ça pourrait alléger, même si on y perdra un peu de saveur. Mais c'est de fait ce qui se produit à table : les pistes que vous ne suivez pas, on les oublie petit à petit et puis tout à fait si la campagne ne les ramène jamais au centre du jeu. Ça me va bien comme ça, moi. Et puis ça me laisse les coudées franches sur les jets de rencontre, je n'ai pas peur de voir débouler un truc trop out of the blue, je suis à peu près certain que ça vous évoquera toujours quelque chose et ça j'aime bien, ça met de la consistance dans ce Valbise, ça fait des personnages de vrais habitants plutôt que des touristes.
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Re: [CR] D&D 5E — Rime of the Frostmaiden

Message par BenjaminP »

Épisode 15, Partie I — La chute

C’est en préparant le traîneau que Polaris l’avait remarqué : un type pas très net, encagoulé, qui le surveillait de loin et qui avait filé comme une fouine dès que Polaris avait fait un pas vers lui. Il n’était sûr de rien, évidemment, ça pouvait être n’importer qui. Mais il lui avait tout de même semblé apercevoir pendre à son cou le même pendentif que portait la vieille de Châteaudun, celle qui présidait à cette espèce de culte de Levistus et avait tenté de faire crever une bonne dizaine de villageois dans les geôles du château dont ils s’étaient rendus maître.

C’est pour ça qu’il était resté vigilant tout du long et qu’il avait laissé Boy à la longe, pour qu’il puisse flairer le vent dans toutes les directions. La route pour Hâvredest n’était pas très longue et malgré la neige impossible on y glissait toujours mieux que dans la toundra, mais certains coins restaient tout de même dangereux pour les voyageurs, surtout dans le défilé. L’endroit parfait pour tendre une embuscade. À cet endroit, la route se changeait en ravine encadrée de chaque côté par deux hautes falaises. Alors, quand ils s’en sont approchés, à pas de loup parce que Boy s’était mis à tirer, et qu’ils ont vu cette rangée de congères à six pas des parois quand d’ordinaire elles coulent depuis là haut et s’entassent d’aplomb, Polaris a vite compris. C’était pour eux.

Avec le chariot de Spellix, le détour risquait d’être long, mais il était midi à peine, ça restait une éventualité. Polaris aimait autant, il a dit : « moi j’aime la vie et je la sais brève, je vais pas me frotter à des brigands dalleux, probablement aussi malheureux que les autres si c’est pas plus ». Anatole hocha la tête, il était fier de son petit gars, sage malgré sa jeunesse, plus sage que son oncle qu’a pourtant vu du pays. Loxias, rien à faire, voir des brigands ça le met toujours en rogne, il avait déjà la main à la garde et le bouclier de front. C’est là que le vent a soufflé et avec cette rafale tout a changé d’un coup.

*

Cette odeur, par les dieux et la Toile. Soufre et lavande. Oh, comme il la connaissait. Anatole devint soudain pensif. Il n’avait pas osé en parler à ses amis avant d’en être certain. Malheureusement, le temps de la certitude était venu. Fel, celle qu’il avait protégée depuis sa tendre enfance. Celle qui toute sa vie avait subi les quolibets des gamins idiots pour une paire de corne et une peau couleur de brique. Celle qu’il avait fini par croire tirée d’affaire, correctement logée, nourrie et employée à Châteaudun, devenue jeune fille, mais dont il n’avait pas suffisamment perçu la rancœur, la rancœur envers le monde entier. Celle qu’un culte n’avait pas eu grand mal à recruter sous prétexte de lui donner enfin le moyen de se défendre des gamins idiots. Celle qui les avait vus pénétrer dans le château, celle qui avait voulu appeler la garde avant que Loxias ne la fasse taire juste à temps. Celle qui n’avait pas supporté l’humiliation de voir le seul adulte qu’elle ait jamais aimé lui signifier qu’elle venait de perdre son respect. Fell était là pour lui. Il le savait. Il se tourna vers Polaris et lui annonça qu’ils iraient droit, par le défilé.

« Loxias ? Peux-tu me promettre une chose ?
— Vieux maître ?
— La tifeline doit survivre.
— Et les autres ?
— Les autres ? Je m’en fiche bien. »
Une poignée de secondes plus tard, Perceval prenait son envol et Anatole voyait par ses yeux. Deux à gauches et deux à droites dissimulés dans les congères le long de la route, un en hauteur, sur une corniche, à droite, camouflé dans une anfractuosité de la roche. Et là, à gauche : deux cornes. Il reprit ses sens et attendit que Polaris encoche sa flèche, conformément au plan. La colonne d’Aganazar l’incandescent : cela faisait bien longtemps qu’il ne l’avait pas incantée, mais son grimoire lui remit les mots en mémoire et bientôt le feu s’abattit au sommet de la falaise, à droite, le long de la crête de glace en porte-à-faux. Alors Polaris décocha sa flèche et Evandiferas, le vent du Nord, l’accompagna jusqu’à l’impact. La bourrasque emporta le bloc fragilisé dans les airs qui retomba lourdement sur la crête et emporta dans sa chute des monceaux de neige tassée, jusqu’à la corniche, qui céda, jusqu’aux congères, enfouis en un instant. Il n’en restait plus que trois.

