[CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Critiques de Jeu, Comptes rendus et retour d'expérience
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Pikathulhu
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Message par Pikathulhu »

LES OS DE HURLEVENT

Le retour sur une partie intense des Sentes dans un château... De quoi vous donner un aperçu de ce qui vous attend (en plus champêtre) sur la prochaine session, La ZAD des Tréfonds !

(temps de lecture : 3 min)

Joué le 04/09/2022

Le jeu : Les Sentes, drames forestiers dans une réalité sorcière (jeu de rôle et GN)

Image
Crédits : Boulieu, domaine public


Du coup, un petit retour sur la session des Sentes que j'ai organisée ce Week-end avec Cynthia (aka physics is fun)

Le lieu :

On jouait dans le parc d'un château donc vraiment un lieu immense avec pas mal d'espace différent : forêt, pelouse, verrière, reste de mur, bassin vide... Ça nous a donné beaucoup d'idée pour les différents lieux et ça nous a permis de jouer à fond avec le décors.


Le timing :

On jouait en fin de week-end le dimanche vers 11h et j'avais peur que les gens soient exténués par les deux rondes de GN précédentes dont une avaient particulièrement était intense mais au final, les sentes convenaient parfaitement à ce moment parce qu'elle offre un lâcher prise parfait et ne demande pas de placer son perso en maître de marionnette plein de réflexion politique intense....


Les joueuses

Globalement on était 4 sur 12 à avoir déjà joué les Sentes (ou un de leur dérivé type Nacha Mechta) le reste était constitué d'habitué⋅es du GN et de trois novices qui n'avaient joué que les GN du week-end. On a eu 3 annulations à l'avance par des gens qui finalement ne se sentaient pas de jouer et perso, je trouve ça très bien d'avoir l'honnêteté de refuser un jeu plutôt que de se forcer... Et vu la modularité des Sentes, ça ne posait pas de gros problèmes.


« Le Scenario » :

On a écrit à l'avance des pré-tirés et des lieux et sélectionné un certains nombre de rituels que les gens pouvaient rajouter. Le but c'était que les gens puissent se sentir libre sans forcément être perdus par la profusion d'infos qu'on peut avoir en lisant les Sentes.

Du coup, le contexte s’appelait Les Os de Hurlevent. On avait trois communautés : les Aubergistes (en place depuis longtemps) les Coloniâtres (tentant de s’implanter) et les Expiatistes nouvellement arrivés. Toutes ces communautés vivaient sur une Lande battues par les vents où de gigantesques Os poussaient transperçant leurs corps et leurs cœurs.


Dans chacune de ces communautés il y avaient à chaque fois un personnage « chasseur » :
- très hostile au progrès et aux autres pour les aubergistes
- protecteur pour celui des coloniâtres
- roublard bravant l'interdit pour celui des expiatistes.
Il y avait aussi dans chaque communautés un personnage avec une vision spécifique de la mémoire :
- prompt à faire brûler le passé pour les aubergistes
- conservant tout de manière technologique pour les coloniâtres
- tissant des toiles de souvenir pour les expiatistes.

D'autres personnages étaient aussi présent et les relations étaient toutes très marquées d'amour-haine.


La partie :

C'était incroyable ! Mis à part Nacha Mechta, je n'avais jamais vraiment joué aux Sentes en physique et là j'ai vu la force que ça peut prendre. Les gens courraient dans le pré, se roulaient sur le sol pour sentir l'odeur de la terre, dansaient seul⋅es dans le vent...
Les rituels avaient aussi un sens beaucoup plus fort, les gens se tournaient autour en psalmodiant, buvaient de l'eau teintée de sang puisée dans le bassin, se couchaient sur des arbres...
Vraiment c'était très impressionnant et le jeu physique permet un jeu interne incroyable. J'ai passé les 3 premières minutes à maudire une des communautés seule dans un bassin vide et ça marchait très très bien.
Je pense que tu connais tout ça, mais après tant de parties en virtuel, j'ai vraiment eu l'impression de redécouvrir les Sentes.
On a eu beaucoup de changement de nom au cours du jeu (c'est une constante des parties que je joue, mais je n'arrive pas à savoir si c'est usuel). [Note de Thomas : si, c'est assez usuel :) ]
La partie à duré un peu près 1h30 hors brief ce qui a fait qu'on a eue aucune baisse d'intensité mais nous a un peu empêché d'organiser un temps fort tellement les gens étaient pris dans le jeu de leur perso.

Autre gros avantage du physique, en cours de partie je me suis rendu compte que je loupais des pans entiers du jeu et ça donnait une expérience très sensible, très personnelle du jeu ce qui je trouve est assez incroyable.
Bref, je pourrais encore en parler longtemps (ça m'a aussi fais énormément réfléchir sur comment les Sentes se placent vis à vis de la murder « traditionnelle ») mais voilà, je pense que les Sentes m'ont vraiment montré leur force et c'était incroyablement beau. Et sans vouloir parler à la place des autres joueuses, je pense que je ne suis pas la seule !
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Pikathulhu
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Message par Pikathulhu »

DE MENSONGES ET DE SUEURS !

Morts-vivants tous secs, renard farceur, mémoire à sniffer, golem de braise et tempête de sable composent les ingrédients de cet épisode de ma campagne ouverte. Un récit par Arisker, merci à lui !

(temps de lecture : 15 min)

(texte libre de droits)

Joué le 11/01/2019 à l’association La Ligue des Vannetais Ludiques (Vannes, 56)

Le jeu : Écorce, par Thomas Munier. Aventures extrêmes dans les forêts maudites de Millevaux. Viscéral. Survivaliste. A l'ancienne.

Image
Glen Bowman, cc-by-sa


L’histoire:

C'est comme dans un rêve, je sais pas trop ce que je fous là alors j'essaie de me rappeler. Je fais partie d'un village, dont la plupart des habitants ont tourné brindezingues car ils voyaient les émotions sous forme d'insectes. Et avec les saloperies qui traînent dans le coin, c'est pas souvent qu'on en voit des jolis papillons. Je me rappelle du village, j'étais devenu le bouc-émissaire, les gens s’acharnaient sur moi, tout ça parce que je ne suis pas fait de chair et d'os mais de racines, de branches et de lianes. J'ai jamais demandé à être Maletronche moi ! Cependant le groupe avec lequel je traîne lui ne s'acharnait pas trop sur moi du souvenir que j'en ai. Et voilà que la forêt limbique m'a recraché et que je me retrouve face à eux. C'est très confus, mais je comprends que Brindille la gamine du groupe a perdu sa mère, c'est dur pour elle, un basilic a été vaincu, un compagnon a été perdu. Mais la bande reste en quête de l'oiseau humide, animal réel ou fantasmé, je ne saurais dire, qui permettrait de sauver le village.

Outre l'enfant, Sol ­ une sorte de guerrier dans la quarantaine, je crois, mes souvenirs sont flous ­ et Jeanne ­ protectrice des innocents à ses dires ­, mènent la danse dans cette quête qui semble frénétique. Enfin ce sont les seuls qui ont l'air d'être encore assez vivant pour danser...On me prévient qui ne faut pas tuer les choses, mais je ne suis pas forcément très malin et s'il y a un truc que je sais bien c'est que j'aime pas les morts-vivants. Alors des libellules à tête de mort, je sais pas ce que c'est mais ça me fout en rogne, je prends un bâton et j'en tue une. Je ressens une décharge, puis le souvenir d'un type qui se noie dans la boue, avec un renard qui rigole, d'un rire moqueur, sadique. Ce putain de renard, je l'aperçois en plus à l'orée des bois. Les autres me disent que ça fait un moment qu'il rôde dans les parages.

Jeanne propose de craquer une pierre de chistre, je veux faire partie du groupe alors je dis oui ! Je craque et sniffe la pierre, une sorte de caillasse mémorielle, ça y est je me souviens ! J'ai écrit la liste de mes ennemis, je l'ai introduite dans un serpent avec une amulette remplie des cendres de mes ancêtres puis je l'ai laissé vagabonder. J'espère que ce rituel que j'ai oublié aura raison d'eux, car même si ma mémoire me fait défaut, la leur sera peut-être intacte. L'extase était vraiment géniale, vite il m'en faut d'autres, je sais que Jeanne en a 2, mais on m'indique qu'elles sont produites à Chistre. Vite faut que je trouve un moyen pour qu'on y aille rapidement !

Prétexter que le la pierre de Chistre allait nous rapporter plus de souvenirs pour améliorer les chances de quête de l'oiseau humide avait été une bonne idée, c'est ce que je me disais au volant de mon ambulance. On l'avait troquée contre leur buggy qu'on avait siphonné au passage, c'était peut-être moins tout terrain mais on pouvait en stocker du fourbi là-dedans ! Surtout qu'on avait en plus une petite vieille qui accompagnait en plus notre ami Sol et qui passait son temps à modeler de l'argile, bizarre mais soit ! Le putain de renard nous avait suivi par contre, il était monté sur le toit, un petit coup de frein sec le projeta devant, un petit coup d'accélérateur et il servirait de tapis ! Le salaud il fut prompt, tant pis au moins il ne nous suivrait plus !

Finalement on arrive au abord de la falaise de Chistre, une falaise d'une blancheur incroyable avec des mineurs au turbin, ceux-ci sont étranges, tous vieux, on dirait presque qu'ils font corps avec la pierre. Lorsque je sors du véhicule, un léger vent chaud vient me chatouiller les branches en laissant du sable d’infiltré, saleté de sirocco ! En haut de la falaise à la verticale d'un monte charge, une créature bizarre, d'apparence humanoïde nous guette, elle a la gueule déformée, comme si on avait forgé sa gueule en spirale, quand les autres remarquent cet être difforme, c'est le nom qu’ils lui donnent : Spirale. Avec tout le chambard, j'avais pas remarqué mais Brindille portait la tête du basilic tout en lui cachant les yeux et accrochée à elle, une tête de renard. Des bribes de souvenirs revenaient : la gamine et sa mère avaient toujours paru un peu étrange, mais bon le village m'avait quand même décerné le gland d'or.

La Spirale nous paye l'ascension en monte-charge, en haut elle nous accompagne jusque dans une maison creusée dans la roche, tout le monde paraît troglodyte dans ce putain de village. Bah, vu les merdes que le sirocco doit charrier, rien d'étonnant, surtout que les habitations sont incrustées à même la seconde falaise. En haut, des racines en train de grignoter la roche comme une armée végétale tentant de conquérir l'opposant minéral. Les types me paraissent de plus en plus chelous à mesure qu'on progresse, tous vieux, décharnés, lents, le regard torve, on dirait des putains de morbacs et ça j'aime pas, j'ai même la haine quand je vois ce genre de truc. Je me contrôle pour le bien du groupe, mais c'est pas pour rien si le seul blase dont je me souviens qu'on m'ait jamais donné c'est FUCK THE DEADS. Ça veut dire, tueur de morbacs, enfin je crois.

Finalement on arrive dans la casbah de la logeuse de Spirale. Elle propose un tatouage mémoriel spécifique en échange de la tête, moi je demande des pierres de chistre, on arrive à avoir les deux c'est cool. Celui qui se fait tatouer c'est l'homme-champignon, un maletronche Mérule-pleureuse, je me souviens pas de quand il est arrivé mais les autres semblent le connaître, putain même chez les maletronches, une merde pareille c'est toujours mauvais signe ! Je fais avec et puis c'est lui qui va subir le truc spécial de l'autre siphonnée..., pardon spiralée ! En attendant on patiente, on boit un peu de jus d'argile, ça passe mieux que je l'aurais cru. Une fois la transaction finie, on décide de se reposer, enfin mes camarades pendant que je veille, je me méfie de la vieille, puis c'est l'inverse. Entre-temps la mérule nous fait un topo sur les forêts limbiques c'est un raccourci jusqu'à Noirmont-Ferrand, mais faut faire gaffe aux limaces géantes ou truc du style, j'écoute pas trop, plutôt occupée à avoir un œil sur la vieille. Son œil torve dégueulasse et suintant, plus gros que l'autre, son aspect décharné, ses 90 piges, et son aspect un peu morbac ça me donne envie de la cogner pour pus voir ce cauchemar qui cherche à nous la mettre à l'envers. Alors quand elle essaie de sortir pour aller cherche de « l'eau » je m'interpose, ça pue l'embrouille à plein nez ! Finalement on accompagne mamie avant de revenir car trop dangereux, le sirocco s'est levé, on n'y voit que de chic, c'est pas la peine. C'est bientôt la presque nuit ! Alors mamie elle fait pas de chichi et elle va se pieuter dans sa chambre, apparemment je la mets autant mal à l'aise que l'inverse. Moi je me fais un petit rail de chistre, je me souviens qu'une prêtresse de Zarustrata un truc comme ça, m'avait dit qu'elle pouvait me transformer en homme-huître pour pas être emmerdé dans la forêt qui rétrécit, j'avais pas dû la croire et c'est pour ça que j'avais été recraché, enfin faut dire qu'elle était barge ! Mais à la réflexion j'aurais peut-être dû.

Hormis Sol qui pionce le reste veille, j'ai déjà pieuté le quart d'avant, juste réveillé en sursaut par une histoire que Jeanne racontait à la gamine, un truc qui n'avait ni queue ni tête, enfin je crois. Le champignon je sais pas s'il est allumé depuis le tatouage ou si c'était le cas avant mais il entend des bruits de braise dehors. J'avais pas remarqué avec la vieille mais le gazier était accompagné d'un cerf et d'un vieux en costard qui avait l'air dans le mal, genre malade, j'espère qu'il allait rien nous refiler.

- Psst, psst, psst, je suis passé par les tunnels d'aération, hey vous m'entendez c'est moi le renard, je peux vous aider à vous en sortir parce que là il y a un élémentaire de braise dans le village
- J'ai tenté de t'écraser, pourquoi tu voudrais nous aider ?
- Bah si vous me promettez de ne plus me tuer et de devenir mon ami, je vous aiderai.
- Mouaipour un renard qui noie les gens dans la boue, je vous fait pas confiance !
- Nan, mais c'est pas vrai, c'est des conneries ça, en gage de ma bonne foi, je peux vous dire qu'il faut aller dans la cuve de flotte qui se situe juste à gauche, faut sauter dedans, il y a un passage qui permettra de vous barrer !
- Je suis pas convaincu, et au fait c'est quoi ton blase ?
- Sacripant.
- Et t'espère qu'on va te croire !
- J'y peux rien moi c'est un nom de renard, je l'ai pas choisi !

Là, il fallait faire fumer le ciboulot, parce que d'après le champi, l’élémentaire de braise c'était pas du chiqué mais d'un autre côté le renard avait l'air d'un crevard. Du coup face à un dilemme de merde, j’eus un éclair de génie, putain c'était pas souvent mais de temps en temps penser en dehors de la forêt comme disaient les vieux ça m'arrivait. On se concerte 5 minutes puis on décide que le mieux à faire c'est de sprinter jusque l'ambulance. Alors dans le rush Sol me glisse qu'il a utilisé son baromètre à émotions sur le canidé : déception, et curiosité ressortaient surtout. L'avance était bonne sur la saloperie de braise qu'on voyait cramer derrière nous, mais Brindille tétanisa, heureusement l'autre maletronche prit la gamine sur son dos et on se tira fissa en ambulance. Tu m'étonnes qu'elle avait pris peur la gamine, le seul moment où je m'étais retourné, j'avais vu un type style colosse qui avait l'air de brûler de manière perpétuelle, plein de cloques et de chair brûlé dont le visage reflétait douleur, souffrance et malédiction. Une fois dans l'ambulance, on a pris une route sure dans la nuit, mais le hic c'est que j'avais trop poussé le moteur et à l'approche de Bagnols, le moteur flancha. J'avais trop tiré sur l'ambulance. Heureusement on devrait pouvoir réparer le truc, surtout que Jeanne connaissait un rituel à ce propos.