*

Boy à ses côtés, Loxias profita du vacarme insensé de l’avalanche pour s’avancer en courant à couvert de son bouclier. Il lui fallait s’approcher plus, sans quoi la foudre de Helm n’y suffirait pas. À cinquante pieds, les brigands remuèrent. Ils avaient compris que rien de tout ça n’était naturel et que de chasseurs, ils étaient devenus chassés. Les deux sous les congères sortirent de leur cachette mais Loxias s’en moqua, sa foi le protègerait d’eux le temps que Boy et lui réglassent le seul vrai problème en vue : Fell perchée sur sa corniche. Il récita une prière muette et sentit qu’une fois de plus Helm accepterait de lui venir en aide dans son juste combat. Les poils de sa nuque se hérissèrent un instant, l’odeur d’ozone emplit ses narines et du symbole sacré qui embossait son bouclier jaillit l’éclair, qui frappa la corniche et fit dévaler son occupant jusque sur la route.

Il n’eut pas besoin de regarder en arrière vers le vieux Maître pour savoir ce qu’il ressentait en voyant, comme lui, rouler le casque à cornes de la tête du brigand. Anatole s’était trompé. Celui-là ne valait rien et Fell était sous l’avalanche. Il faudrait faire vite pour avoir la moindre chance de la tirer de là. L’instant de réflexion qu’il s’était accordé faillit lui coûter cher : déjà le brigand se relevait, sans son casque mais toujours armé de sa lance qu’il s’apprêtait à envoyer droit vers lui. Une flèche de Polaris l’en empêcha définitivement. Restait les deux autres qui ne crurent pas assez tôt ce combat perdu pour eux. Boy à ses côtés, il percuta le premier si vite que celui-ci s’effondra sous le choc comme un mannequin d’entraînement. Une flèche fusa à ses oreilles, une autre se planta dans le bouclier. La troisième aurait pu être la bonne, mais Anatole intervint : deux fléchettes bleutées écartèrent le bras de l’archer au dernier moment. Le temps qu’il rencoche, Loxias était sur lui. C’en était fini.

« Boy ! Cherche ! Cherche ! » C’était Polaris, qui s’affairait déjà, sur le monticule de neige, à dégager le chemin que lui indiquait son chien. « Boy la trouvera, Helm y pourvoira. » Loxias voulait avant tout rassurer le vieux Maître, qui attendait, anxieux, l’aboiement libérateur de Boy. Le temps manquait, mais tout n’était pas perdu, encore. Boy aboya. Loxias vit Anatole courir comme il ne l’avait pas vu faire depuis bien longtemps, et aider Polaris à sortir la tifeline, sonnée, mais vivante. Il ne lui laissa pas le temps de se réveiller d’elle-même.
« Écoute-moi bien, jeune fille… la sermonna le vieux maître, rouge de colère, en lui tenant la tête des deux mains. Ne t’avise plus jamais de te dresser sur mon chemin ! Tu as maintenant deux solutions. À l’est : le retour vers ce culte misérable, la poursuite de cette rage du monde qui te détruit, et au bout : la mort. Peut-être de mes mains. À l’ouest : le retour chez moi, à Montandre. Une grande période de réflexion, quelques conversations avec un être qui certainement t’expliquera comment tenir aux siens vaut mieux que toutes les colères, et au bout : la vie. Choisis ! »
Fell n’ouvrit pas la bouche, mais c’était inutile. Loxias percevait le chagrin qui lui embuait les yeux, la honte qui lui rougissait les joues et son cœur tourmenté qui s’apprêtait à fondre. Il se tourna vers Polaris. « La route est-elle sûre jusqu’à Montandre, pour elle seule ?
— Mon oncle, la route n’est jamais tout à fait sûre, mais si elle va d’un bon pas, elle y sera avant nuit noire. Elle aura évité le pire. »
Loxias l’aida à se relever et vérifia son état. Rien de cassé. Quelques contusions passagères. Mais cela ne le rassura pas tout à fait. À ses côtés, Anatole reprenait petit à petit les couleurs du calme. Il l’interrogea du regard.

Un roucoulement se fit entendre et Perceval vint se poser sur l’épaule de Fel. « Va, Fel, lui dit le vieux Maître. Perceval te guidera jusque chez moi — et avec lui Sahrane te laissera rentrer. Qu’il revienne à moi dès que tu seras en sécurité. »
Dernière modification par BenjaminP le dim. déc. 15, 2024 1:16 am, modifié 1 fois.
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Re: [CR] D&D 5E — Rime of the Frostmaiden

Message par Gobelours »

Ce CR est un vrai régal !
J'en profite pour vous demander quel est votre setup pour jouer en ligne ?
BenjaminP
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Re: [CR] D&D 5E — Rime of the Frostmaiden

Message par BenjaminP »

Gobelours a écrit : sam. déc. 14, 2024 9:02 pm Ce CR est un vrai régal !
J'en profite pour vous demander quel est votre setup pour jouer en ligne ?

Oh rien que de très classique. Discord pour la voix, Miro pour poser les visuels (portraits, cartes, relation maps, organisations diverses), fiches et jets de dés sur Beyond.
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Re: [CR] D&D 5E — Rime of the Frostmaiden

Message par Gobelours »

Merci pour ta réponse :bierre:
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Re: [CR] D&D 5E — Rime of the Frostmaiden

Message par Elijah Shingern »

Fragments :

"Dix ans que Iar Nok l'Etranger est Archonte de la Tribu ! 
La Lignée du Sang, Snubsuk le Violent, Manafek Donne-Mort, Varfil le Devin,
Tous, ils s'agitent sous son joug, son terrible joug !
Les Osselets parlent, disent une énigme
Et Varfil maître des devinettes dit  :
Maglubiyet le Gobelin-Dieu envoie du Nord Ténébreux une triple épreuve :
Homme-Médecine aux paroles de Miel.
Homme-Guerrier possédé par le Dieu-Machine.
Homme-Chasseur tueur de Gobelins.
Ils sont venus et ont emporté l'Archonte et les Idoles étranges.
Mais Isobaï la rusée a formé avec eux un Pacte."