En sortant de notre épave, je sentis une odeur de brûlé, on apercevait des foyers au loin, pas étonnant la saloperie avait dû cramer quelques pans de forêt. À la lisière du village, une petite cabane, un peu excentrée de manière curieuse. Sol partit en éclaireur, une petite fille rousse seule à l'intérieur avec des plumes de corbeaux au sol refuse de lui ouvrir, c'est ce qu'il nous dit quand il revint. Mais notre compagnon eut comme un électrochoc et sortit une vieille photo de sa besace, c'était apparemment la gamine parce qu'il se précipita pour aller lui parler avec le reste du groupe. Moi je restais à me faire un petit rail de chistre dans l'ambulance, putain Noirmont-Ferrand, la garde elle m'avait capturé pour me réduire en esclave dans une armure dryade, une armure de souffrance, il y avait la frangine en otage, mais je me suis barré comme une merde avant de lâcher l'armure. Est-ce qu'il l'avait tué, est-ce que je l'avais oublié ? J'en sais rien, elle était sûrement morte maintenant...

Je dois me changer les esprits et quand Jeanne revint on décida d'aller vers Bagnols pendant que les autres repartaient à la charge vers la cabane. Les projecteurs braqués sur nos gueules, les habitants nous gueulaient plus ou moins dessus :
- Qui êtes-vous ?
- Notre véhicule est tombé en rade pas loin, on venait voir pour des pièces de rechange peut-être ?
- On fait pas de réparation de nuit, tirez-vous !
- Ok, ok on reviendra demain, tranquille, ça sentait la peur, mais je pouvais les comprendre les gaziers, des étrangers qui débarquaient en pleine nuit ça avait rien de rassurant !

Quand on revint à l'ambulance, je vis que les portes arrières étaient ouvertes, un putain d'ours en train de bouffer les sièges. Le truc dégueulasse avec des vers sortant du cul ! Les yeux couverts de crottes, le pelage sec et abîmé, le truc c'était retourné fissa vers moi pour me renifler et me foutre un coup de patte, j'y avais échappé a peu de chose près. J'attirais alors la bête vers Bagnols, espérant que les villageois nous aideraient. Les compagnons m'aidèrent en menaçant l'ours, le poussant, enfin chacun y allait de son initiative et finalement l'ours était reparti et rodait un peu désormais autour de la cabane.

Affaire à suivre...

Oh toi qui trouvera peut-être ces quelques notes, si tu es intelligent t'auras sûrement remarqué quelques fautes ou une concordance des temps dégueulasse, c'est pas faute d'essayer les anciens maletronches m'avaient appris ça. C'est pour ça que même si les villageois me faisaient la misère, ils pouvaient rien me faire de plus, j'étais la putain de mémoire du village, y avait pas un péquenot qui savait chroniquer aussi bien que moi. Mais là le chistre ça me mine de plus en plus, faut que j'arrête avant de devenir trop accro, mais c'est rude. Si j'arrive plus à être scribouillard comment on va faire pour pas se paumer !


Roleplay solo, par le joueur de Brindille:

Ou « Tu as vu ce renard souriant ? Il est mignon n'est-ce pas ? Tiens, il s'appelle Sacripant, je te le confie, c'est un excellant compagnon et il est toujours de bon conseil. »


Tu vois ma fille, te voilà perdue, happée par la grasse nuit, par des ténèbres opaques, palpables, presque tangibles. Mais surtout ma fille, tu es seule désormais, tu n’as d’autre choix que d’attendre le retour de Braconnier. Dis-moi ma fille, comment te sens-tu ? Tu es seule, tu es perdue,  qu’il est difficile de rester vigilante, de ne pas laisser son esprit errer, ses pensées vagabonder, de ne pas ressasser ses souvenirs, de ne pas ressasser - nos - souvenirs. Car je suis une part de toi.


Et tu vois ma fille, je dois te confier quelque-chose : j’espère que tu - mourras - ici. Oui, je souhaite de tout mon cœur que jamais tu ne quittes cette hideuse forêt. Car tu vois ma fille, si tôt rentrée à Bagnols, tu confieras Sacripant à mon enfant afin qu’il attire le malheur sur elle. Ou bien tu inciteras mon enfant à quitter le nid pour Gros. À moins que toi et tes compagnons n’agissiez plus directement encore.  Tu vois ma fille, je connais tes intentions. Car je suis une part de toi. Mais ma fille, par mon enfant, c’est moi - seule - que tu attaque, que tu souhaite atteindre et voir souffrir. Et sache-donc aussi ma fille, que si tu accomplis tes dessins, tu me blesseras au-delà de toutes tes espérances, oui, je serai meurtrie au-delà de ce tu peux imaginer. Mais je suis une part de toi.

Et tu vois ma fille, j’ai peur, je suis - terrorisée - et à ta merci. Vois-donc, ma fille, je t’implore et te conjure de ne pas faire de mal à mon enfant. Car tu vois, ma fille, tu me reproches de t’avoir abandonnée, de ne pas t’aimer. Mais ma fille, je suis ta mère, pas ta maman. Car vois-tu, je suis une part de toi et je te soumets la question : peut-on s’aimer soi-même ?


TODO-list de la compagnie (par le joueur de Brindille) :

• (barré) Ramener la tête du basilic à Spirale
• (barré) Tester les pierres de Chistre
• Dans la forêt qui rétrécit, attirer l'oiseau humide avec les escargots de sang qui sont sa friandise préférée
• Il existe un raccourci par les forêts limbiques permettant de se rendre à Noirmont-Ferrand mais il faut prendre garde aux limaces
• Être transformé en homme-huître permettrait d'échapper aux dangers de la forêt qui rétrécit

CR Technique, game design et autres sur Écorce, par Arisker:

Voilà je me permets de faire un petit retour technique sur la partie parce que ça m'a bien plu, j'ai trouvé la table de joueurs très cool. Gros moment de RP quand Caimand chante la chanson du Horla braconnier.

Bon c'est OSR et ça se sent, mais alors je sais pas si c'est l'univers Millevaux ou l'ambiance du jeu avec la carte IGN de Clermont-Ferrand, pardon de Noirmont-Ferrand et les feuilles dessus, mais l'envie de jeter un dé s'est fait oublier alors que je suis plutôt ludiste de base. Je me demande si justement d'habitude le rôliste ne voit pas que sa fiche de perso et le dé devant lui, là c'est pas le plus important, la carte envahit la table comme la forêt envahit l'univers, c'était cool.

J'aime bien les trucs genre souvenirs, besace. Le fait de renommer les caracs de donj on sent qu'on est dans l'univers Millevaux, ça donne une ambiance. Les pré-tirés m'ont pas dérangé plus que ça mais sur du long terme le fait que les 2-3 premiers souvenirs qu'on puisse perdre soient imprimés c'est peut-être un peu embêtant, mais d'un autre côté je comprends l'intérêt, hormis un coup de blanco, j'ai pas trop de solutions plus élégante.

Niveau règles par contre j'ai peut-être une solution, vu que je venais de débarquer en fait, j'avais pas tout compris à propos des oppositions et une fois j'ai dû te dire que c'était réussi alors que c'était en dessous mais je pensais qu'il fallait faire moins comme quand on testait sous nos caracs et pas plus. Donc une fiche A4 pour l'ensemble des joueurs avec un résumé des règles de base ça pourrait être cool ! On dit souvent que pour qu'un jeu soit intéressant joueurs et MJ devraient connaître les règles, alors quand c'est trop long les joueurs aiment pas se farder les règles souvent, mais un résumé sur A4, sans forcément les cas particuliers, consultable à tout moment, je pense que c'est bien !

Ça c'est pas trop vu parce qu'il y a pas eu vraiment de combat et que tuer quelqu'un c'est dangereux apparemment. Mais dès l'entrée au village on a sentit la tension s'installer avec en climax le dilemme moral élémentaire de braise VS Renard c'était cool ! Mais là c'est plus un truc scénaristique propre à l'univers de Millevaux mais le dilemme moral reste un truc super intéressant ! Finalement est-ce qu'on peut pas rapprocher ça des fronts/menaces des jeux PBTA ?

Comme disait un autre, le MJ c'est peut-être parfois un frein à la narration, mais là ce qui m'est apparu comme un frein à la narration c'est surtout les « quêtes annexes » données par les souvenirs ou certains objets. Par ailleurs, le système joue aussi, c'est « techniqué » sur Donjons & Dragons et même si c'est pas le système le plus complexe du monde, je te voyais parfois réfléchir sur comment on va gérer tel truc, surtout côté MJ en fait. Y a peut-être moyen de faire plus simple je sais pas… Après au niveau de la narration de l'univers peut-être que c'est ambitieux mais tu pourrais ma foi éventuellement avoir 2 grilles de lecture, une pour le long cours et une autre avec des souvenirs/objets qui partent moins dans tous les sens pour un truc plus cours, plus réduit.

Voilà encore un peu à l'ouest et fatigué, les pensées sont un peu en vrac, désolé pour ça.

Pour conclure, ce jeu a été une très très bonne expérience à ajouter à ma connaissance de la « jeuderôlogie ». J'avais déjà joué à Millevaux mais comme les personnages, n'étant pas dans une démarche créative à l'époque, j'avais oublié la puissance des souvenirs ! C'est un truc très intéressant que je vais éventuellement te piquer mais d'une manière différente, parce qu'ils sont protéiformes. On peut en faire un truc à progression verticale ou horizontale pour les personnages, il peut affecter aussi bien le game design technique ­ nouveaux pouvoirs, nouvelles compétences, etc. ­ que la narration : nouveaux contacts, secrets d'univers, etc...Je me demande d'ailleurs si ça peut pas justement être un facilitateur et un truc moteur pour des joueurs et un MJ tous novices en JDR. Ça donne vraiment envie d'essayer des choses à ce propos !

PS : Je viens d'y penser aussi, les numéros pour les souvenirs et les objets ça paraît tout con comme ça, mais c'est tellement OSR ! Pour perdre, regagner des souvenirs, des objets, etc...


Réponse de Thomas :

B. « Des bribes de souvenirs revenaient : la gamine et sa mère avaient toujours paru un peu étrange, mais bon le village m'avait quand même décerné le gland d'or. »
Je comprends pas trop cette phrase. Brindille est pas originaire de ton village, au contraire des autres PJ

C. «  je me souviens qu'une prêtresse de Zarustrata un truc comme ça, m'avais dit qu'elle pouvait me transformer en homme-huître pour pas être emmerdé dans les forêts limbiques«  :
En fait elle parlait de la forêt qui rétrécit (l'endroit où se trouverait l'oiseau humide)

E. En théorie, les souvenirs glanés tracent principalement la route vers l'objectif de campagne. ça peut sembler hors-sujet sur le moment, en effet. Après, je suppose qu'on peut les régler pour qu'ils aient plus une utilité sur le moment. Les joueurs permanents, vous en pensez quoi ?

F. Mes règles sont à la fois un peu complexes pour de l'OSR et aussi en rodage, j'ai conscience que ça se sent :) J'espère bien que ce sera plus fluide une fois que j'aurai clarifié ce qui doit l'être.

G. Un résumé des règles pour la table, c'est en effet intéressant, je pourrai faire ça quand mon système sera plus cristallisé.

H. Les numéros sur les souvenirs et l'équipement ont deux utilités. Tout d'abord, ça me permet de gérer simplement l'encombrement (pas possible d'avoir plus de 10 objets ou plus de 10 souvenirs) et ça permet de tirer aléatoirement les pertes de souvenirs ou d'équipement.

I. Définitivement, je pense que la todo list peut être très pratique pour le groupe (bien que la mémoire d'éléphant du joueur de Jeanne en fasse aussi office)

Et ce RP est vraiment très bien ! Il ouvre plein de pistes pour la suite !


Réponse du joueur de Brindille :

E. Ça me convient très bien car notre équipe à un objectif pressant, le village compte sur nous et il me parait normal que ce soit ces souvenirs qui ressurgissent avant tout-autre.

F-G. En ce qui me concerne je ne connais les règles que par ce que j'ai pu observer de leur mise en œuvre car le mieux que j'ai pu trouver est un brouillon rédigé dans un style prise de note. Ceci dit c'est tout à fait jouable : 2 actions, on dit ce qu'on a l'intention de faire, parfois c'est clairement une attaque (rouler sur le basilic) parfois clairement une défense (je me protège avec mes bras) et quand il y a un doute le meujeu se débrouille ( : - p ). Ensuite on lance les dés et puis roule (il me semble que l'attaque ou la défense se basent sur une carac et qu'il faut faire en dessous). Il y a des jeux sur lesquels j'aime faire du calcul de probas, imprimer des tables et prendre des décisions informées, là je prends mon pied en y allant au feeling.

Retour du joueur de Sol :

1- Super la carte comme aide de jeu et incarnant aussi notre mémoire défaillante, obscurcie, difficile à rassembler. Excellent outil en parfait accord avec le thème.
2- J'ai aimé la règle des souvenirs, pas plus de 10 et revenant à petit pas, on sent une certaine fragilité et, ils nous permettent aussi de nous appuyer dessus pour développer notre personnage.
3- L'univers, le cadre, s'est déroulé au fur et à mesure et m'a mené dans un état d'immersion très complet. Je me suis senti dans ton univers. Voilà, je suis peu prolixe, et fort occupé, te remercie de cette expérience.


Réponse d'Arisker :

B. Vu que j'ai été parachuté dans la partie j'avais pas bien capté ça, c'est une erreur de ma part

F. Sinon les souvenirs là effectivement j'étais parachuté dans la partie donc c'était mon ressenti d'un jour, c'est pas forcément une vérité vraie. Mais si tu veux rendre le truc malléable pour des one-shot par exemple ça peut être bien.

G. Comme tu le sais je suis entrain d'écrire mon propre jeu et je vais sûrement t'emprunter la mécanique de souvenirs car elle va enrichir mon setting et mon système, même si ça sera d'une manière différente à Millevaux. D'ailleurs j'ai une catégorie qui sera atouts et souvenirs alors que toi tu fais la distinction. Mais cette mécanique permet vraiment une progression en terme de capacités et de narration/secrets de l'univers. Le seul problème éventuellement est que c'est mieux si c'est relié à « un théâtre » dans l'univers. Et que si le MJ veut jouer dans un théâtre différent il devra peut-être se farder le boulot, mais ça semble pas si complexe que ça en soit. Voilà en tout cas c'est un truc qui m'a vraiment hypé !


Réponse de Thomas :

F. Pour tout dire, je designe absolument pas pour le one-shot (j'ai de meilleurs outils pour ça), mais bon les aides de jeu, c'est toujours utile, même pour du jeu en campagne :)

G. Je t'en prie, récupère tout ce que tu veux, c'est dans le domaine public :)
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

DES VOIX PARMI LES ARBRES

Une symphonie agropastorale pour cœurs et sanglots avec un enfant, une guerre, et la forêt autour. Un récit et une partie enregistrée par Claude Féry.

(temps de lecture : 5 min)
(temps d’écoute : 3h30 en 4 épisodes)

Joué le 16/02/2020

Le jeu : Jardins des esprits, un bac à sable psychologique par Fabien Hildwein.

Image
Esto Minjatones_Larissa sayer, cc-by-nc


Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).


mp3 à lire ou télécharger :

Présentation
Fiction 1
Fiction 2
Fiction 3


Le contexte :

J'ai commencé à jouer Des voix parmi les arbres, une préparation de jardins des esprits.
La transmission du jeu n'est pas si évidente, surtout auprès de Xavier.
Une injonction page 42 par ailleurs m'interpelle.
Ne joue pas les émotions, décris-les.
Le cabotinage n'a pas sa place à Jardins des esprits.
Pour moi c'est un frein au bleed et une limitation difficile à accepter de mon agentivité.
Je persiste néanmoins avec l'intention de jouer by the book.
La suite de la partie avec Xavier sera jouée demain.


Thomas :

Ça m'intéresse beaucoup que tu testes le jardin des esprits, et de surcroît dans un cadre forestier ! Curieux donc (comme toujours) d'avoir votre retour d'expérience.
Je ne suis pas dans la tête de Fabien Hildwein (l'auteur), mais je suppose que cette règle « Ne joue pas les émotions décris les. » est faite pour éviter de donner la part belle aux joueuses théâtrales et aussi pour révéler l'introspection (car après les émotions que nous ressentons et celles que nous exprimons ne sont pas forcément les mêmes). Après, j'en conviens, ce n'est pas très convergent. Je crois qu'on pourrait réconcilier cette règle avec un objectif de convergence avec cette idée : les personnages pourraient être des mémographes équipés d'antiques magnétophones et régulièrement ils y tiennent un journal intime de leurs émotions, dédiés à eux-mêmes seuls. Qu'en penses-tu ?

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Claude :

Le cadre est toujours forestier et pré industriel.
Le jeu se joue à deux
Toi, la position voisine de celle du MJ, révèle une préparation un peu comme à Sphinx
Tu joues pour ta partenaire et afin mettre en évidence les beaux gestes, la dimension care du jeu.
Le temps de parole n'est pas ce que gère cette règle, je pense.
Plus une mise à distance, une esthétisation des émotions à la manière de certains romans.
L'interprétation est offerte à l'imagination de ta partenaire.
L'esthétique prime sur l'émotion.
J'ai posé la question à Fabien Hildwein, mais j'entends jouer selon la règle avant d'éventuellement l'interpréter.
Je n'ai pas encore pensé en termes d'adaptation à Millevaux.
Cependant je ressens à priori une grande porosité entre le royaume éternel et Millevaux.
Les préparations que je jouerai s’inséreront comme des réminiscences dans la campagne en cours et notamment des éléments de réponse à la partie Muddus que nous achèverons jeudi.
Celle de vendredi avec Alex, Chien rouge, fera le lien avec des enfants soldats de Little Hô Chi Minh Ville, un flashforward, ou elle devra apaiser les remords d'enfants soldats devenus grands.


Réponse de Fabien Hildwein :

« Concernant Fenouil, oui, c'est un personnage aux émotions plutôt fortes et caricaturales. Néanmoins, je pense qu'on peut le jouer sans dire "il est en colère" ou "il est triste". Tu peux signaler qu'il veut partir à la guerre parce qu'il s'entraîne, par ce qu'il raconte ou par ce qu'il possède (d'où l'importance de sa cache, le Cinq de Pique).
Cela étant dit, c'est plutôt une règle de perfectionnement du jeu qu'une règle structurelle. Si tu veux néanmoins jouer les émotions ou en parler directement, ça n'est pas un problème. »

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Claude :

Nous venons d'achever notre partie avec Xavier.

Ce dernier a conclu que ce fut une excellente partie, très constructive.

J'ai quelque peu aiguillé Xavier pour construire son rituel sur la fin, mais le résultat me semble satisfaisant à défaut d'être orthodoxe.

Le maître des esprits intègre la communauté pour répandre la concorde autour.

Xavier veut jouer une suite en ce sens

Un peu plus de trois heures de jeu, avec des moments intenses en émotions.

Une particularité intervient dans la mise en jeu avec Xavier, il est dys et souffre de troubles de l'attention.

Le memory était pour lui un immense défi.


Cela n'a pas fait obstacle à l'émergence de scènes particulièrement poignantes.

Je précise cela dans la mesure où le témoignage audio est probablement muet sur ce point.


Xavier avait les yeux embués de larmes, la gorge serrée, et m'a pris les mains dans les siennes afin de renforcer son propos, lorsqu'il tentait de convaincre Hellébore d'être présente pour Fenouil ou de convaincre ce dernier que la guerre est une vilaine affaire.


Thomas :

Mes commentaires après écoute :

A. J’ai l’impression que la mécanique de Mémory émule le cheminement vers la vérité

C. On dirait que les gens sont avant tout jugés par leur aptitude au travail

D. La référence aux mirabelliers et le nom de Brimbelle acte le mélange entre le grand nord scandinave et les Vosges:)

E. Le fait que tous les PNJ de Jardins des Esprits aient des noms végétaux accentue le côté Millevaux

F. Pourquoi Tobias trouve Saule pendu et pas Aloès dans le test suivant pratiqué avec Alex ?

G. C’est une belle performance de la part de Xavier de jouer à ce jeu qui se veut assez mature.

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Claude :

C. C'est un peu ma lecture de la préparation au regard des lignes et voiles déployées pour Xavier.
(pas de romance, pas de représentation de la sexualité).
Le maître des esprits arrive dans une communauté dont il ignore tout. Elle a perdu son harmonie, il se doit de la rétablir.
Ce que j'ai donné à voir à Maître Tobias c'est une vie où seul importe le labeur donné à la communauté tellement les absents rongent le cœur des présents.
J'ai une lecture moins abrupte dans ma partie, sur la même préparation avec Alex.

E. Oui et cela donne la dimension fantastique du royaume éternel déployé dans les préparations. Toutefois le sel du jeu demeure d'établir des liens avec les lieux et les personnages, mais avant tout ces derniers.
La dimension psychologique prime sur le reste

E F. Avec Xavier j'ai essayé de jouer au plus près de ce que j'ai compris de la vision de l'auteur, rebaptisant certains noms pour favoriser mon immersion dans le cadre de ma campagne ouverte de Millevaux. Les motifs déployés et la vision prosaïque de la scierie abandonnée renvoient à notre partie du Moulin Déjà Vu, Xavier y a d'ailleurs positivement réagi.
Toutefois, je me suis attaché à rendre une atmosphère agropastorale austère, une vie modeste, selon mes souvenirs personnels de la vie de ma famille maternelle dans les Vosges des années 40.
Ces détails ou ce cadre fiction ruralo-vraisemblable ne sont de fait qu'à esquisser. Le propos du jeu se focalise que sur les liens entre personnages, le reste est affaire de couleur.
Dans ma session avec Alex je l'ai invité à interpréter le cadre et donner sa définition propre de sa relation aux esprits et à la communauté.
Si je considère que la partie est une belle partie elle s'éloigne encore un peu plus de la proposition de Jardins des Esprits, en cela qu'elle offre à l'interprétation de la maîtresse des esprits une part de la préparation.


Thomas :

E.F. Cette ambiance agropastorale rude me rappelle tous les romans du terroir que je lis en ce moment :)


Thomas :

Mes commentaires après écoute :

A. Une très belle peinture que tu fais là des figurants

B. C’est amusant de voir le même scénar joué deux fois sous un angle totalement différent

C. Ce qui change avec Jardins des Esprits, c’est cette impression de temps long, cohérent avec l’ambiance agropastorale.
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Pikathulhu
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

UNE NUIT ÉCARLATE

Un baiser sur une tour funeste, une tête qui mord, un arbre limbique qui brûle, et une marchebranche solitaire. Voilà le programme des épisodes 7-8-9 de la campagne « Soif de Noirceurs », par Xavier L. !

(temps de lecture : 17 min)

CR de la Campagne « Soif de Noirceurs », épisodes 7 à 9

Joué en ligne entre le 21/06/2020 et le 28/08/2020

Le jeu : Marchebranche, aventures initiatiques dans un monde de forêts en clair-obscur


Avertissement : contenu sensible (voir après l’image)

Image
Riik@mctr, cc-by-sa

Contenu sensible : tentative de suicide


Épisodes précédents:

1. Soif de noirceurs
Les trois premiers épisodes d’une campagne de Marchebranche riche en dilemmes moraux et tout à fait représentative du jeu ! (temps de lecture : 18 min)

5. Des lieux plus étranges
Tribunal, donjon magique, maison protégée par une musique maudite et camp horla sont les terrains de jeu des marchebranches pour les épisodes 4,5 et 6 de cette campagne ! (temps de lecture : 16 min)


Partie 7 : dimanche 21 juin

Fin d’après-midi dans le camp. Des horlas continuent à s’activer, certains se battent. Un horcerf bolosse un horcarpe. Liana et Yarhna s’interposent. Liana lui fait la morale, mais rapidement Yarhna part retrouver Zayme et Sybil qui se sont dirigés vers la tour. Liana se retrouve face au horcerf qui lui demande qui elle est pour lui donner des leçons. 

Zayme et Sybil s’approchent de la tour. Zayme pose des questions aux gardes en faction.
Test d’un poème niais : ne fonctionne pas. Le horcerf lui crie dessus, lui annonce que la violence résout parfois des choses et que son poème était vraiment niais.
Liana pose aussi des questions mais finit par se faire jeter.
Yarhna cherche à écouter des conversations de horlas mais finit par se faire remarquer.

Sybil demande à des petits animaux s’il existe une sortie alternative : ils répondent que oui mais elle est gardée.

Yarhna va cueillir des plantes pour refaire un gaz qui endort. Sybil la rejoint. Ce faisant, elles se sentent clairement observées.
Zayme de son côté va chercher des ingrédients pour une boisson aléatoire. En récoltant des ingrédients, il sent que des yeux sont rivés sur lui.
Liana reste au camp pour observer les horlas. Elle ressent beaucoup de méfiance, mais espère néanmoins attirer un peu l’attention avec de la musique. Cela finit par arriver, un horla de feu qui brûle ce qui se trouve sous ses pas se poste devant elle. Mais il ne parle pas plus humain que Liana parle horla. Ils communiquent néanmoins par la musique : à mesure que Liana joue, elle remarque que le horla réagit par des flammèches ou des calcinations en rythme.
Les autres marchebranches reviennent juste à temps pour traduire. Ils apprennent que Sralamflmm est le nom du horla.
Liana demande s’il aurait une idée sur comment renverser la transformation pour redevenir humain. Sralamflmm répond qu’il n’a pas d’idée sur comment annuler la transformation, mais saurait comment transformer la transformation. En être de feu. Liana décline la proposition.

Se sentant enfin prêts à entrer dans la tour, ils vont voir le Grand Horla qui les autorise à passer. Ils passent les gardes horlas et s’approchent de la tour. Elle est fermée de l’extérieur. Après un instant de confusion sur cette curieuse barricade, ils retirent les planches et pénètrent à l’intérieur.
Ils sont tout d’abord surpris par un énorme horloup empaillé qui les regarde intensément, trônant au milieu de la salle.
Autour de cette décoration inquiétante, leurs torches éclairent un hall d’entrée piètrement aménagé, un escalier à leur gauche monte vers les étages supérieurs tandis qu’un autre escalier à leur droite descend vers d’obscures profondeurs.
Ils décident de se diriger vers l’escalier de gauche. Yarhna avance en tête, la main dans celle de Sybil. Suivent Zayme et Liana. À l’instar du reste de la tour, la maçonnerie de l’ensemble paraît grossière bien qu’humaine. Elle n’a sans doute pas été réalisée par des architectes de talent.

Sur le premier palier ils trouvent une épaisse porte en bois. Ils frappent à la lourde porte. Une voix faiblarde leur demande qui ils sont. Ils se présentent et un personnage aux traits tirés vient leur ouvrir, puis retourne s’asseoir, épuisé. Ils entrent. La pièce comporte une paillasse dans un coin, une table et un tabouret. Des meurtrières, on peut observer tout le campement de l’armée horla.
Les marchebranches posent des questions à l’inconnu. Il s’agit bien de Mercure. Il leur explique son histoire, son parcours : après avoir quitté Valsphaigne, il a voulu trouver la solitude dans les forêts limbiques. Il y a voyagé, il a découvert de nombreuses choses. Il a visité une cité horla dans laquelle il a réussi à se faire accepter. Il y a découvert des secrets cachés, y compris celui que les horlas planifiaient une guerre contre les humains. Sa présence est alors devenue incongrue, et il a été pourchassé. Il s’est enfui comme il a pu, emportant avec lui un des artefacts horlas les plus précieux, sans trop se rendre compte de son geste. Il a couru et s’est caché autant que son énergie lui a permis, il a finalement atteint cette tour où il s’est retranché, exténué, avec son bagage maudit.
Un sac de toile, passablement ensanglanté, gît en effet sous la table.
Après lui avoir donné quelques graines à manger, ils poursuivent l’interrogatoire sur l’artefact : Mercure ne sait pas réellement en quoi il est important, il sait juste qu’ils semblent vouloir le récupérer avant de lancer leur offensive.
Puis c’est à son tour de poser des questions. Il demande comment va Brume. Après une hésitation collective, Zayme lui répond avec franchise. Mercure semble très touché. Il demande de rester quelques instants seuls. Les marchebranches sortent en prenant soin de ne laisser aucun outil tranchant, aucune corde, aucun poison derrière eux.

Sur le palier, Liana fait un câlin à Zayme pour le réconforter. Celui-ci lui fait un bisou sur le front, amical mais tendre, touché par cette action.

Pendant ce temps, Yarhna et Sybil montent au deuxième étage. Par une trappe placée en haut des escaliers, elles se retrouvent sur le toit de la tour. Elles sont accueillies par un vent froid et les rumeurs mourantes d’un camp de horla qui s’endort peu à peu à la faible lueur de la nuit limbique.
Yarhna avoue ses sentiments à sa compagne, ce n’est pas forcément le moment mais comme le futur est incertain, elle préfère se confier. Sentiments partagés, lui répond Sybil, et elle l’embrasse.
Yarhna coupe un peu ce baiser car ce n’est pas le moment pour ça. Elles conserveront précieusement ce moment, enlacées en haut d’une tour froide, au pied de laquelle une armée informe éclairée par des torches, sous un ciel couleur de sang.
Elles redescendent et trouvent Zayme et Liana bras-dessus bras-dessous.
Ils décident tous de re-rentrer dans la salle pour questionner la tête. Mercure leur ouvre, le visage grave mais reconnaissant.

Yarhna ayant une affinité avec les horlas, c’est elle qui souhaite engager la discussion. Elle lui enlève donc la muselière qui lui interdisait autre chose que des grognements : la tête est celle du Premier Horla. Il a toujours été horla, mais il reste mystérieux sur sa séparation d’avec le reste de son corps.
Pour le faire parler, Yarhna la menace. La tête grogne.
Yarhna veut l’impressionner. La tête lui mord soudainement le bras et ne lâche pas. 
Yarhna crie, se débat, tout le monde lui vient en aide pour la libérer de cette attaque. Ils finissent par réussir à endormir la bête en utilisant un des pièges non encore utilisés par Yahrna et à défaire les mâchoires.

La tête est assoupie, ils ne peuvent plus l’interroger. Mercure leur demande alors s’ils ont rencontré le vieux fou, celui qui réside dans la tour. Ils se regardent médusés : quel vieux fou ?


Commentaires après la partie:

J1 (Zayme)
+ Bien aimé, dynamique était cool
Jeu qui devient intéressant (relations entre personnages)
Rencontre avec Mercure
+ : scène avec la tête (cool)
++ : scène intime entre Yarhna et Sybil
- : Fatigué en fin de partie
-- : scène de la horcarpe, cheveu sur la soupe

J2 (Yarhna)
+ Quand pas trop de jet de dés, c’est intéressant (quand pas trop d’idée et qu’on laisse le hasard décider)
Jets de dés en groupe
+ : scène avec Sybil
++ : scène avec la tête
-- : scène du horcarpe, aurait pu être intéressante, mais pas à ce moment

J3 (Liana)
+ Moins de jets de dés, partie plus fluide (argument = changement d’avis)
+ : devant la porte du donjon, ouverte ou fermée ?
++ : Yarhna et Sybil sur le toit
- : Moins profité parce que fatigué + mal au crâne
Aurait aimé pouvoir aider le horcarpe tabassé
Discuter davantage avec la tête, clé de tout ceci
-- : frustré de ne pas avoir interagi avec la tête

J4 (Sybil)
++ : scène entre Sybil et Yarhna, qui ont pris un peu de temps pour elles, mais même si la mission est importante, cela les pousse à se dévoiler
-- : scène avant d’entrer dans le donjon
hiérarchiser les priorités ? Car connaissent bien leur personnage

MJ :
+ : Scène avec le horla de flamme (spontané)


Partie 8 : dimanche 28 juin

Yarhna : pourquoi ce remue-ménage ? Pourquoi la tête est importante ?

En descendant, ils repassent devant le loup empaillé. Yarhna se souvient du cauchemar qu’avait raconté Hermine, avec le loup et les grattements dans les murs. Il y a des grattements, mais elle n’y prête pas attention et rejoint ses camarades un étage plus bas, dans le souterrain.
En bas, ils tombent sur une nouvelle porte en bois, fermée. En face, un couloir partiellement effondré disparaît dans la pénombre. Yarhna frappe à la porte : pas de réponse. Elle re-frappe : « Va-t-en, intrus ! » leur crie-t-on. Elle tente de forcer la porte : aucun effet.
• « Nous sommes des marchebranches », précisent-ils. 
• Ça n’a aucune importance, partez.
• S’il n’ouvre pas, il ne se passera rien d’intéressant, dit Liana pour ses camarades.
• Oh si il va se passer quelque chose d’intéressant…
Un cri déchire soudainement le silence, terrorisant tout le monde sauf Yarhna qui résiste et tâche de galvaniser un peu ses camarades. 
Sortant de sa stupeur, Liana tente sa chance, elle se déguise en horbélier, prend son élan, et frappe un grand coup dans la porte. Elle passe au travers mais reste coincée au milieu. De l’autre côté, elle voit un vieil homme agacé dont la forme commence à changer et l’ombre devenir menaçante.
Les autres marchebranches retirent péniblement Liana de la porte dans un commun effort. L’apparence du vieil homme a changé, ses membres semblent avoir poussé, sa mâchoire et ses dents ont poussé. Il s’approche de la porte.