(Conte Gobelin)

" Dur !
Dur pour un Mage de ne pas obéir à la Voie !
Dur !
Dur pour un père de tuer son enfant !
Son joyau, sa joie, tuer son Enfant-Fille
Sang de Diablesse, Faute du Père, Nécessité Grimaçante ! [...]

Ne tue pas ! Retiens tes coups !
Qu'est la mort de cette Enfant-Fille
Pour un Faucon et pour un Seigneur de Guerre ?
Ne la pose pas sur l'Autel de Pierre 
De ton Homme- Dieu Altéré de Sang.
Maglubiyet lui-même te supplie."

(Anatole et Fel, tragédie gobeline en 5 actes d'Isobaï)


"Que Helm te bénisse, Protectrice
 Mère au tranchant insatiable,
Par qui je m'élève,
Jusqu'au Mont des Triades,
Par qui je m'élève
Jusqu'au Mont des Triades,


Tu es la joie et la force,
De tous les hommes brisés ;
De tous les hommes blessés,
Tu est l'Unique Recours ;
De tous les hommes blessés,
Tu es l'Unique Recours.

Sur tous nos Ennemis,
Accorde nous la Victoire,
Et la gloire Eternelle
Sur le Mont des Triades,
Et la gloire Eternelle
Sur le Mont des Triades".

(Hymne)
 
Vous nous voyez parmi les nations
Nous battrons-nous toujours pour la terre charnelle
Ne déposerons-nous sur la table éternelle
Que des cœurs pleins de guerre et de séditions
BenjaminP
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Re: [CR] D&D 5E — Rime of the Frostmaiden

Message par BenjaminP »

Et enfin, la deuxième partie !

Épisode 15, Partie II — L'idole du Dun

Quand ils parvinrent à Hâvredest, toujours en compagnie du gnome Spellix, les rues étaient étrangement désertes. Ils comprirent vite pourquoi : tout le monde ou presque s'était rassemblé au port, où la Voix du village, Danneth, supervisait une étrange entreprise : on hissait depuis le lac gelé une grande statue aux allures de figure de proue qu'une équipe de marins était allée repêcher dans les eaux du Dun. Ils étaient une dizaine à s'afférer autour de cette inquiétante figure, et au moins le triple à observer le travail, maintenus à bonne distance par Imdra Arlaggath et ses quelques gardes.

Effarouché par la foule, Polaris préféra s'éloigner et aperçut Rinaldo, le barde halfelin par lequel le fantôme du lac leur avait parlé lors de leur dernier passage en ces lieux. Il s'affairait autour d'un traîneau et d'une barque, qu'ils préparaient pour une expédition avec autant de fougue que d'amateurisme. Polaris prit pitié et l'interrogea sur ses intentions, dont il devinait malheureusement la teneur : Rinaldo était bien décidé à partir, seul, retrouver ce fameux trésor "le plus précieux du Val" dont leur avait parlé le fantôme. Bien sûr, la guenaude qui était censée le garder ne l'effrayait pas, oh non, elle verrait, la verruqueuse, de quel bois se chauffe un halfelin gelé jusqu'aux os ! Balayant l'attelage du regard, Polaris constata les patins mal graissés, les chiens faméliques et trop peu nombreux, les provisions tout juste bonnes à attirer les loups la nuit et les corbeaux le jour. Pas même un arc pour chasser ni des crampons pour tirer au lac. Il soupira.

Vers la foule, au bord du quai, le mufle de la statue dépassa soudain et le sang de Loxias ne fit qu'un tour : il reconnut d'emblée Errtu, le diantrefosse qui avait terrorisé le Val au siècle dernier. Surtout, il perçut jusque dans ses os la vibration perverse du matériau qui le constituait : de la chardalyne, presque pure, en telle quantité qu'il se précipita vers Imdra pour lui expliquer la situation et la conjurer de maintenir ses hommes à distance et d'isoler tous les marins qui avaient été en contact direct avec la chardalyne. L'elfe, troublée par l'intensité du regard de Loxias, relaya vivement ses ordres et organisa un périmètre plus large, pendant qu'Anatole s'occupait d'en savoir plus auprès de la Voix. Danneth consentit, très fier de lui, à lui expliquer comment cette idole était parvenue jusqu'à lui. Plus au nord, les bonnes gens de Châteauroi avaient mené l'assaut sur un avant-poste duergar établis dans la toundra. L'entreprise avait été coûteuse, en matériel, en hommes. Mais elle avait abouti et c'est ainsi qu'un message d'alerte lui était parvenu. Des duergars se dissimulaient partout dans le Val, il fallait être prudent. Surtout, ils étaient à la recherche de cette idole, qu'ils avaient localisé dans le lac. Ne leur manquait plus qu'une embarcation digne de ce nom pour s'en emparer.

Heureusement, Danneth avait pris les devant ! Il n'allait quand même pas laissé ces nains gris dérober ainsi le patrimoine du Val ! Il allait plutôt leur couper l'herbe sous le pied et repêcher lui-même cette idole avant que les gris s'en chargent. Et puis il la garderait, en lieu sûr, dans la maison longue de Hâvredest. Oh et, justement, ce gnome qui les accompagnait, n'était-ce pas celui qu'il devait loger en ville ? Markath de Montandre l'avait prévenu et il comptait bien que Hâvredest fasse sa part dans la paix gobeline — et en retire les bénéfices prochains, surtout en cas d'attaque duergar. Pour Spellix, il avait préparé l'ancienne loge des frères Lazlo, qui ne servirait plus, malheureusement. Quant aux trois illustres ambassadeurs qui en avaient décroché ce bel accord, la maison longue leur était ouverte pour le temps de leur séjour.