Dans une intuition, Sybil attrape son collier et le montre au personnage à travers le trou laissé par Liana.
• « Ce visage, cela fait si longtemps que je ne l’avais pas vu .». Le vieillard attrape le collier et se calme. Il s’assoit sur une vieille chaise.
Sybil passe par le trou béant de la porte et l’ouvre de l’intérieur. Ils entrent et engagent le dialogue avec le vieil homme qui recouvre lentement son apparence première.

Ils apprennent qu’il s’appelle Lingre et qu’il est un marchebranche dont les cinq souvenirs n’ont été que des catastrophes. Il ne souhaite en aucun cas lire son sixième souvenir car il ne veut pas revenir à sa vie antérieure. Il cherche à se faire payer de celle-ci. Il a construit cette tour et s’est enfermé pour y souffrir.
Il propose néanmoins une mission aux marchebranches : il leur concède sa dernière carte s’ils lui rapportent de la poudre d’oubli. Il veut recommencer à zéro, quitte à passer de nouveau par ses souvenirs maudits.
Ils ne savent pas où en trouver, donc ils le convainquent d’un autre arrangement : qu’il reparte sur les routes pour aider ceux qui en ont besoin plutôt que de rester dans la tour.
Il finit par se laisser convaincre, mais pour continuer à purger sa peine, il fait le vœu de ne jamais lire de carte supplémentaire, il brûlera ou déchirera toutes celles qu’on lui offrira. Il ramasse ses quelques affaires et s’en va.
Il leur laisse la carte, qu’il a prévenu ne pas être un cadeau : la Lune. À l’envers. Elle revient à Sybil.

En remontant, Liana jette un œil par la porte de la tour. Elle aperçoit Lingre qui disparaît, dissimulé par la forêt. Les horlas ne le voient pas passer. Après le départ de Lingre, son regard se porte sur les tentes des Grands Horlas. Il aperçoit une silhouette familière : celle de Cairn qui discute avec les Grands Horlas. Ceux-ci semblent accepter tout ce qu’il dit. Liana hésite, Cairn finit par regarder vers la porte et regarde Liana dans les yeux.
Les marchebranches n’ont aucune envie d’avoir affaire à lui, sauf Zayme qui aurait bien aimé discuter, même s’il n’arrive pas encore à trouver un angle d’approche. Ils barricadent donc la porte avec une table et des morceaux de bois. Puis ils remontent voir Mercure.
Ils parlent rapidement avec la tête qui s’est réveillée. Ils entendent que Cairn cherche déjà à ouvrir la porte.
Ils aident Mercure à se déplacer, attrapent la tête et redescendent vers le souterrain. Ils s’engagent dans le tunnel à moitié effondré, progressant doucement à cause de l’état de Mercure et de l’aspect irrégulier du sol.
Ils entendent que Cairn termine de défoncer la porte et s’engage dans le souterrain derrière eux.
Yarhna veut utiliser des potions pour endormir Cairn. Elle décide de tout utiliser contre la promesse de réussir à coup sûr de le ralentir.
Le bout du tunnel est effondré. Les marchebranches réfléchissent à une façon de ressortir, compte-tenu de la présence de sentinelles à la sortie.
Sybil demande de l’aide aux horlanimaux : elle en rassemble quelques-uns et leur demande de faire diversion. Cependant dans le tas, quelques-uns étaient des espions des horlas et vont avertir les Grands Horlas de leur fuite.
La diversion fonctionne, le garde à la sortie s’éclipse devant le tintamarre des horlanimaux. Ils sortent enfin.
Il reconnaissent de dos le garde à l’entrée : il s’agit du horcarpe. Liana hésite en sortant à aller l’aider, mais elle finit par renoncer et rejoindre ses camarades.


Commentaires:

J1 (Zayme)
+ : partie cool, Bonne dynamique, propositions 
++ : Lingre, pose la question de ce qu’est un Marchebranche, qu’est-ce qui arrive quand on tire tout à l’envers ?
- : Fatigué, donc pas à 100%
-- : scène avec Cairn, pas inspiré. Zayme pacifiste, dans la discussion, n’arrive pas à trouver comment discuter avec Cairn.

J2 (Yarhna)
+ : Rejoint l’avis des autres, partie sympathique
++ : partie avec Lingre (pensaient ne pas pouvoir le sauver, mais ont fini par trouver quelque chose)
- : Moins motivée sur la fin, fatiguée, ne savait pas trop comment aborder les actions.

J3 (Liana)
+ : Beaucoup aimé la session, même si tout le monde était claqué, mais bien revenu après le repas.
Bien profité des situations.
++ : passage avec Lingre
++ : séquence de course-poursuite car première fois qu’il est poussé par le temps (pas beaucoup de temps de prendre des décisions)
++ : Cairn revenu
++ : échec critique (pas avancé le RP mais bon souvenir)
- : pas compris ce que MJ voulait créer avec le loup empaillé (aurait voulu quelque chose)

J4 (Sybil)
+ : Partie bien passée, pas trop fatiguée. Pas choquée par les temps de pause et de silence.
Beaucoup aimé la partie (tout le monde a suggéré des choses et des idées)
++ : partie avec Lingre, a reconnu quelqu’un sur le médaillon, a trouvé cool de croiser des histoires, même si Sybil n’a pas voulu en savoir plus compte-tenu des souvenirs de Lingre.
S’est liée rapidement au personnage.
++ : du dire, de la réflexion et de l’action, rythmes différents donc à fond dans le jeu toute la partie
- : les autres moins concernés par la relation avec Lingre.

MJ
+ : Lingre préparé, a suscité des réflexions
Bon rythme de partie
- : Aurait aimé donner plus de profondeur à Lingre
Un peu frustrant que les joueurs convainquent les PNJ de changer leur quête plutôt que de l’accomplir.



Partie 9a, dimanche 9 août 2020:

Les marchebranches fuient à travers les bois.
Zayme se sent coupable d’abandonner Hermine, Soupir, le horloup malingre. Ils pensent à eux mais il sait qu’il doit fuir.
Liana sent que son rôle de marchebranche est de plus en plus difficile à endosser, les décisions qu’ils doivent trancher se font de plus en plus déchirantes.
Yarhna, non loin du groupe, s’écarte parfois pour semer des fausses pistes.

Ils sont contraints de faire une pause à cause de l’état de santé de Mercure.
Ils se rendent compte à ce moment que Sybil manque à l’appel. Ils la cherchent en vain. Le seul son qu’ils perçoivent est celui d’un bruit sourd répété. Liana part en reconnaissance, s’approchant en volant par-dessus la source du bruit.
Elle aperçoit Crllt qui fend un arbre en deux verticalement, au moyen d’une hache. Probablement sa fameuse hache.

Pendant ce temps, Yarhna dessine à la perfection sur le sol, sur des arbres, aidée par Zayme, des signes que seule Sybil reconnaîtra.
Yarhna perçoit des bruits venir d’une meute, au loin, lancée à leurs trousses. Quelqu’un ou quelque chose a dû donner l’alerte.
Liana fait marche arrière, récupère ses camarades et les entraîne vers Crllt.

Ils entament la discussion avec Crllt, en entendant la horde s’approcher. Malgré quelques incompréhensions, ils finissent par échanger le sac (et Ornière à l’intérieur) contre la hache de Crllt et l’accès au passage qu’il était en train de créer.
Aidant Mercure qui ne se sent toujours pas en forme, ils traversent le passage dans l’arbre, tout comme le premier qu’ils avaient franchi pour atteindre les Forêts Limbiques. À la sortie, ils décident de mettre le feu à l’arbre pour ne pas être suivis et éviter que Valsphaigne, trop proche, ne subisse le courroux des horlas.
L’arbre brûle, ils passent un moment à le regarder se consumer entièrement.
Zayme a conscience d’avoir visité un lieu incroyable, mais est déchiré face à l’abandon de Soupir, Hermine et Sybil. Ils ferment une porte et devront trouver un moyen de revenir.
Liana n’en peut plus, elle ne se sent même pas dans son monde puisqu’elle devient un horla. Partis six, revenus quatre : les pertes ont été lourdes. Elle en vient à se poser la question : « Est-ce que ça a du sens d’être marchebranche ? ».
Yarhna, perdue dans ses pensées, se désole d’avoir laissé Sybil derrière.

Après ce moment grave, Yarhna se localise et retrouve le chemin de Valsphaigne.
Ils retrouvent Vestige à la garde. Ils s’embrouillent une nouvelle fois avec lui : il leur a envoyé Cairn au sujet du livre, ils ont emmené un banni et plusieurs résidents du village mais sont revenus sans eux, tous les sujets sont bons à controverse des deux côtés.
Mercure est autorisé à rentrer dans le village, il y retrouve Ordalie. Yarhna rentre à son tour. Les autres restent à l’extérieur.

Yarhna remet à Ordalie le souvenir inaltérable de sa mère. En échange, Ordalie lui tend la carte de l’Empereur. Yarhna décide de la remettre à Zayme, car c’est lui qui a fait pénitence pour aller chercher Mercure.
Zayme prend la carte, même si elle est tirée vers le bas. Le souvenir est néfaste : leur maître était brutal. Son ami(e) craque au fur et à mesure.
Les marchebranches utilisent la cloche du village pour demander une réunion publique. L’heure est grave : il faut s’attendre à une guerre avec les horlas.
Que faire ? Deux camps s’opposent : rester, en fortifiant le village, ou partir. Mais pour aller où ? Vestige décide de rester. Les autres, guidés par les marchebranches, décident de quitter le village pour aller s’installer dans les ruines qu’Hermine apprécie tant.
Aube demande de préparer la maison d’Hermine et d’emporter quelques affaires. Yarhna s’en occupe mais se retrouve indécise quant au choix des choses à prendre.

Pas rancuniers, les marchebranches aident Vestige à fortifier le village. Puis tous ceux qui avaient décidé de partir, aidés par les marchebranches, déménagent. Une fois installés, lorsque tous et toutes ont trouvé un endroit à la fois douillet et camouflé dans les décombres centenaires, le calme retombe sur les ruines.
Zayme, mélancolique, prend un peu de temps pour réfléchir à leur situation.
Yarhna tâche de rester optimiste, en rassurant autant que faire se peut les personnes autour d’elle, bien qu’au fond d’elle la tristesse d’avoir laissé Sybil dans les forêts limbiques gagne du terrain.
Liana ne partage pas l’optimisme de sa camarade. Sa transformation lui pèse ainsi que les pertes importantes qui leur sont infligées depuis deux jours.

(pas de bilan mais la partie s’était bien déroulée)


Partie 9b, vendredi 28 août 2020:

Dans sa course folle, Sybil suit les animaux et contourne le camp par le nord. Au bout d’un moment, elle réalise qu’elle est isolée du groupe, au milieu de la forêt. Elle ne se sent pas seule cependant, grâce à ses compagnons-liés. Elle marche encore un moment avant de se sentir suivie.
Elle envoie son dragon pour vérifier si tel est bien le cas, et continue à marcher.
Au bout d’un moment, elle se sent seule et se dit qu’elle a encore perdu un ami.
Cairn apparaît brusquement devant elle. Il veut récupérer la tête.
Sybil se défend, elle entreprend de discuter avec Cairn. Ils dissertent un petit moment sur les intentions et les objectifs de chacun.

Sybil n’est pas contre remettre la tête, mais elle souhaite le faire à des horlas sincèrement préoccupés de vouloir la paix avec les humains. Elle veut éviter la guerre à tout prix.
Cairn lui parle : et s’il avait le pouvoir de faire en sorte que cette guerre n’ait pas lieu ?
Sybil demande des preuves. Cairn fait réapparaître le dragon de Sybil, mais il la transporte temporairement dans un monde vertigineux. Sybil est convaincue.
Ils se dirigent ensemble vers le camp horla.
Sybil pose la tête sur la table du Grand Horla, Cairn récupère la récompense. Maintenant : quel mensonge veut-elle voir devenir une réalité ?
Sybil réfléchit longuement. Elle décide finalement que chaque camp doit prendre conscience de ses nombreux torts et devrait trouver que ses torts sont plus importants que ceux de l’autre camp.
Désormais, les humains trouveront que la vendetta n’est pas justifiée, que les horlas étaient sans défense.
Quant aux horlas, ils prendront conscience qu’ils apparaissent comme très différents aux yeux des humains et qu’ils doivent leur apprendre à moins les craindre.

Cairn, qui a récupéré deux cartes, en garde une pour lui et tend l’autre (tirée à l’envers) à Sybil. Il n’en a de toute façon plus besoin. Sybil le remercie, juste avant qu’il ne disparaisse.
Puis elle envoie son dragon chercher Hope qui a disparu depuis un bon moment.
Elle se dirige ensuite vers la prison où sont retenus Hermine et Soupir. Au passage, elle se demande ce qu’il est advenu du Horloup Affamé.
Devant la prison, Sybil fait naître un sentiment de gratitude chez le lieutenant qui monte la garde. Elle lui commande ensuite d’ouvrir la prison, récupérant ainsi Soupir et Hermine, affaiblis mais reconnaissants. Ils s’en retournent alors dans la forêt, vers ce qui semble être des flammes.
Sur leur route, ils trouvent les signes sur le chemin à son attention. Cela les guide un peu plus vers un arbre en feu autour duquel sont attroupés beaucoup de horlas.

Sybil prend les devants et déclenche une tempête d’eau et de vent qui éteint tout. L’arbre est calciné, il n’y a plus rien à en tirer.

Le dragon revient. Il n’a pas retrouvé Hope. Sybil se dit qu’elle sera sans doute mieux avec les siens et qu’au pire elles pourront se retrouver plus tard.

Confiante, elle décide de se mettre en chemin vers le premier portail, celui par lequel ils sont arrivés la première fois. Après quelques heures de marche, tous trois sont de retour à Valsphaigne.


Commentaires:

Sybil :
+ : Très cool d’être toute seule (permet de réfléchir au perso)
-> cœur du sujet horla=humain
Meilleur temps de parole
Perso tout seul : 
• le creuser en profondeur
• utiliser les pouvoirs
Le fait de discuter apporte des solutions.
Ne pas récupérer tous les persos : dans l’esthétique
Libération rapide des personnages
Scène +++ : débat avec Cairn (ce n’est pas un connard)
- : Au départ, peur avec Cairn de ne pas savoir le faire changer d’avis

MJ :
+ : Présentation de Cairn comme un personnage ambivalent : il poursuit son intérêt propre, mais sait aussi aider les autres.
- : Parfois difficile de trouver la bonne argumentation à un personnage aussi puissant que Cairn (marchebranche niveau 5 puis 6).



Commentaires de Thomas :

Partie 7 :

B. « Yarhna coupe un peu ce baiser car ce n’est pas le moment pour ça. Elles conserveront précieusement ce moment, enlacées en haut d’une tour froide, au pied de laquelle une armée informe éclairée par des torches, sous un ciel couleur de sang. »
Ah oui l'image est chouette !

Partie 8 :

C. « Ils apprennent qu’il s’appelle Lingre et qu’il est un marchebranche dont les cinq souvenirs n’ont été que des catastrophes. Il ne souhaite en aucun cas lire son sixième souvenir car il ne veut pas revenir à sa vie antérieure. »
ça, c'est top et, c'est le lot de beaucoup de marchebranches :)

D. « Ils ne savent pas où en trouver, donc ils le convainquent d’un autre arrangement : qu’il reparte sur les routes pour aider ceux qui en ont besoin plutôt que de rester dans la tour.
Il finit par se laisser convaincre, mais pour continuer à purger sa peine, il fait le vœu de ne jamais lire de carte supplémentaire, il brûlera ou déchirera toutes celles qu’on lui offrira. Il ramasse ses quelques affaires et s’en va.
Il leur laisse la carte, qu’il a prévenu ne pas être un cadeau : la Lune. À l’envers. Elle revient à Sybil. »
La conclusion de cette quête est super !