Spoiler:
Oui, je leur colle dans les pattes le capper de Easthaven, qui me paraît être une bonne manière de faire sortir les duergars de leur tanière et animer la ville, avant de les lancer un peu plus tard vers Xardorok, une fois qu'ils sauront ce que les duergars comptent faire de toute cette chardalyne.

Anatole secoua lentement la tête. Était-ce possible d'être aussi fier et aussi sot ? Maintenant que l'idole avait été tirée du Dun, les duergars chercheraient à la récupérer en pleine ville. Ce n'était plus qu'une question de temps. Il regarda vers Polaris, bien occupé à persuader Rinaldo de surseoir à son expédition suicidaire. Heureusement, il ne paraissait pas avoir entendu Danneth parler des morts à Châteauroi. Si Athanase, son père, était de ceux-là, Polaris ne se pardonnerait sans doute jamais de ne pas avoir infiltré l'avant-poste avant lui. Pire, c'était lui qui lui en avait parlé ensuite, pensant qu'il valait mieux l'avertir.

Loxias était toujours en compagnie d'Imdra, qu'il persuada de mener la garde auprès de la statue, et au-delà, jour et nuit, sans relâche. Les duergars ne tarderaient pas, lui disait-il. Ils savent se cacher. Pire, ils savent se battre. Mieux que des gardes affamés. Même s'ils les repéraient avant le méfait, intervenir serait délicat. Était-elle prête à affronter ce danger ? La belle capitaine lui assura que oui. Était-ce par bravade, certitude, désir de plaire ? Tout cela n'augurait rien de bon. La nuit serait longue, sans doute. Au moins serait-il en bonne comapgnie.

Polaris retourna vers eux à ce moment-là, un demi-sourire aux lèvres. Plutôt que de le laisser partir à la mort, il avait proposé à Rinaldo de l'accompagner dans sa folle expédition. Ne restait plus qu'à persuader son oncle et le vieux maître que c'était là une riche idée.
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Message par BenjaminP »

Nous avons joué la 16e session lundi dernier. La fin du chapitre 2 approche — c'est probablement pourquoi nous avons fait un petit détour par quelques fils oubliés dans le chapitre 1. Bonne lecture !

Épisode 16, Partie I — Les fils du Blême

Avant de passer la nuit dans la maison longue sur l’invitation de la Voix de Hâvredest, Loxias partit s’encanailler dans les tavernes de la ville. Des deux qui avaient survécu au long hiver, il choisit de commencer par la plus à l’est, la Truite humide. Lors de leur dernière conversation, quand ils étaient encore aux trousses de Sephek Kaltro, sa tenancière Nymetra n’avait pas dissimulé ses sympathies pour la vierge de glace, une franchise que Loxias comptait bien exploiter pour prendre le pouls de la ville. La nuit interminable avait tant creusé les ventres qu’on les entendait gronder partout, mais la Truite humide leur donnait l’occasion d’en dire plus, d’extérioriser la faim, de la transfigurer en colère manifeste. Si le culte d’Auril prenait pied quelque part, ce serait d’abord ici, se disait Loxias. Il aborda Scython, le caboteur que le Dun gelé avait livré au chômage en immobilisant le ferry qui reliait antan la ville à Châteaudun sous son capitanat. Grommelant et râlant, bien trop ivre, Scython se plaignit de tout et de rien, du bouillon trop clair et de la nuit trop longue, et de ce damné Bartaban qui voulait lui voler son navire et son hameçon. Loxias finança ses divagations quelque temps, puis proposa à Scython d’aller avec lui visiter Bartaban, à la Dame blanche. En chemin, le long des quais, Scython parut très agité à l’approche du ferry, persuadé d’y voir le mouvement de quelque traître sur le pont, qui lui pillait son bien. Mais Loxias ne vit rien et, parvenu à la Dame blanche avec son compagnon, Bartaban leur confirma que ce vieil ivrogne se faisait bien du mouron pour rien. Qui voudrait d’un navire cloué sur le rivage ?

Pendant ce temps, Polaris avait rassemblé le nécessaire pour l’expédition du lendemain auprès de marchands de sa connaissance. Quant à Anatole, il avait voulu profiter au mieux du début de la nuit, car il soupçonnait que les duergars tenteraient quelque chose le soir même. Il avait, pour s’y préparer, placé Perceval en faction dans la grande salle, pour suppléer l’escouade commandée par Imdra. Sans leur intervention, l’elfe aurait sans doute été seule à surveiller l’idole, mais aux douze coups de minuit ses quatre hommes dodelinaient déjà de la tête et pas un ne vit s’ouvrir le carreau au-dessus. La veille de Perceval n’avait pas été vaine. Il réveilla promptement son maître, puis Loxias et Polaris, qui déboulèrent dans la grande salle par la galerie supérieure alors que les duergars, surpris par le nombre de défenseurs, tentaient un mouvement désespéré vers l’idole qu’Imdra protégeait de son corps. L’un d’eux se tira soudain juste derrière elle de l’invisibilité qui jusque-là le dissimulait et voulut l’embrocher. Mais du haut de la galerie Loxias veillait au grain et par la grâce de Helm le foudroya sur place. Le reste de la bande, échaudé déjà par une résistance supérieure à ce qu’ils avaient prédit, interpréta cet arrêt de mort divin si vite exécuté sur le plus vaillant d’entre eux comme le signal de la retraite. Ils déguerpirent, Boy à leurs trousses. Polaris en captura un au niveau des quais et en aperçut un autre filer droit vers le ferry. Le vieux Scython n’avait peut-être pas perdu toute sa lucidité, finalement. La milice de la Voix se chargerait dès demain de nettoyer tout ça. En attendant, Polaris ramena son prisonnier vers la maison longue, où il leur livra d’inquiétantes informations.