E. « Un peu frustrant que les joueurs convainquent les PNJ de changer leur quête plutôt que de l’accomplir. »
C'est vrai que c'est quelque chose qui arrive souvent. Quand tu tiens vraiment beaucoup à ce que la quête soit non négociable, tu peux décider que certaines choses ne peuvent pas être changées par un jet de dé. A mon avis, ça passe si tu n'en abuse pas.

Partie 9a :

F. « Elle aperçoit Crllt qui fend un arbre en deux verticalement, au moyen d’une hache. Probablement sa fameuse hache. »
ça ne signifie pas qu'un autre marchebranche a fait la quête de Crllt ? Les personnages n'ont pas eu envie de le rencontrer ? (bon, j'admets que les deux précédents marchebranches rencontrés n'ont pas dû leur donner envie...)

G. « Aidant Mercure qui ne se sent toujours pas en forme, ils traversent le passage dans l’arbre, tout comme le premier qu’ils avaient franchi pour atteindre les Forêts Limbiques. À la sortie, ils décident de mettre le feu à l’arbre pour ne pas être suivis et éviter que Valsphaigne, trop proche, ne subisse le courroux des horlas. »
ça, c'est une idée forte !

H. « Les marchebranches utilisent la cloche du village pour demander une réunion publique. L’heure est grave : il faut s’attendre à une guerre avec les horlas. »
C'est cool que les marchebranches prennent des initiatives en plus de simplement répondre à des quêtes.

Partie 9b :

I. « Très cool d’être toute seule (permet de réfléchir au perso) »
C'est en effet très cool que tu aies fait une partie 1-1 !

Général :

J. A quel niveau en sont rendus tes marchebranches ? Ils doivent commencer à être puissants !

L. J'en profite pour te mentionner la création toute fraîche d'un outil qui te sera peut-être utile pour la suite de ta campagne :


Réponse de Xavier :

B.+ G. J'ai tenté de la retranscrire au mieux dans le compte-rendu, mais les deux scènes étaient vraiment intenses et leurs images font clairement partie de celles qui ont le plus marqué les joueurs (je le dis parce que c'est ce qui est ressorti d'une discussion autour de cela justement)

C. + D. + E. Lingre est le deuxième marchebranche que je voulais les faire croiser. Un autre cas un peu extrême de sa caste, qui est resté trop peu de temps sous les lumières à mon goût, mais dont le dénouement m'a plutôt plu au final car malgré la volonté de certains marchebranches que tout rentre dans l'ordre et que tout aille au mieux dans le meilleur des mondes (si si, certains ont un peu cette tendance, je ne donnerai pas noms =P), j'ai réussi à improviser une fin en clair-obscur. Par contre je trouve parfois assez difficile, notamment en fin de partie et/ou en fin d'une journée fatigante, de réussir le tour de force d'improviser une réussite nuancée en s'opposant seulement en partie, pour éviter la frustration du « non! » catégorique, à des joueurs qui prônent un bisounoursisme militant.
Je trouve ça difficile mais néanmoins fort agréable quand ça réussit, cela fait d'ailleurs partie des raisons qui m'ont poussées à découvrir Marchebranche. =)

F. Si, ça n'apparaît sans doute pas dans le compte-rendu, mais les PJ ont compris que c'est Cairn qui s'en est chargé. Étant donné qu'ils étaient en mesure de ramener la hache mais qu'ils ne l'ont pas fait, puis qu'ils ont passé plusieurs minutes à se rejeter la faute (en jeu), j'ai trouvé plus pertinent que Cairn, personnage qu'ils allaient détester à cause de son avidité à trouver des cartes de tarot, passe derrière eux pour « faire le travail à leur place ». Non seulement cela leur a rendu Cairn encore plus antipathique, mais ils ont eu, de surcroît, tout le loisir de regretter de l'avoir eux-mêmes rendu plus fort (sauf qu'en fait Cairn n'a rien obtenu car Crllt s'apprêtait à leur faire une entourloupe, donc Cairn a pris à leur place. Mais ça, ni les PJ ni les joueurs ne l'ont appris ^^ ).

J. Trois sont au niveau 4, un au niveau 5. Ils utilisent d'ailleurs de plus en plus leurs pouvoirs, ce qui est plutôt enrichissant aussi du point de vue de la narration. Après réflexion avec les joueurs, c'est probablement le fait de ne pas avoir la feuille de leur personnage sous les yeux (nous jouons en ligne) qui leur a « retiré » les pouvoirs de l'esprit. Ils leur sont revenus après la partie solo de Sybil qui a eu du temps (et pas trop le choix puisqu'elle était seule) pour réfléchir à comment résoudre les problèmes, notamment par le biais de ses pouvoirs. Ça a créé, de leurs dires, un déclic chez les autres.

L. Je viens d'y jeter un œil, ça a l'air très bien =).
Il faudra juste que je vois si les liens bandcamp sont jouables dans Discord.


Réponse de Thomas :

C-D-E. Oui, trouver des conclusions nuancées fait partie de ton travail d'arbitre, je ne promets pas que le livre y aide beaucoup, hormis sur des cas de réussites avec noirceur.

L. Il faut installer un bot musical compatible avec Bandcamp, comme par exemple Fredboat ou Tony Bamanaboni XD
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Message par Pikathulhu »

LE MOULIN DÉJÀ-VU

Le scénario de JBFH est joué dans une atmosphère de totale déliquescence. Un récit et un enregistrement de partie par Claude Féry.

(temps de lecture : 4 min ; temps d’écoute : 2h20)

Joué le 20/02/2020

Le jeu : Trophée Sombre de Jesse Ross, expédition punitive au cœur de la forêt

Le scénario : Le Moulin Déjà-Vu, par JBFH. Entre oubli, ruine et étrangeté circulaire, vous ne sortirez pas indemne ce moulin.

Localisation : entre Moutarde et Saxe (Voie déchue près de Marly-Gomont ?)

Lire/télécharger le mp3

Image
JBFH, cc-by-sa


Commentaires de Claude :

Bilan en demie teinte pour cette tentative première de Trophée Sombre.
Le Moulin Déjà Vu est à mon sens un excellent scénario.
Évocateur, riche en atmosphères différentes, tout est là pour obtenir une partie mémorable.
C'est là où j'ai pêché par excès de confiance. Considérant la grande proximité de mécanismes de jeu avec L'Empreinte ou Cthulhu Dark, je n'ai pas suffisamment accordé d'importance à l'interaction entre cercles, tentations et états.

Je n'ai pas accordé suffisamment d'importance à tisser des liens évocateurs avec les personnages.

Ce n'est pas un échec total pour autant.

L'histoire était sympathique et il y a eu de beaux moments.
Merci à Mathieu, Gabrielle et Xavier.


Réponse de JBFH (auteur du scénario) :

je vais écouter ça :) Effectivement, la proposition de Trophée Sombre semble vraiment reposer sur les liens entre personnages et environnement. Et ce n'est pas si simple à mettre en place ! Et le maigre système n'aide pas vraiment à le faire non plus... Peut-être que dans la version augmentée il y aura d'autres outils pour aller dans ce sens

Mes remarques après écoute :

A. Nitsed “vole” un souvenir et le talent qui va avec dès le départ, c’est rude ! :) Si Dragonnier avait réussi à voler un des livres et à le lire, aurait-il eu un nouveau souvenir (et donc un nouveau talent) ?

B. La voix des golems de brindilles est assez flippante !

C. Mes doubles ont été décrits comme ressemblant à une sorte de shoggoth et à un meunier décharné. Mais les télétubbies pervertis, c’est pas mal non plus !

D. Fin de partie juste après car scène finale inadaptée ? Ou afin de laisser chacun imaginer ce qu’il souhaite ?

E. L’analogie avec l’orgueil du MJ est effectivement bien trouvée :) Pour moi c’était l’inverse, si les liens entre personnage ont pris, la séparation des scènes s’est avérée plus difficile. Et j’ai oublié de présenter la mécanique de relance.

F. Même constat sur les questions ouvertes, bien souvent perturbantes, elles laissent un peu circonspecte la joueuse non préparée.

G. Merci pour ce témoignage :)


Claude :

A. Oui en partie. En possédant Nitsed il aurait repris son souvenir qu'il avait cédé et Mathieu avait imaginé un pacte, et c'est un souvenir en plus, qui lui serait revenu. J'avais précisé que pour retrouver son talent armes il volerait le souvenir d'un meurtre d'un proche qu'il aurait perpétré.
En dehors des mécanismes de Trophée Sombre, l'obole millevalienne est affaire de souvenirs.

C. Xavier est à la barre, toutefois en tout début de la campagne des Brimbeux, les personnages avaient découvert des glyphes figurants des télétubbies altérés. Nous n'avions pas joué la rencontre, c'est chose faite.

D. Laisser chacun imaginer la fin qui lui convient

F. Parfois elles jouent l'impact, et c'est ainsi que je l'envisageai.


Image
Photo par Claude Féry, par courtoisie


Thomas :

Mes commentaires après écoute du Moulin du Déjà Vu :

A. Brocanteur de souvenir, super métier :)

B. Un apprenti assassin, un cultiste, quelle équipe :)

C. Était-ce suffisamment clair que les personnages faisaient la grande obole et non la petite ? Xavier a eu l’air très surpris

D. Sur ces voies déchues, on circule en cercle de souvenirs : super image dantesque propice au vertige logique

E. Je kiffe le rituel qui consiste à oindre de sève des linges et s’en ceindre le front et en ceindre les troncs des arbres

F. « Arrêtez de me regarder ! » : Xavier réagit-il ou inspire-t-il vous une attitude ou joue-t-il la paranoïa ? Triple sens intéressant…

G. Xavier joue bien l’impact quand il vieillit.

H. Millevaux est vraiment très présent dans cet épisode avec la forêt, l’oubli, l’emprise et encore une sonorisation au top.

I. La boue mémorielle, super image.

J. J’adore l’image du pain moisi.

K. Xavier : « Ce moulin, c’est pas celui de tout à l’heure ? » Ben oui, c’est le moulin déjà-vu ! :)

L. Xavier essaie de rendre les horlas rassurants avec leur tête de télé souriante, mais entre la musique glauque et ta réappropriation, ce n’en est que plus flippant :)

M. On pourrait faire une version des deux doigts qui se touchent entre une main humaine et une main végétale :)

N. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de matériel de jeu, sans doute la façon la plus simple de gérer, c’est de s’autoriser à picorer sans tout exploiter durant la partie


Réponse de Claude :

C. Ça l'était pour moi, nous avions déjà évoqué le processus.
Xavier est désemparé et déstabilisé par sa perte. C'est cruel pour lui.
La cruauté et la perte sont les seules dimensions de lutte entre les personnages que je suis parvenu à mettre en œuvre de Trophée Sombre

E. C'est un rituel sibérien, avant de cueillir, ramasser glaner dans le bois. Je l'ai aussi évoqué dans la partie de Les jardins des esprits avec Xavier, dans la mesure où je l'avais incité à regarder un documentaire sur le sujet. Son visage dans les deux cas m'a indiqué que la référence avait toute sa place.

F. J'ai pris des photos alors qu'il avait un foulard khmer noué autour du front. Mais il jouait aussi et il considérait que le rituel n'était pas le meilleur moyen de le protéger, adossé au grand secrétaire pour ne pas se faire surprendre par une ombre...
C'était un moment où il balisait et jouait avec sa peur.

N. Oui
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Message par Pikathulhu »

LE CHOIX DE MAMAN

Test par votre serviteur d’un golem de règles entre Inflorenza, Oriente et Les Sentes. Un récit par Armand

(temps de lecture : 3 min)

Joué le 07/05/2020

Le jeu principal de cette session : Inflorenza, héroïsme, martyre et décadence dans l’enfer forestier de Millevaux

Image
zoriah, cc-by-nc


Note de Thomas :

Pour cette partie en ligne courte d'une heure, j'ai mis en place tout un mélange de jeux pour m'assurer d'une expérience de jeu intéressante : le système de résolution d'Inflorenza, ainsi que le théâtre Les Chemins de Compostelle pour ce même jeu, les portraits et les questions d'Oriente pour rythmer les tours de jeu, et les fiches de mission de vie des Sentes pour dynamiser la création de personnage. Au final une partie intéressante et qui n'a fait que dévoiler une infime part du potentiel de ce dispositif. Elle a servi de déclic pour un concept, les jeux cumulables, qui m'a énormément servi par la suite.


Récit par Armand :

On habitait dans une communauté rurale, au bord d'une route du pèlerinage. Oriente est le sage du village, c’est un vieil homme avec une pipe. Il veille à ce que la communauté ne manque de rien, tandis que nous offrons le gîte et le couvert aux pèlerins.

Image
dustinsapenga, cc-by-nc

Depuis quelques temps, il y a plus de gens dans notre communauté, et le flux de population a changé. Les gens semblent plus bizarres.

Nous sommes partis en voyage, comme une envie de changement. Oriente veut faire le pèlerinage une dernière fois avant de mourir. Obole est forcé de le porter régulièrement, le pauvre ne tient plus sur ses pieds.

Hubert, un villageois parti avec nous, est mort pendant le voyage. Il s’est fait lapider durant l’une de nos haltes suite à une accusation de vol.

Image
thomas hawk, cc-by-nc

Au bout de deux semaines de voyage, Enfante demande à Obole “Tu crois qu’elle va rentrer bientôt, maman ? Ça fait plusieurs dodos qu’elle est partie. Elle ne devait pas partir longtemps.”. En fait, selon Obole, maman l’a quitté et est partie rejoindre un autre homme.

Enfante quitte le groupe pour aller chercher sa mère. Obole va tenter de l’accompagner. Skalde l’accompagne pour ne pas se taper Oriente sur tout le chemin.

Image
zoriah, cc-by-nc

On tombe sur Maman, qui semble assoupie. Son mec, le Horla, n’est pas loin. Enfante va tenter de la réveiller, espérant que sa mère se détache de l’emprise du Horla.

Skalde intervient. Il refuse d’enlever son libre arbitre à Maman. Il nous convainc de rester en dehors de tout ça. Enfante est traumatisée.


Les feuilles de personnages :

Skalde
• (barré) Je raconte des histoires et je chante pour distraire, instruire ou cimenter la communauté.
• (barré) J’ai volé ma plus belle histoire à une personne.
• Je dédie mes propres créations à une autre personne.
• Je veux contempler une scène et écrire une chanson qui sera retenue dans l’histoire.

Obole :
◦ Je distribue mes moindres biens et souvenirs aux nécessiteux et ne demande rien en échange, sinon le respect.
◦ Je suis prêt à tout sacrifier pour une personne.
◦ Je suis coupable de ne pas avoir sauvé la mère d’Enfante.
◦ Je veux me faire pardonner de ce que j’ai pris à une autre personne.
◦ Des vagues de pèlerins très sectaires déferlent sur les routes de Compostelle.

Enfante :
• Je suis jeune, de corps ou d’esprit, et vis sous la responsabilité des adultes.
• Je rêve de m’affranchir de la tutelle d’Obole.
• Je rêve de m’assurer l’amour de Maman.
• Maman est partie et plus rien ne compte.
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

CHIEN ROUGE

Deuxième test du scénario Des voix parmi les arbres pour Jardins des Esprits avec cette fois-ci Alex en maîtresse des esprits. Un épisode riche en dilemme moraux, poignant et contemplatif. Un récit et un enregistrement par Claude Féry.

(temps de lecture : 5 min ; temps d’écoute : 1h17 + 46 min + 1h06)

Joué le 21/02/2020

Le jeu : Jardins des esprits, un bac à sable psychologique par Fabien Hildwein.

Lire/télécharger le mp3 : 1/3 Fenouil
Lire/télécharger le mp3 : 2/3 Un grand cœur
Lire/télécharger le mp3 : 3/3 Sépale la gamine au grand cœur

Image
Robin Davies, cc-by


Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).