Le duergar que Loxias venait d’abattre n’était autre que Durth le cadet de Xardorok le Blême, venu bâtir à la faveur de la nuit sans fin une forteresse à la surface et avec elle la première nation duergar hors de l’Outreterre. Mais ce n’était pas tout : il avait amené avec lui le feu des profondeurs, qui alimentait une forge capable de travailler les plus dangereux minerais et de leur prêter vie. En ce moment même, il mettait ainsi la dernière main à la plus perverse de ses créations : un dragon de chardalyne qui réduirait en cendres les dix villes en l’espace de quelques heures et livrerait tout le Val aux duergars. Les humains n’avaient plus qu’à faire leur prière, et qu’ils ne comptent pas trop sur la pitié d’Auril !

Polaris avait appris plus tôt dans la journée que, là-haut, plus au nord, à Châteauroi, les villageois avaient pris d’assaut le fortin de Nildar, aîné de Xardorok. Que son père en était mort, peut-être. Un père, un fils, déjà. Et maintenant que Loxias avait tué le cadet du Blême, la haine réciproque serait irrémédiable. Ainsi commencerait sûrement la guerre du Val. Mieux valait s’y préparer.

*

Voilà donc joué le "capper" de Hâvredest. Il survient alors que les personnages étaient déjà bien au courant de la menace duergar et, comme vous l'avez lu, j'avais préfiguré un coup fourré des duergars dans la partie précédente en mettant en scène le repêchage de l'idole d'Errtu. Normalement il n'est pas annoncé comme ça, et il n'a pas nécessairement besoin de l'être, dirais-je, du moment que les personnages visitent l'hôtel de ville avant et qu'ils ont donc ainsi l'occasion de voir l'idole en bonne place et de déterminer de quoi il s'agit. Comme ce n'était pas le cas de nos héros, je me suis débrouillé autrement, parce que ce capper confère beaucoup de sel à l'arc duergar, je trouve, en ce qu'il permet de choper la deuxième moitié des infos à ce sujet (via le deuxième fils).

Voilà la logique : nos héros n'ont pas mené l'assaut contre le fortin duergar au nord, mais ils ont prévenu Athanase, qui n'allait sûrement pas attendre sans rien faire, il a donc rassemblé les villageois et donné l'assaut. Nildar est tombé, et ses plans avec lui. Parmi eux, la localisation précise de cette figure de proue d'un navire coulé il y a des siècles, qu'il attendait de pouvoir repêcher dès qu'il en aurait les moyens logistiques. L'information est parvenue à Danneth Waylen, Voix de Hâvredest, qui a décidé de les devancer et à envoyer des pêcheurs chercher l'idole. C'est là que nos héros sont arrivés.

C'est ce qui leur a permis de révéler à tout le monde le danger (et la bêtise) de ce plan de la Voix et de les persuader de renforcer considérablement la garde autour de l'idole. De là, si je voulais conférer du poids à leurs actions, l'assaut duergar ne pouvait plus vraiment poser de problème vital. Pour le pimenter un peu malgré tout, il pouvait arriver quelque chose au seul PNJ du coin dont ils étaient proche, Imdra, et j'ai donc décidé que Durth s'en prendrait à elle. Durth est un Duergar Mind Master, il y avait donc une réelle possibilité que ça se passe mal pour notre elfe vaillante (à qui j'ai conféré des stats de Knight en mauvaise santé, donc plutôt 30 PV que 50, m'étais-je dit). Mais Loxias nous a sorti un 20 sur son Guiding Bolt et envoyé Durth ad patres d'un coup d'un seul. C'était beau et méritait une débandade instantanée, d'autant que la suite ne promettait pas d'être bien palpitante autrement, l'épisode autour d'Imdra étant le seul qui m'intéressait.

Notons aussi que Loxias a bien failli tomber plus tôt dans la gueule du loup en tournant comme ça autour des histoires du ferry de Scython, qui est le repaire de nos méchants. Mais il est prudent et habile, le bougre.
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Partie II — Des aventures d'un humble barde et de ses hardis compagnons

Le traîneau glissait sans peine sur le Dun gelé et Rinaldo rêvassait bien au chaud, emmitouflée dans une peau de renne que le gentil Polaris avait ajouté à son paquetage. Le chien aux yeux de braise, Boy, guidait la petite meute, tête haute, autoritaire et ravi. Non loin, le prêtre sévère, droit comme le i de martial, chevauchait un grand bec de pioche qui tirait le deuxième traîneau, où le vieillard fourbu par les ans trimballait son front pâle et son air soucieux. Loin devant, Polaris patinait, gracieux et léger, criant ses instructions à Boy à mesure qu’il repérait les crevasses dangereuses où la glace trop mince pour soutenir leur poids. Ah, l’aventure ! Rien de tel pour revigorer les sens et éclaircir les esprits ! Quelle belle journée ce serait ! Rinaldo vérifia pour la dixième fois au moins qu’il avait pensé à tout : sa plume, sa bouteille d’encre, un peu de bouillie d’avoine, une outre d’eau presque remplie à moitié. Parfait. Il avait tout. Oh, et son couteau. Heureusement que Polaris lui y avait fait penser. Sans cela, il serait parti affronter la sorcière du lac complètement désarmé ! Il n’avait finalement pas trouver d’arc dans la remise. Il était pourtant certain que son père en avait laissé un là, du temps où il chassait le faisan dans la toundra. Du temps où il était encore en vie. Avant l’hiver.

Comme il aurait été fier de lui, son père ! Devant la falaise de l’anse aux pirates, à la pointe nord-est du Dun, il l’aurait vu, aux côtés de Polaris, analyser la situation avec son œil expert. Une rivière souterraine venait jeter son lit pris dans la glace. Au-dessus, un réseau de cavernes s’ouvrait en plusieurs endroits, à mi-hauteur. L’escalade était possible, il était équipé pour : chaussures à lacets et mitaines en peau de lapin. Mais bien sûr, il avait vite repéré quel genre de bête en avait fait son antre, grâce aux traces de griffe sur la pierre et aux déjections molles encore présentes que Polaris pointait diligemment du doigt pour Loxias et Anatole. Un loup. Belle bête. Peut-être un sanguinaire. L’odeur ne trompait pas. Rinaldo serra sa ceinture et marcha droit vers la rivière, le chemin le plus sûr, ses compagnons derrière lui.

Devant la petite cascade immobile où la lumière crépusculaire du jour parvenait on ne savait comment, peut-être par les orifices de la voûte, il les arrêta. On y sentait une présence, une présence étrange, que seul le froid empêchait de jaillir vers eux. Anatole confirma aimablement : un esprit d’eau. Mieux valait éviter de le déranger. Comme il avait pensé à tout, Rinaldo sortit du sac de Polaris les piolets et les crampons qui leur permirent de passer discrètement sur le côté de la paroi, sans coup férir, laissant en repos cette créature élémentaire et probablement affamée. Depuis les profondeurs de la caverne leur parvenait à présent une odieuse mélodie, qui en aurait effrayé plus d’un et s’éraillait pire qu’une pie jacasse. La prudence était de mise. Ils avancèrent à pas comptés, revigorés par une chaleur suspecte, jusqu’aux fumerolles qui s’élevaient dans une sorte de sanctuaire orné de fresques titanesques. Sous la glace de la rivière qui s'amincissait là, des squelettes de géants profitaient d’un repos éternel. Avisant Anatole, Rinaldo lui précisa qu’il devait s’agir d’un cimetière, peut-être, pour ces géants des glaces des temps anciens. Une source chaude dans laquelle ils expiaient leur péché envers Thrym, le titan. Devant l’érudition de Rinaldo, le vieux bougon émit un sifflement admiratif, espérant sûrement puiser plus profond dans le puits de science historique du courageux halfelin en une future occasion, mais Rinaldo avait déjà la tête ailleurs. Le trésor les attendait ! Le plus grand trésor du Val, avait dit le spectre de la Dame blanche, Rinaldo s’en souvenait bien. Il ne pensait qu’à ça, depuis des semaines. Et voilà qu’ils approchaient. La mélodie affreuse se faisait lancinante.

Ils empruntèrent un boyau qui s’ouvrait un peu plus loin sur une grotte plus large, au centre de laquelle un bloc de glace emprisonnait presque totalement un de ces impressionnants squelettes, deux fois grand comme Loxias, sa hache à la main. Ses compagnons le contournèrent sans prendre garde mais Rinaldo, lui, flaira le danger. Il tira son couteau et rappela Loxias au premier mouvement : la glace se fendillait. Et là : le squelette n’avait-il pas tourné la tête ? Il aurait été plus sûr de prendre un autre chemin, suggéra-t-il, mais malheureusement ses camarades trop téméraires s’étaient déjà engouffrés vers la dernière grotte et la source du chant. Seul Loxias demeurait en arrière avec lui pour empêcher le squelette de se libérer de sa gangue. Malgré ses efforts et la foudre de Helm, le prêtre n’y parvint pas tout à fait et voilà que le géant revenu d’entre les morts brandissait haut sa hache et le balayait d’un seul coup. Rinaldo était alors le dernier rempart. Soit il détruisait ce monstre, soit ce monstre le détruirait. Mais sa vie n’était rien. Sauver ses amis était tout ce qui comptait. Il fit un pas qu’on aurait pu dire de recul, mais c’était pour mieux sauter.

Mais avant de déclencher l'assaut fatal, le barde s'avisa que la mélodie avait cessé, et voilà que les aboiements de Boy se rapprochaient. Rinaldo jura par tous les dieux ! Ses compagnons galvanisés par son courage avaient vaincu la sorcière et voilà qu’ils allaient bêtement se mettre en danger, ces inconscients ! Il voulut leur intimer de fuir, allant jusqu’à leur montrer l'exemple, mais ivre de rage et de douleur devant Loxias agonisant, ils n’entendirent goutte et contre toute raison s’en prirent au squelette à leur tour, dont une décharge bleutée pulvérisa le coude. Le squelette, toujours debout malgré cela, alla pour saisir Polaris. Par pure chance, à moins que ce ne fût grâce au grand cri viril que poussa Rinaldo à ce moment, il n’avait pas vu Boy qui s’était faufilé entre ses jambes et qui, d’un coup de dents rageurs, lui arracha tout un tibia. Les os s’effondrèrent en grand fracas. Ces pauvres fous s’en étaient sortis malgré tout. Déjà Polaris relevait son oncle encore sonné, et Rinaldo rengainait son arme, fier de l’exploit. Il s’approcha de la dernière grotte à pas lents, raisonnables, mesurés. Près d’un chaudron renversé gisait la dépouille d’une vieille femme, qui n’avait pas dû opposer beaucoup de résistance à en juger par son état. Il n’y avait qu’à voir sa peau verruqueuse pour noter qu’elle était en très mauvaise santé, pour tout dire presque morte, certainement en raison de son régime alimentaire dont les traces écœurantes se devinaient partout : des corps de pêcheurs démembrés, probablement tués et ramenés là par le loup, dont elle se repaissait, la pauvre. Mais de trésor : point.