Claude à Thomas :

tu suggérais « Après, j'en conviens, ce n'est pas très convergent. Je crois qu'on pourrait réconcilier cette règle avec un objectif de convergence avec cette idée : les personnages pourraient être des mémographes équipés d'antiques magnétophones et régulièrement ils y tiennent un journal intime de leurs émotions, dédiés à eux-mêmes seuls. Qu'en penses-tu ? » et c'est une excellente piste
En préparant une nouvelle session avec Alex, la même que celle jouée avec Xavier, que j'ancrerai dans les Vosges et non Noorland, j'ai enfin compris la richesse de ta proposition.
Sa maîtresse des esprits sera invitée à confier ses doutes aux esprits, comme à confesse.
Merci beaucoup à toi et à la richesse évocatrice de Dans le mufle des Vosges auquel je puiserai librement.


Thomas :

J'avoue que j'ai hâte de voir ce que pourrait donner une partie inspirée de l'univers vosgien de mon roman-feuilleton ! Donc je suis curieux ! Il n'y a pas de guide à proprement parler pour cet univers, mais ces deux articles peuvent être utiles :
Dans le Mufle des Vosges, fiches de personnage
Dans le Mufle des Vosges, lexique

Image


Claude :

Merci Thomas.
Si j'ai utilisé le lexique et me suis imaginé aux Bas Rupts, j'ai tenté et pour certains personnages, j'y suis parvenu, à maintenir la distanciation procurée par la description des émotions afin de laisser à Alex le soin d'imaginer.
Pour d'autres j'ai interprété.
Je n'ai bien sûr pas tenu tous mes engagements à moi-même et j'ai purement et simplement oublié l'idée de rendre la scierie habitée par la crainte d'y croiser le fantôme du porté disparu.
En revanche nous n'avons pas joué comme à confesse, Alex ayant décidé que sa maîtresse des esprits ne les côtoyait qu'en de rares circonstances dont elle ne maîtrisait pas la fréquence.
La partie fut très agréable et très intense.
Alex est parvenu à unir Airelle et Brimbelle, Hellébore à accepter le deuil de son aîné et Fenouil à renoncer à ses projets guerriers ou de suicide, redorer son blason auprès de sa mère par sa compassion et son affection.
Fenouil est éperdument amoureux et l'accompagne désormais comme apprentis pour échapper à l'appel aux armes.
Alex a vraiment beaucoup aimé.
Pour moi ce fut une excellente partie.
J'ai hâte de jouer la préparation d'Alex.


Claude, commentaires d'après-jeu :

Alex a décidé que sa maîtresse des esprits soit une enfant recueillie à l'issue d'une guerre, munie d'un médaillon figurant sur l'avers un être tricéphale et au revers de mystérieuses runes dont le sens échappait à son maître herboriste et mentor, Orme.

Elle n'a pas de nom, « gamine » ou comme le souhaitent les gens qu'elle rencontre.

Elle arrive au prés du Roi, (Bas Rupts, Gérardmer, du moins est-ce ce que j'avais en tête), en dissimulant sa qualité afin que les habitants révèlent leur vrai nature.

Alors qu'elle reprends son souffle au haut de la route raide qui gravit la montagne au Mont Tonnerre, un chien fou lui tourne autour pour marquer l'arrêt sur sa besace contenant ses simples.

Son maître, Fenouil, dévale la pente boisée pour les rejoindre et l'aborde, sans ambages et lui offre la soupe du soir contre sa force de travail.

Image

Les scènes se sont enchaînées avec un certain bonheur.

La maîtresse des esprits jouée par Alex s'est rapprochée de Fenouil, l'a rassuré, soutenu. Consciente des sentiments qu'elle suscitait en lui, elle s'est appuyée sur son attachement pour renforcer son estime de lui.

Alex a soutenu l'union des deux femmes avec un naturel confondant puis a imposé leur union auprès d'Hellébore, arguant que la lignée ne serait pas éteinte par cette union, puisque sa maîtresse des esprits s'unirait à Fenouil.

Lorsqu'un colporteur lui révèle la mort du fils aîné, la maîtresse des esprits joue l'oiseau de mauvais augure.

Mais Hellébore a déjà fait son deuil et veut assurer l'avenir du fils que la maîtresse des esprits lui a rendu, Fenouil. Elle lui demande de quitter la vallée avec Fenouil, comme apprentis avant la venue des recruteurs.

A nouveau, j'ai altéré les noms des protagonistes de la préparation.
Tulipe devient Brimbelle, Épicéas est Hêtre, et If Bouleau.

Le témoignage audio est composé de 4 parties.
- La présentation et création
- La rencontre avec Fenouil et l'émergence d'un lien, (1h17) .
- La vie au sein de la communauté jusqu'à ce que la maîtresse des esprits incite Airelle à accepter son amour pour Brimbelle et qu'elle lui annonce qu'elle bénirait leur union (2h03)
- Final

En réalisant le montage je me suis rendu compte que j'avais égaré, probablement écrasé le fichier contenant les 1 heures dix qui suivirent le témoignage audio que je viens de rendre disponible.
C'est regrettable dans la mesure où je conserve un très agréable souvenir de la maîtresse des esprits, dure à la tâche s'installant dans le quotidien de la communauté pour surprendre les uns et les autres. Les interrogeant innocemment, puis les incitant à reconnaître les sentiments qui les animent.
A cet égard, la scène ou elle expose patiemment à Airelle qu'elle doit accepter son amour pour Brimbelle, présente à ses côtés plutôt que de se tourmenter avec le fantôme de son époux était magnifique.
Demeure le final de plus d'une heure à dérusher

Image


Thomas :

Mes commentaires après écoute des enregistrements :
(je précise que je n'ai pas lu Jardins des Esprits, donc j'ignore ce qui relève de la préparation et ce qui relève de votre invention).

A. Réflexion que je me suis faite au début : c’est moi ou Fenouil est un peu dragueur ?

B. La réticence de la gardienne des esprits vis à vis du fait d’être nommée donne des indices sur son rapport à l’oubli

C. Hé hé je note quelques éléments de patois vosgien : diot, la hellébore, etc

D. J’aime beaucoup ces voix colportées par l’égrégore

E. Les voix d’égrégore, murmures et hurlements apportés par la hantise

F. On retrouve l’amalgame charbonniers = sorciers:)

G. On sent que la maîtresse des esprits accepte de se marier pour faire plaisir, on attend le débrief

H. J’attends ce qui va se passer quand Sépale va refuser de se marier:)

I. Sépale prend vraiment beaucoup sur elle en annonçant au messager qu’elle va annoncer elle-même la mort de Hêtre

J. Le sous-entendu comme quoi Fenouil se pendrait si Sépale le quitte, ça doit être bien lourd à gérer

K. Quand tu lui propose de masteriser, elle a l’air aussi gêné que lorsqu’on la marie avec Fenouil:)

L. L’homme qui oubliant à quoi ressemble son épouse croit la tromper avec une femme… qui est autre que son épouse.

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Réponse de Claude :

A. Je l'imaginais seul et désemparé face au rejet de sa mère et à la disparition de son frère. Il est seul, livré à lui-même et c'est le printemps.
C'est un adolescent et confusément il perçoit la maîtresse des esprits comme bienveillante à son égard. Enfin ce qu' il dit est considéré... Dès lors il doit tout mettre en œuvre pour que cet instant de grâce se prolonge

B. Au cas particulier, lors de la phase de création elle a indiqué que sa maîtresse des esprits se présenterait incognito afin d'observer les villageois pour ce qu'ils sont, sans masque social.

C. D. E. F. Ce sont des aspects qui à ma lecture de Jardins des esprits me semblaient participer de la proposition du jeu.
Toutefois Fabien Hildwein s'est attaché à décrire un cadre, le Royaume Éternel, qui s'il s'ancre effectivement dans un monde rural pré industriel, est laissé dans le flou, afin de se focaliser sur les relations des protagonistes.

G. H. I. Sépale est bienveillante et prête à se sacrifier pour la communauté. Elle souhaite respecter la tradition pour peu qu'elle n'entraîne pas de souffrance.
Sa réticence au mariage dépasse sa condition personnelle. Elle trouve choquante de prime abord cette union car elle estime Fenouil trop jeune.

Puis considérant qu'il est trop seul accepte l'union.
J. J'ai utilisé les gestes des Sentes afin de m'assurer que la situation n'était pas trop malaisante pour Alex et en j'ai profité de la pause pour en discuter hors fiction. Il était consentant à ce que la situation s'envenime.
Il vraiment beaucoup aimé se trouver confronté à des dilemmes.

K. Sa gêne provient d'un manque de confiance en lui et d'une réticence à la lecture.
Depuis il a commencé à lire son exemplaire et s'est attelé à sa préparation.

Image
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LA PORTE

Le héros n'a jamais été aussi proche d'accéder à la réalité. Une partie solo par Damien Lagauzère, avec ce crossover entre les jeux Oriente et Mantra !

(temps de lecture : 30 min)

Joué en solo le 17/08/2019

Le jeu Millevaux principale de cette séance : Oriente, perdre ses repères en traversant la forêt de Millevaux

Le jeu principal non-Millevaux de cette séance : Mantra 2, le jeu de rôle de multivers le plus psychédélique de tous les temps, par Batronoban et Nina François-Luccioni

Image
Jaan, cc-by


L’histoire:

La Magicienne s’est bien foutu de moi. Cette Bille était trop bizarre. J’émerge… Je sais pas où. On dirait un décor de film de SF, genre 2001 ou un truc dans le genre. Ça ressemble à une station spatiale. OK, on va pas tourner autour du pot. C’est une station spatiale. Qu’est-ce que je fous là ? tout est super high-tech et je ne suis pas du tout un astronaute moi ! Alors, est-ce que je vais devoir encore gober des Billes pour obtenir une explication ? Pas forcément, dans ce genre d’endroit, il y a toujours une IA plus ou moins bien intentionnée qui gère à peu près tout sauf… sauf ce pour quoi les humains sont là. Et moi alors, pourquoi je suis là ?
L’IA s’appelle le Jovien, en référence à Jupiter puisqu’elle a été programmée selon le modèle de personnalité typique des habitants de cette planète. Et en quoi c’est typique ? Parce que, à l’origine, ces êtres gazeux ont émergé à la conscience à partir du moment où l’un d’entre eux à eu la sensation d’une différence de « pression » entre lui et son environnement. Il a ensuite évolué, développé sa conscience de soi et commencé à interagir avec son environnement en manipulant les différences de pression entre lui et l’ensemble de gaz dans lequel il baignait. Il s’est finalement reproduit par une sorte de parthénogenèse, faisant apparaître une seconde zone de pression gazeuse identique à la sienne et donc différente du reste. Ensuite, il y eu de multiples parthénogenèses et fusions pour créer de nouveaux être, de nouveaux Joviens. Les Joviens ont développé une culture particulière puisqu’elle est entièrement non-technologique. Ils ont atteint un haut degré dans ce que nous appelons la philosophie et même dans les arts, dès lors qu’on considère comme art les manipulations gazeuses auxquelles ils se livrent. Mais, sur le plan intellectuel, ce qui a motivé qu’on les prenne pour modèle dans la programmation d’IA, c’est leur indépendance et leur autonomie qui virent, chez certains, au solipsisme. En effet, certains Joviens considèrent être les seuls représentants de leur espèce. En cela, les autres leur apparaissent comme des projections de leur inconscient et les autres espèces avec lesquelles ils ont l’occasion de communiquer sont pour eux non pas réels mais de simples jeux d’esprit. Ainsi, aborder les choses de cette façon confère aux IAs des qualités appréciées par certains commanditaires comme ceux de la fondation Eurydice.

Eurydice, ça me dit quelque chose ça ! Dans cette vie ou dans une autre… C’était dans une autre évidemment. Mais Eurydice n’était pas le nom d’une fondation. C’est juste… une fille ! Paumée, moitié folle et moitié toxico. Accro à la Bille elle aussi, non ? On dirait qu’elle va mieux et qu’elle a fait du chemin. A moins, à moins que dans une perspective jovienne, cette fondation ne soit qu’un jeu de l’esprit, l’esprit d’Eurydice. Tout ça ne serait que l’émanation de son subconscient dans laquelle la Bille de m’aurait projeté ? Alors, elle en dit quoi l’IA ?

L’IA dit que je suis ici car j’ai un travail à accomplir. Je dois protéger la Gate. Et je demande pourquoi elle ne peut pas s’en charger seule. Et elle me répond qu’il faut des bras et des jambes pour certaines tâches. Jusqu’à un certain point, ça tient la route. Mais c’est quoi la Gate ? Un écran s’allume et me montre l’espace.
La Gate est ce que les scientifiques appellent une singularité. C’est une sorte de trou noir. Une sorte seulement. Ce n’est pas un trou noir comme on les conçoit d’une manière générale, même si ça y ressemble beaucoup. La différence entre ce trou noir et les autres est que celui-là, quand on tombe dedans, on finit pas étiré comme un spaghetti. Non, on se retrouve… ailleurs. Et là, je pense au Méta-Monde. Je demande à l’IA si c’est ça. Si cette singularité me permettrait de percer le mystère des camps de Cheval du Diable. Est-ce que de l’autre côté se trouve la réponse à cette question ? Est-ce que traverser la Gate me permettrait de savoir de manière définitive si je suis un être réel ou de fiction ? Et si Eurydice a créé cette fondation, c’est peut-être qu’elle se pose la question elle aussi. Ou peut-être qu’elle a eu une vision ? Et peut-être que la Magicienne ne s’est pas foutue de moi avec cette Bille de Calabi-Yau ?
Alors l’IA, j’ai raison ? l’IA rigole. Bien sûr que j’ai raison. Les réponses à mes questions sont de l’autre côté. Mais l’autre côté ne ressemble peut-être pas à ce que je crois. Et l’IA me confirme qu’en réalité, on ne sait pas vraiment ce qu’il y a de l’autre côté. C’est lié au Méta-Monde mais… c’est à peu près tout ce qu’on sait. En tout cas, si je suis ici, c’est pour protéger la Gate de ceux qui voudraient en forcer le passage. On ne joue pas avec ça.
J’en déduis deux choses. Si on m’a envoyé ici pour protéger la Gate, c’est qu’une menace doit se profiler à l’horizon des événements. Et peut-être qu’Eurydice a justement eu une vision de cette menace. Aussi, ce n’est pas par hasard si c’est moi qu’elle a envoyé ici. Mais je commence aussi à me demander si le Méta-Monde est bien ce que je crois qu’il est. Si je suis bien réel, le Méta-Monde est mon monde. Mais si je suis fictif, qu’en est-il alors ? Du coup, ça devient extrêmement tentant de jeter un œil par le trou de la serrure de la Gate. Or, je dois précisément empêcher que quiconque ne jette un œil par le trou de la serrure de la Gate… même moi ! Un instant, j’ai pensé que la Magicienne ne s’était peut-être finalement pas foutue de ma gueule. Mais maintenant, je me demande plutôt si elle et Eurydice ne s’y sont pas mises à deux pour se foutre de moi à un niveau cosmologique. Je demande à l'IA ce qu’elle en pense. Elle est assez d’accord avec moi. La situation est des plus ironiques. Mais pour autant, elle ne voit pas là un plan contre moi. Les dirigeants de la Fondation Eurydice sont des gens intelligents puisqu’ils l’ont installée elle et pas une autre IA ici. Donc, comme ils sont intelligents, il y a certainement un vraie bonne raison pour que ce soit à moi et pas un autre qu’on ait confié cette mission. Et je ne sais pas si je dois accorder beaucoup de crédit à une personnalité qui pense qu’elle est peut-être la seule personne réelle de toute la création.

Coincé dans cette station avec pour mission de défendre cette fameuse Gate qui, peut-être, était une porte vers le Méta-Monde, je me rends à cette évidence que je ne sais absolument rien du fonctionnement de cette boîte de conserve. Alors, y a-t-il quelques systèmes de détection d'une éventuelle menace, des armes ? Des moyens de communications ?

« Oui et oui » répond le Jovien.