*

Le retour des braves à Havredest aurait pu se faire sans encombre, mais Anatole insista pour qu’ils s’embarrassent de ce vieux chaudron ouvragé dans lequel la vieille femme bouillait son infâme ragoût. Il en parlait comme d’un objet précieux, susceptible de déchaîner les jalousies partout dans le Val. L’absence de trésor pesait lourd sur son esprit, certainement. La sénilité préférait lui faire croire en la valeur de ce morceau de bronze, plutôt que de le laisser reconnaître que toute cette aventure n’avait été que pour la gloire et non l’argent. Dans le traîneau, sous la couverture, Rinaldo souriait. Le sens du devoir accompli le nourrirait, ce soir.
*
* *

Nous avons donc joué ce dernier morceau de chapitre 1 qui traînait, avant de repartir fièrement dans le chapitre 2 vers la tour de Netheril tombée en pleine toundra. Ça nous aura permis de faire passer les persos niveau 5, passage justifié par ce très beau combat (je leur ai accordé malgré l'aide décisive de Rinaldo). Le chapitre 3 (et 4, donc) se rapproche à grands pas !
Dernière modification par BenjaminP le jeu. févr. 06, 2025 3:18 pm, modifié 2 fois.
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Message par Islayre d'Argolh »

BenjaminP a écrit : jeu. févr. 06, 2025 12:00 pmL’absence de trésor pesait lourd sur son esprit, certainement. La sénilité préférait lui faire croire en la valeur de ce morceau de bronze, plutôt que de le laisser reconnaître que toute cette aventure n’avait été que pour la gloire et non l’argent.

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"Oh, par les dieux, Rinaldo a été répandu dans tout le Valbise, façon puzzle !"
"Que s'est il passé Vieux Maître* ?!"

"J'ai bien peur que ce ne soit ma faute : je nettoyais ma fireball, j'ai fait un faux mouvement et le coup est parti tout seul. Je ne comprends pas, quelque chose devait peser lourd sur mon esprit, certainement... Peut être le début de la sénilité... Ah ! Qu'elle est triste et amère cette vieillesse..."


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Message par BenjaminP »

Islayre d'Argolh a écrit : jeu. févr. 06, 2025 1:49 pm "Oh, par les dieux, Rinaldo a été répandu dans tout le Valbise, façon puzzle !"
"Que s'est il passé Vieux Maître* ?!"

"J'ai bien peur que ce ne soit ma faute : je nettoyais ma fireball, j'ai fait un faux mouvement et le coup est parti tout seul. Je ne comprends pas, quelque chose devait peser lourd sur mon esprit, certainement... Peut être le début de la sénilité... Ah ! Qu'elle est triste et amère cette vieillesse..."


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Message par Islayre d'Argolh »

BenjaminP a écrit : jeu. févr. 06, 2025 2:43 pm Anatole, ami des lettres et des artistes, n'oserait jamais commettre un tel crime de lèse-talent.

Les seules lettres dont se revendique Anatole sont celles (fréquentes) qu'il envoie au bourgmestre pour se plaindre !
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Re: [CR] D&D 5E — Rime of the Frostmaiden

Message par BenjaminP »

Islayre d'Argolh a écrit : jeu. févr. 06, 2025 3:54 pm
BenjaminP a écrit : jeu. févr. 06, 2025 2:43 pm Anatole, ami des lettres et des artistes, n'oserait jamais commettre un tel crime de lèse-talent.

Les seules lettres dont se revendique Anatole sont celles (fréquentes) qu'il envoie au bourgmestre pour se plaindre !

C'est donc à ça que servent les plumes de Perceval ! Le malheureux !
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Message par BenjaminP »

Épisode 17 ! Nos aventuriers ont dû dans un premier temps décider quoi faire de leur trésor, ce qui a donné lieu à une sorte de downtime, le temps d'organiser tout ça, que voici résumé ici.
 
Partie I : Abondance

Du haut de sa fenêtre, à Montandre, Anatole observait la distribution de brouet d’un air satisfait. Fell, sa petite protégée, l’orpheline qu’il avait bien failli perdre au profit d’un culte de Stygie, avait saisi sa chance et pris son rôle à cœur. La voilà qui remplissait les écuelles de ceux qui, il y a quelques années à peine, lui jetaient des pierres en l’appelant « rouge cornue ». L’instinct de vengeance qui l’avait poussé dans les bras du culte n’était plus. Peut-être l’avalanche qui avait manquer de lui coûter la vie l’avait-elle emporté lui aussi, en même temps qu’elle, et remplacé à profit par cette charité étrange qu’atteignent les âmes ayant connu le salut : faire le bien même en réponse au mal. Briser le cercle des représailles. Redoubler de bonté face aux crachats des ignorants. Leur prouver par l’exemple que la méchanceté ne les mènera pas au-delà d’une ligne que la simple bienveillance franchit et dépasse de cent lieues.

Anatole n’était pas peu fier. Depuis le petit matin gris, Fell s’y prenait très bien, sourire aux lèvres, sûre de sa position. Sûre de sa force, aussi, rassurée qu’elle était par la présence de Sahrane encapuchonnée, juste derrière elle. Les habitants de Montandre avaient eu besoin d’une démonstration pour craindre l’ancestrale gardienne revenue d’entre les morts, mais à présent son odeur de cannelle et de girofle suffisait à éviter la moindre agitation. Elle étouffait dans l’œuf le moindre mouvement de foule. Dès que s’impatientait un nouveau venu à qui ce délicat parfum d’épice ne disait rien encore, Sahrane tombait chaperon et s’avançait d’un pas. Les rangs se serraient dans l’instant et les murmures dissuasifs rappelaient l’inconscient à la raison. Ainsi les distributions pourraient se poursuivre longtemps. La magie de la sorcière y pourvoirait.