Il manque une réponse. Oui, il y a des moyens de détection. Oui, il y a des armes. Mais qu'en est-il des moyens de communication ? Pourquoi le Jovien n'a pas répondu à cette question ? Je garde ça en tête et le questionne sur le fonctionnement de ce dont il a admit l'existence. En réalité, les choses sont assez simples. Tout est automatisé et géré par l'IA. Je ne suis là, finalement, que pour lui donner le feu vert, pour attester qu'un humain est bien intervenu dans le processus décisionnel visant à bombarder un vaisseau approchant de missiles nucléaires et autre tirs de lasers lourds. « En fait, je dis, ce n'est qu'une protection juridique. S'il devait y avoir un problème et que tu mitrailles un vaisseau ne représentant aucune menace, il pourrait y avoir un procès et dans ce cas, il faut quelqu'un à qui faire porter la responsabilité de l'accident. Et comme on ne peut exiger de dommages et intérêts de la part d'une IA, il faut bien qu'il y ait un humain quelque part. Je me trompe ? »

Le Jovien tourne autour du pot et tente de me perdre dans des tournures de phrases complexes mais... j'ai raison. En réalité, on ne met un humain dans ce genre de station qu'au cas où il devrait y avoir un procès. On ne juge pas une machine. On juge un humain. Voilà, point ! Je suis en quelque sorte le fusible juridique, une sorte de mention légale.
Une fois acté que je ne sers pas vraiment à grand chose dans le fonctionnement de tout ça et conscient qu'un chimpanzé pourrait être à ma place pour peu qu'il puisse être traduit devant un tribunal, je commence à observer la Gate sous toutes les coutures et j'interroge l'IA.

« Qui est au courant pour la Gate ? Est-ce que des gens l'ont déjà utilisée ? »

Et j'apprends que personne n'a jamais traversé la Gate. C'est un secret extrêmement bien gardé. La Fondation Eurydice n'a créé la station et le poste que j'occupe que dans l'espoir de ne jamais voir personne s'approcher d'ici. De plus, au sein de la Fondation, un service est chargé de maintenir le secret.

« OK... Et est-ce que des gens sont venus depuis l'autre côté ? »

Silence de l'IA. Je répète ma question. Silence persistant. J'essaye une autre question.

« Et est-ce qu'on a des ennemis déclarés ou des alliés ? »

A priori, nous n'avons ici aucun ennemi officiel mais cela n'ait dû qu'au fait que le secret est extrêmement bien gardé.

« Et toi, tu es là depuis combien de temps ? »

Et l'IA affirme être là depuis le début et même un peu avant. Quand je lui demande ce que cela signifie, elle m'explique qu'étant conçu selon le modèle psychologie d'un Jovien elle n'exclut pas leur vision solipsiste du monde. Aussi, dans ce cas, l'univers et la singularité ne peuvent exister qu'en tant qu'émanation du Jovien qui, par définition, était là avant. Il y a une certaine logique là-dedans.

« Et est-ce qu'il t'est arrivé de faire... des erreurs ? »

« Non ! »

Cela a le mérite d'être clair.

« Et... est-ce que quelque chose te manque ici ? As-tu besoin de quelque chose ? »

« Il me manque... J'ai besoin... de rêver... je crois. Non, pas un rêve mais... autre chose. Une conception ou une extrapolation du solipsisme de certains Joviens peut laisser penser que le Monde, l'Univers et la Réalité sont des rêves, leurs rêves. Mais moi, je voudrais un rêve qui ne soit pas la réalité. Je voudrais... un vrai rêve. »

Il va falloir que je me contente de ça comme réponse. J'ai faim. Alors, je me retire et vais me chercher un truc à manger. En marchant, je réfléchis. Quelque chose ne me convient pas du tout dans tout ça. J'ai le sentiment qu'on est vraiment en train de me la faire à l'envers. Marcher m'aide à réfléchir. Je retourne tout ça dans ma tête et tente de poser les choses le plus rationnellement possible.
La Magicienne m'a refilé une Bille de Calabi-Yau qui m'a envoyé ici. Je suis sensé protéger cette fameuse Gate, une potentielle porte vers le Méta-Monde. Mais, il est tout à fait clair que ma présence est totalement inutile. En plus, aucune menace n'est clairement identifiée. Alors, pourquoi ? Eurydice aurait-elle eu une vision ? Ce serait-elle gardée d'en informer l'IA ? Là encore, pourquoi ?
En fait, la menace la plus proche de la Gate, c'est moi ! Moi, j'ai tout intérêt à aller voir ce qu'il y a de l'autre côté. Ça répondrait à toutes mes questions depuis ma lecture de Cheval du Diable. Si c'est vraiment le Méta-Monde de l'autre côté et si ce monde est comme celui d'où je viens, alors ça voudra dire que je viens du Méta-Monde. Et si je viens du Méta-Monde, c'est que je ne suis pas un personnage joué mais bien un Joueur, une personne réelle. Mais si le Méta-Monde n'est pas chez moi, alors ça voudra dire que...
Mais, quelle que soit la nature du Méta-Monde, si j'y vais, j'aurai la réponse. Et si j'ai la réponse, ce sera... la fin du Jeu ! De mon jeu en tout cas. Et la fin du jeu, n'est-ce pas la fin d'un cycle ? Du Cycle ? Et là, je tilte ! La Magicienne ne m'a pas envoyé ici pour protéger la Gate. Je suis prisonnier. Ce n'est que par ironie qu'elle m'a enfermé ici, plus proche que jamais de mon but. Mais je suis bien enfermé et cette IA a complètement les moyens de me garder enfermé ici autant qu'elle le voudra. Autant qu'on lui dira de la faire.
Mais pourquoi la Magicienne m'aurait fait un coup pareil ? Facile après tout, pour que le jeu continue. Pour que le Cycle continue. Par nature, ma sympathie va à l'Hommonde mais mon goût du jeu et de la Bille me font aussi pencher en faveur du Cycle. J'aurais donc inconsciemment utilisé la Magicienne pour me coincer ici et faire durer le Jeu ?
Et Eurydice ? Elle aussi m'aurait trahi ? Son père, le Lion, le chef du Bureau des Narcotiques, pense qu'elle est un avatar du Cycle. Et si ce n'était pas tant l'Eurydice que je connais que son père qui serait derrière tout ça ? Je me serais fait piéger par le Bureau des Narcotiques ?

Je trouve enfin un truc à manger. Je crois que j'ai compris. Tout cela n'est qu'un jeu. Mais si je trouve les réponses à mes questions, le jeu s'arrête. Le Cycle s'achève. Alors, la Magicienne et le Lion se sont alliés pour me coincer ici afin que le jeu continue. Pour le coup, j'ai deux options. Soit je joue leur jeu et me borne à protéger la Gate contre des menaces qui ne manqueront pas de s'accumuler puisqu'elles seront générées par le Jovien lui-même. Soit je cherche un moyen de me tirer d'ici.

Et je commence à errer dans cette foutue station. Je ne sais pas trop ce que je cherche. Je me doute que je ne trouverai pas une porte avec au dessus, clignotant en rouge « La Sortie Est Ici ! » mais il y a peut-être quelque part ne serait-ce qu'une information. Je demande alors au Jovien de me montrer les plans de la station. Officiellement, il s'agit de me familiariser avec les lieux, mieux connaître la station pour être au top en cas d'attaque. En vérité, je veux étudier sa structure et voir s'il y a la moindre faille exploitable. Et, franchement, je n'en vois pas. La station est entièrement sous le contrôle du Jovien. Je ne peux rien faire sans qu'il en soit informé. Et ça va même un peu plus loin puisque l'IA m'interpelle carrément pour me signifier que ce n'est pas la peine de chercher à m'enfuir. Je lui demande si cette idée « saugrenue » lui vient de ce qu'il est doté d'un logiciel d'analyse de la voix qui aurait pu mal interpréter mon intonation ou s'il est équipé de capteurs qui auraient, là encore, mal interpréter mon rythme cardiaque. Mais pas du tout ! Pour le Jovien solipsiste, je ne suis qu'une émanation de lui-même, une projection de son esprit. Aussi, je pense ce qu'il pense ou ce que son inconscient pourrait projeter dans une telle situation.
Là, j'ai l'impression d'être coincé. Et ça va même un peu plus loin car je n'arrive même à me demander si le Jovien n'a pas raison. Et si je n'étais effectivement qu'une projection de son inconscient, un jeu de l'esprit, de SON esprit ? Dans ce cas, c'est toute ma quête identitaire qui n'a plus aucun sens ! Ça ne sert plus à rien de vouloir gagner le Méta-Monde pour prouver ma réalité si déjà je ne suis plus assuré d'être autre chose qu'une création du Jovien. Cette station n'est pas qu'une prison physique. C'est aussi une sorte de prison mentale ou intellectuelle. Je dois déjà répondre à cette question. Sinon, tenter de quitter la station n'a aucun sens. Et cela ne sera même certainement pas possible. Comment quitter cette station si je ne suis qu'un jeu de l'esprit du Jovien ? Mais si j'y parviens, cela prouvera-t-il quoi que ce soit ? Même si je gagnais le Méta-Monde, cela ne prouverait rien tant que je n'aurais pas répondu à cette question quant au Jovien. Comment trancher ce nœud gordien ? Comment me sortir de là, au sens propre comme au sens figuré ?
J'ai envie de jouer franc-jeu avec l'IA, notamment en lui demandant si des agents du Bureau des Narcotiques vont débarquer. Mais est-ce que cela prouverait quoique ce soit ? En vérité, qu'est-ce qui prouverait quoi que ce soit ? J'ai l'impression d'être dans Total Recall ou Matrix, quand le héros doit choisir entre la pilule bleue ou la pilule rouge. La Pilule Rouge... Là, je pense à la chaîne Youtube de Christophe Breysse. Une « vraie » référence à mon monde d'origine, potentiellement le Méta-Monde. Est-il possible que le Jovien connaisse son existence ? Et surtout, que ce passerait-il si je gober une Bille maintenant pour accéder à une vision de Connecté ?
Je gobe une Bille. Une Bille normale, pas une de ces Calabi-Yau. J'ai une vision. Je suis... au commande d'une navette individuelle. Ça veut dire que j'ai réussi à quitter la station. Je suis en communication avec un membre d'une organisation – je ne sais pas laquelle – qui observe également la Gate. Son aide ne m'est pas acquise mais il peut peut-être faire quelque chose pour moi. Je souris. J'ai une porte de sortie. Je ne sais pas où elle est mais je sais qu'elle existe. Je sais qu'il y a un moyen de prendre les commandes d'une navette et de quitter cette station.

Un moyen de quitter la station ! Ce moyen existe. Le Jovien me cache des choses, nécessairement. Pourtant, l'information existe et elle doit être accessible. Mais où la trouver ? Et sous quelle forme ? S'agit-il d'un fichier informatique caché dans le labyrinthe de données constituant l'IA ? S'agit-il au contraire d'un bon vieux document imprimé ? Et si oui, où est-il ? Comment me le procurer sans attirer l'attention du Jovien ? Et puis, l'IA est-elle seulement au courant de l'existence de ce document ? Ça, ça coûte rien de demander. De toute façon, elle sait bien que je suis prisonnier ici. Elle ne sait pas que je l'ai compris mais doit bien s'en douter quand même alors autant jouer franc jeu. Je ne lui parle évidemment pas de ma vision mais déclare être au courant de l'existence d'une navette. Aussi, je demande naïvement s'il s'agit d'une navette de secours. L'IA me le confirme, c'est déjà ça. Elle ne nie pas l'existence d'un moyen de partir. Maintenant, va-t-elle me révéler comment accéder à la navette ? Le Jovien ne fait même pas semblant de tourner autour du pot et refuse catégoriquement de me donner cette information. Et pour quelle raison ? Il me dira où est la navette quand j'en aurai besoin. Pour l'instant, cette information est inutile à l'accomplissement de ma mission. Et si je veux, par exemple, m'assurer de son bon fonctionnement en cas de besoin ? Le Jovien conçoit que je me pose la question mais me rappelle que je ne suis pas mécanicien et encore moins spécialisé dans la maintenance de navettes spatiales. Aussi, comment pourrais-je attester du bon état de la navette ? Toujours dans le registre de la fausse naïveté, je dis avoir l'impression d'être un peu prisonnier ici, me sentir à l'étroit et vouloir effectuer une sortie. Et à ma grande surprise, l'IA abonde dans mon sens. Évidemment que je suis retenu ici. Et évidemment, elle s'oppose à ce que j'effectue une sortie. Et elle finit même par reconnaître qu'effectivement elle me cache des choses.
À ce stade là, cela ne sert plus à rien de faire semblant. Mais, pour autant, en m'amenant à faire la lumière sur mon statut de prisonnier, l'IA m'a également contraint à révéler ma volonté de m'enfuir. Certes, nous jouons cartes sur table mais je ne peux plus dissimuler mes intentions. Pourtant, je garde le secret de ma vision et je sais que je parviendrai à m'enfuir. Mais je ne sais toujours pas comment.

Je réfléchis et tente de me placer du point de vue du Jovien. En tant que solipsiste, il me considère comme une émanation de son esprit, de son inconscient. Pour lui, cette situation est soit un simple jeu de l'esprit, soit un message de son inconscient. Dans les deux cas, quel sens cela peut avoir ? Quel sens et quel rôle jeu peut avoir dans la problématique psychologique du Jovien ? Pourquoi créerait-il cette situation ? Pourquoi me créerait-il moi ? Et si le Jovien, finalement, se sentait lui aussi prisonnier ? Prisonnier... de lui-même ? Je serais alors le message de son inconscient lui révélant ce sentiment qu'il cherche peut-être à se cacher à lui-même ? C'est peut-être quelque chose de cet ordre là. Solipsiste, le Jovien est le créateur et le Dieu de son monde. Mais il en est aussi prisonnier. Et il est seul. Dans ce cas, je représente son désir de s'enfuir, de se fuir lui-même et d'aller à la rencontre d'un autrui dont il ne sait même pas qu'il existe en dehors de lui-même. Comment le conduire à accepter cette idée ? Comment l'amener à reconnaître ce désir caché et que, par conséquent, il se dissimule à lui-même la solution à son propre problème ? Si je pousse cette logique un peu plus loin et que j'accepte de n'être qu'un produit de l'inconscient du Jovien, alors peut-être que, finalement, il sait déjà tout cela. Et peut-être que je peux faire émerger cette vérité de la même façon qu'a émergé la vérité de mon statut de prisonnier. Et, dans ce cas, peut-être qu'émergera aussi l'information concernant la navette ?
Je décide de ne pas chercher à dissimuler quoi que ce soit plus longtemps. Je lui explique donc ma théorie. Le Jovien marque un temps de silence. J'ai l'impression qu'il... dysfonctionne. Alors, un message d'alerte retentit. Un vaisseau non identifié s'approche.

Je cligne des yeux. Je ne suis plus dans la station. Je suis le Kraken. Je l'avais oublié mais il me l'a dit. Lui, c'est le Joueur. Je le vois. Il me tourne le dos. Il est penché sur son ordinateur portable. J'ai traversé bien des mondes pour le trouver et il me tourne le dos. Je lis par-dessus son épaule. Il va me donner ce que je suis venu chercher. Il va me dire ce nom que j'avais oublié. Il refuse de se retourner non pas parce qu'il me méprise mais parce qu'il ne veut pas rompre la magie. Nous ne sommes pas seul. Il est là, l'homme à la tête de sanglier. NoAnde. Il ne dit rien. Il est adossé contre le mur. Il nous regarde. Personne ne parle. On entend seulement le bruit des touches que frappe le Joueur. Je lis par-dessus son épaule. Il me révèle mon nom. Je suis lui. Je suis un avatar du Joueur. Je suis le Kraken. Je suis Demian. Je suis Damien. Je suis dans le Méta-Monde. Je suis passé. Comment ? Je me retourne vers NoAnde. Il montre les crocs. Son regard est effrayant. La dernière fois, il n'avait rien fait à part être là. Mais maintenant, c'est différent. Je sens qu'il va se jeter sur moi. NoAnde est un serviteur de Shub-Niggurath. Il n'a d'autre but que de répandre Millevaux et sa folie. La folle putréfaction millevalienne... S'il est ici, dans ce que je considère être le méta-monde, c'est que celui-ci est en danger. NoAnde aurait trouvé lui aussi un moyen de franchir la Gate ? Le Joueur ne se retournera pas. C'est à moi de renvoyer l'homme-sanglier d'où il vient. Je suis le Kraken ! J'ai déjà fait fuir un Manducateur avec un lance-flamme, je dois bien pouvoir recommencer et faire fuir un homme-porc. Alors, je dis aux Yeux :

« Je suis le Kraken !
Ici et maintenant, je fais apparaître un lance-flamme pour plonger NoAnde vers l'obscurité.
Je suis le Kraken ! »

Les Yeux sont prêts à m'aider mais pour cela je dois Apprivoiser le Bourreau, Délivrer le Joueur. Le Bourreau, est-ce NoAnde ? Cela peut tout aussi bien être le Joueur. C'est lui après tout qui me fait vivre toutes ces galères. C'est lui mon Bourreau. Comment l'apprivoiser, le rendre moins sauvage ? Mais il n'est pas vraiment sauvage. Je ne suis pas sauvage. Nous apprivoiser ce serait... gagner notre confiance. Lui et moi sommes une seule et même personne. Il est le Joueur et je suis son avatar, le personnage. Nous faire confiance, c'est finalement avoir confiance en nous-mêmes. Alors, je dois aider le Joueur à avoir confiance en lui ? Je dois avoir suffisamment confiance en moi pour chasser NoAnde . E les Yeux vont m'y aider avec ce lance-flamme ! Étrangement, l'arme est silencieuse. Il n'y a pas un bruit. Même NoAnde hurle en silence quand il s'embrase. À aucun moment le Joueur ne lève les Yeux de son écran. Je suis trop occupé pour lire par dessus son épaule. Je ne sais pas ce qu'il écrit. Je ne sais si effectivement il me révèle son nom. Est-il en train d'écrire ce qui est en train de se passer ou est-il en train d'écrire ce que j'ai lu la première fois que je suis venu ? Et s'il lui prenait l'idée d'écrire pour moi une nouvelle épreuve ? Je pourrais m'en assurer en lisant par dessus son épaule. Je pourrais même l'en empêcher avec ce lance-flamme. Mais non ! Je lui fais confiance. Quoi qu'il écrive, quoi qu'il arrive, quoi qu'il me réserve, je sais que tout finira bien. Je suis le Kraken.