Selon les calculs d’Anatole, le chaudron de la sorcière du Dun fournirait un millier de repas par jour, tant que le bois ne manquerait pas. C’était environ un repas pour chaque habitant de la ville, ce que le prévôt Markham n’avait pas manquer de remarquer. Mais le vieux maître ne l’avait pas laissé entretenir plus longtemps ses illusions obsidionales. « Pas question, Markham. Un homme en bonne santé n’a pas besoin d’un repas par jour pour survivre ; par ailleurs, il n’y a qu’à se promener dans nos rues pour s’apercevoir que certains ne manquent de rien, malgré l’hiver. Voilà donc mes termes, que vous transmettrez à Duvessa : un tiers du contenu du chaudron, réparti en deux moitiés, partira tous les jours vers Hâvredest et Terremalaine. La capitaine Arlaggath du guet se chargera du convoyage sur la route de l’Est ; messire Loxias l’a contactée. Trouvez des hommes fiables, irréprochables, pour la route du nord, voulez-vous ? Irréprochables, j’insiste. Pour le reste, ouvrez les portes de la ville à tous les nécessiteux. Oh, et, bien sûr : plus de sacrifice. Aucun. Que ceux qui souhaiteraient prier la vierge de glace pour obtenir pitance vienne plutôt prier le chaudron du Dun, il les exaucera bien mieux. »

Le culte d’Auril était devenu la grande affaire de Loxias. Pendant qu’Anatole avait organisé méticuleusement sa grande distribution et assuré ainsi le repos des ventres, lui s’était préoccupé du salut des âmes. L’autel d’Amaunathor, que, bien peu au fait des subtilités théologiques que Loxias connaissait bien, ces rudes paysans du Nord vénéraient encore avant que tombe l’hiver, lui avait servi de camp de base pour fonder un modeste temple en l’honneur de la Sentinelle. Mishaan, la vieille prêtresse, l’y avait même aidé, que le Seigneur du matin la garde — ou Lathandre, plus probablement. Avec l’arrivée du chaudron du Dun, l’espoir revenait, et avec lui les fidèles capables de brandir le bouclier protecteur, servir la justice et protéger les faibles des forts. Il a par ailleurs confié à Copper, l'ancien apprenti de Macréadus, l'étoile de l'été, cet artefact sur lequel travaillait son maître Macréadus qui, faute d'avoir tout à fait compris  les manipulations magiques de l'antique Netheril, fut rappelé à son Dieu pour prix de son invention. Sans doute que Copper saurait, lui, être plus prudent, et trouver ce qui manquait à l'artefact pour fonctionner sans risque. S'il le pouvait, le soleil reviendrait, au moins sur Montandre. Le jeu en valait l'astre.

Agréis, le templier de la confrérie, voyait tout ça d’un œil surpris. Loxias avait rempli sa mission au-delà de toute espérance. Loin de s’être cantonnée à la reconnaissance initiale qui lui avait permis de percer à jour les agissements des stygiaques, les manigances de l’Arcane, la menace duergar et les plans machiavéliques d’Asmodée, le voilà qui faisait renaître la vraie foi au cœur du Val et parlait même de ramener le Soleil de par-delà l'Échine. De jour en jour la foule grossissait devant l'autel de Helm, les fidèles abondaient et avec eux les vocations. L'ordre recruterait ici sans peine, à présent. Tout n’était pas perdu. Le Valbise n’était certes pas tout à fait sauvé encore, l'hiver d'Auril régnait, le roi duergar poursuivait ses sombres desseins et Asmodée avait encore la main la plus menaçante, mais du moins les âmes des Dix Villes n’étaient-elles plus condamnées à la damnation. Quant aux corps… l’avenir le dirait.

L’avenir, Polaris s’en préoccupait peu. En ces quelques jours de répit bénis, avant qu’ils se lancent avec ses deux compagnons et Boy son chien fidèle dans leur prochaine expédition dans les terres gelées d’Aiervaturace le Grand Blanc, seul le présent l’intéressait. Il avait décidé de le passer en compagnie de Shilla la guérisseuse, au bord du lac des Deux Ombres, à laquelle il s’était présenté avec une proposition : accepterait-elle, lorsque reviendrait le soleil, qu’il s’installe près d’ici ? Oh sans la déranger, évidemment ! Il se contenterait de lui apporter de temps en temps un bol de bouillon de lapin, qu’ils dégusteraient ensemble en regardant le dégel. Shilla avait souri, elle lui avait demandé s’il comptait se construire sa cabane en pierre et en bois comme ses congénères les citadins, et Polaris avait bafouillé en retour que n’importe quoi lui conviendrait, ce n’était pas la question, vraiment. Alors Shilla avait soulevé derrière elle la lourde peau de cerf qui refermait sa hutte, pour lui demander si son humble demeure à elle ne lui conviendrait pas et, plutôt que de bafouiller encore, Polaris avait pour la première fois peut-être franchi le seuil de ce que l’avenir pourrait être.
 
*

Tout ça n'a dû prendre que vingt ou trente minutes de la séance, mais c'était très nécessaire et très efficace, pour tirer de jolies conséquences de leurs premières aventures. Ce sont à présent de grandes figures du Val, leur influence s'étend, ils ont négocié la paix et une forme d'alliance avec les Gobelins, rapporté un artefact capable de contrôler le climat sur de petites distances et bien sûr le chaudron de la sorcière, qui change beaucoup de choses. Ils ont libéré Châteaudun de l'influence du culte de Levistus et repoussé l'assaut des duergars sur Hâvredest. Ils ont levé la malédiction du Bois solitaire et ramené Sarhane, la Gardienne du Nord. Bref : ce sont à présent de vrais héros. Ils sont donc niveau 5, et Anatole n'a pas tardé à le faire comprendre alentour : il a retrouvé sa fireball. S'agirait pas de le prendre pour un pigeon, maintenant.
 
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