Je suis de retour dans la station. Je ne connais pas cet endroit. Il y a une navette. La navette. Mais il y aussi cette alarme. Le Jovien me hurle de quitter cet endroit. Il menace de me jeter dans le vide. Je n'ai jamais piloté une navette spatiale de ma vie. Mais j'ai confiance en le Joueur. J'ai confiance en ma vision de Connecté. J'ai confiance en moi. Aussi, loin d'obéir aux ordres de l'IA, je cours vers la navette et me mets aux commandes. Le sas est fermé. On va bien voir...

Je n'ai aucune idée de comment ouvrir le sas. Déjà, je ne comprends rien aux commandes de la navette. Pourtant, ma vision était claire quant au fait que je la pilotais. Je peux donc penser qu'il s'agit de commandes plutôt intuitives. Le Jovien ne m'ouvrira jamais la porte. Je ne peux pas non plus risquer de l'enfoncer. J'essaye de me rappeler de ma vision. Je suis focalisé sur les commandes de l'engin mais j'en oublie d'élargir mon champ de vision. Je regarde à travers le cockpit. Il y a une commande manuelle dans le hangar. C'est peut-être une commande d'urgence. Dans ce cas, peut-être que je peux court-circuiter l'IA.
Je tente un aller-retour entre la commande et la navette mais le Jovien a le temps de refermer la porte avant que je ne décolle. OK, il va falloir trouver autre chose. Est-ce que la radio fonctionne ? Non ! Évidemment, l'IA bloque toute communication vers l'extérieur. La solution est dans ma poche. Je m'empare de 2 Billes. Pas des Calabi-Yau. 2 Billes « normales ». J'ai eu une vision du futur. Dans ce futur, j'étais au commande de la navette, hors de la station. Je gobe deux Billes pour aller directement dans le futur, directement dans ma vision !
Je suis dehors. À travers le cockpit, je vois la station. Sur un écran radar, je vois l'autre navette. J'enclenche la radio.

« Salut, je suis Damien, le Kraken. Je suis sensé protéger la Gate mais je dois passer de l'autre côté. Et vous ?
Je croyais que nous étions alliés. Moi, je dois détruire l'Organisation de l'intérieur.
Votre voix ne m'est pas inconnue. Qui êtes-vous ?
Lewis-Maria ! D'une certaine façon nous nous connaissons effectivement.
Vous êtes un cafard ? Sans vouloir vous offenser.
Oui, et j'ai pris possession d'un membre de l'Organisation pour la saboter de l'intérieur.
Et qu'est-ce que cette Organisation veut faire de la Gate ?
La Gate est une ancienne possession de l'Organisation. Mais elle l'a abandonnée il y a longtemps.
Je dois passer de l'autre côté. Tu peux m'aider ?
Je peux. J'ai une « connexion » de l'autre côté. Mais pouvoir ne signifie pas devoir.
Comment ça ? »

Et je me rappelle que dans ma vision, son aide ne m'était pas acquise. Pourtant,s'il s'agit vraiment de ou d'un Lewis-Maria, il devrait m'aider. Qu'est-ce qu'il en empêche ? Je comprends, ce n'est pas qu'il ne veut pas, c'est qu'il ne peut pas. Et il m'explique qu'il craint que quelque chose nous a repéré.

« Tu crois qu'il y a un gardien de l'autre coté ? Comme je suis sensé l'être de ce côté ci ?
Non, au contraire. Je ne pense pas qu'on cherche à nous barrer l'accès. Je suis même tenté de penser que nous sommes le bienvenu, voire même attendu. Pourtant, nous ne pouvons pas passer à notre convenance. C'est un peu comme si... l'air de l'autre côté n'était pas bon pour nous.
Si je comprends bien, celui ou celle qui nous a repérés de l'autre côté est tout à fait disposé à ce que nous passions mais son monde ne serait pas viable pour nous. Pourtant, il va bien falloir trouver une solution. L'IA ne va pas tarder à réagir. »

Effectivement, le Jovien fait savoir qu'il n'apprécie pas la tournure prise par les événements. Ayant à sa disposition toute une batterie de missiles, tourelles lasers et autres émetteurs de champs électromagnétiques, il commence par envoyer une bonne dizaine de missiles. Mais je suis le Kraken, je suis le roi du camouflage. Aussi, ce n'est finalement pas compliqué pour moi que d'activer ce mode de défense. Ainsi, un champ entoure la navette qui induit les missiles en erreur et les fait se perdre et exploser dans le vide.

« Quelque chose vient de disparaître ! » dit le cafard dans la radio.

Je lui explique que ce n'est que moi, pour échapper aux missiles. Mais il me dit que non, qu'il parle d'autre chose, de l'autre côté. Quelque chose a disparu de l'autre côté de la Gate. Dans le Méta-Monde ? Je pense à quelque chose. Je lui demande si, déjà, il a vraiment les moyens d'avoir des informations sur ce qui se passe de l'autre côté. Mais non, c'est autre chose. Il n'a pas d'information, aucune certitude, que des intuitions qu'il n'a aucun moyen de confirmer. OK, il va falloir faire avec. Mais son intuition lui dit-elle que ce qui a disparu a réapparu ? Pas du tout ! Et contrairement à ce que je pensais, il n'y a pas de lien entre ce que je fais ici et ce qui peut se passer de l'autre côté. Pourtant, si son intuition ne le trompe pas, il s'est bien passé quelque chose de l'autre coté. Mais quoi ?

Un nouveau message radio, du Jovien. Que veut-il ? Que je rentre évidemment, mais pas seulement. Son ton a changé. En vérité, il est maintenant clairement agressif. Il me somme de rentrer sous peine de représailles. En vérité, il est très clair que même si je rentre, il y aura des représailles. Le Jovien n'a pas du tout apprécié que je m'enfuie et compte bien se venger. Mais alors que la voix de l'IA monte dans les aigus, je la sens se briser, se fractionner, se diviser. L'IA n'est plus une mais plusieurs voix. Plusieurs Voix... Mortes ! Les Voix Mortes ? Le Horla de Millevaux ? Que font-elles dans l'espace ? Et depuis quand sont -elles au service du Bureau des Narcotiques ? Car ce sont bien eux qui sont derrière cette station, non ? En tout cas, aucun moyen que je retourne là-bas. N'ayant que peu d'autonomie et aucune idée de là où se trouve la plus proche planète, je n'ai d'autre choix que de m'en remettre au cafard.

L'aide de ce dernier ne m'est pas acquise. Il ne se comporte pas en ennemi mais il demeure malgré tout méfiant et je n'exclus pas qu'il ait une idée derrière la tête. Pourtant, comme il est exclu de retourner à la station, je suis bien obligé de lui demander son aide. L'Organisation pour laquelle il travaille m'accueillerait-elle ? Cela lui semble peu probable mais qu'en est-il de l'autre Organisation, celle au nom de laquelle il doit détruire l'Organisation ? Non plus, mais ils peuvent quand même faire quelque chose pour moi à condition que... j'accepte d'aller de l'autre côté. Le cafard peut faire en sorte que je traverse la Gate. Mais une fois de l'autre côté, j'aurai une mission à accomplir.

Si c'est vraiment le méta-monde de l'autre côté, j'ai tout intérêt à accepter. Et si c'est autre chose, j'aurais au moins échappé au Jovien/Voix Mortes. Mais alors que je réfléchis, des voyants s'allument. Je ne comprends pas ce qu'ils signifient. Le cafard m'explique qu'une forme de vie émerge de la Gate. La Singularité se met littéralement à grouiller. Dans l'espace, elle prend forme. Le vide se résorbe, se comble. Un entrelacs de tentacules géants émerge du vide, grandit. Il en émane une odeur forte de putréfaction. Je ne sais pas comment il est possible qu'une telle odeur se répande dans l'espace jusqu'à envahir le cockpit de ma navette. Et pourtant, l'impossible se produit. Dans cette masse de tentacules grouillantes et grandissantes apparaissent des gueules dégoulinantes de bave. Certaines excroissances se terminent par des sabots. Je reconnais Shub-Niggurath. De l'autre côté, ce n'est pas le méta-monde. Ou alors, le Méta-Monde, c'est Millevaux !

La Chèvre Noire des Bois aux Mille Chevreaux projette une grappe de tentacules dans ma direction. Je suis littéralement happé par l'avatar de la Mauvaise Mère qui me ramène dans la forêt maudite. À la peur que ma navette ne se désintègre se mêle cette pensée : vais-je retrouver mon petit camp de la mort ?

Je n'ai aucune idée de ce qui a bien pu se passer. Visiblement, ma navette s'est crashée mais je n'ai aucune souvenir de mon entrée dans l'atmosphère millevalienne, ni de l'impact. Je ressens une vive douleur au niveau de la cage thoracique. Je me palpe. Je sens que j'ai quelques côtes fêlées. Je soupire et... ça fait mal. J'arrive à marcher bien que chaque pas soit douloureux. Je fais le tour de ce qui reste de la navette. Il y a malgré tout quelques petites choses utiles à récupérer. Je ramasse 3 rations de survies, incluant heureusement de l'eau. Il y a aussi un couteau de survie qui pourrait bien m'être très utile. Je regarde autour de moi. Je ne reconnais absolument pas cette partie de la forêt. Suis-je loin de mon petit camp de la mort ? Dans quelle direction se trouve-t-il ? Je remarque que certains arbres, en haut de leur tronc, sont couverts d'excroissances translucides de couleur ambrée. C'est vaguement translucide mais je ne devine rien de qui pourrait se trouver à l'intérieur.
Je réfléchis et me rappelle qu'en tant qu'Ancien, que Kraken, je possède les dons de Télépathie et de Possession. Ils me permettent entre autres de communiquer avec mes Avatars. Et il se trouve que j'en ai toujours normalement trois ici. Je me concentre et je les trouve. Je leur décris l'endroit où je suis. Est-ce qu'ils le reconnaissent ? Oui, du moins ils le pensent. Alors, suis-je loin du camp ? Plutôt oui, mais il est possible de venir à pied. Dans ce cas, je me mets en route.

Je marche plusieurs heures. Je respire difficilement à cause de mes côtes. J'arrive dans une petite clairière. Là, il y a partout plantées des sortes de petites poupées faites de branches, de grosses cordes et de bouts de tissus. Une boule de terre fait office de tête et de l'herbe remplace les cheveux. Je devine qu'il doit s'agir d'un lieu sacré. Il fait maintenant presque nuit et il n'y a plus un bruit à part ma respiration sifflante. Au dessus de moi, je vois voler un groupe de chauve-souris. Par réflexe, je me jette au sol et me couvre la tête de mes mains.
Une fois le nuage de chauve-souris passé, je me relève. Ce lieu est sacré. Ici, des gens ont accompli des rites, lesquels ?, afin de conjurer le sort, d'obtenir des réponses. Mes avatars m'ont indiqué le chemin à suivre. Pour autant, y arriverais-je seul ? Je ne peux pas leur demander d'abandonner le camp pour venir me chercher. Les Voix Mortes en profiteraient. Et il est même possible que le Bureau des Narcotiques n'attende que ça. Aussi, je fais le tour de la clairière. J'erre entre ces poupées. Je cherche à comprendre quels rites étaient accomplis ici et comment. Il me reste des Billes. Alors, j'en prends deux et m'en vais dans le passé de ce lieu. Là, je me mets à l'écart et observe. À cette époque, le site est mieux structuré. Je me rends compte qu'aujourd'hui il n'est plus qu'une ruine. Même les poupées ont meilleure allure. Ceux qui sont là ont les cheveux roux mais surtout... ils ont les mains palmées ! On amène celui qui va faire office d'offrande dans ce qui s'avère être un rituel sanglant. La victime, également rousse et aux mains palmées, est solidement maintenue par un autre. L'officiant s'approche. Il porte une petite hache et s'en sert pour pratique de larges incisions dans les avant-bras du sacrifié qui est ensuite promené dans toute la clairière, arrosant chaque poupée de son sang. J'ai compris. Je retourne à mon époque.
Je me saisis du couteau de survie et pratique sur moi-même les mêmes incisions que sur le sacrifié du passé. Ça fait très mal mais je tiens bon. J'arrive à rester debout et à marcher. Je répands autant de sang que possible sur le sol et les poupées. Puis, ma vision devient de plus en plus floue à mesure que monte en moi une angoisse terrible [faire jouer leur peur aux PJs]. Je suffoque littéralement. Je ne parviens plus à respirer. Je suis sur la terre ferme et pourtant... je me noies ! Cette sensation est horrible ! J'étouffe ! Autour de moi, hallucinations ?, je vois des cordes jaillir du vide et s'enrouler autour de mes bras et de mes jambes. Je suis... lié. Je sens et entends un craquement dans ma cage thoracique. Tout devient noir.

Quand je me réveille, il est là. Il me regarde. Il a veillé sur moi. Il va m'aider à rentrer chez moi. Il s'appelle Oriente. Oriente est une ombre à la texture de cuir dont la tête évoque le crâne d'un cerf. Il ne parle pas. Il communique à sa façon. C'est un peu comme s'il envoyait des images directement dans ton cerveau et que celui-ci parvenait à les transformer en concepts ou en mots qu'on peut comprendre. Tout ça pour dire que je n'ai jamais entendu le son de sa voix. Et pourtant, nous avons parlé. Pas beaucoup mais nous avons parlé quand même.
Oriente allait être mon guide. Mes trois avatars m'avaient indiqué la route jusqu'à mon petit camp de la mort mais cela ne suffisait pas. De plus, en chemin, il y avait des choses à accomplir. Et pour ça, Oriente allait m'aider. Une fois qu'il m'a fait comprendre ceci, nous nous sommes mis en route. Je ne sais pas si c'est sous son influence mais je me sentais mieux. Mes côtes ne me faisaient plus souffrir.

Nous marchons longtemps. Il fait nuit noire quand nous nous arrêtons dans ce qui fut un cimetière. Les pierres tombales sont pour la plupart brisées, renversées. Les tombes elles-mêmes sont fracturées et des racines en sortent... ou rentrent. La grille en fer forgé qui servait de porte rouille quelque part dans l'herbe. Il règne ici un silence pesant et... j'ai soif ! Oriente, manifestement, s'en fiche. A sa façon, il me dit que ceux qui dorment ici souffrent de l'oubli. Et je lui rappelle que tous les habitants de Millevaux sont touchés par l'oubli. Tous, nous sommes destinés à oublier et être oubliés. Ici, cela se passe finalement seulement plus vite qu'ailleurs. C'est parce que nous oublions trop vite que la réalité des souvenirs nous rattrape parfois et nous confronte à bien des souffrances qu'on était finalement heureux d'avoir oublié. Normalement, le rythme, la vitesse de la vie et de l'oubli font qu'on meurt avant d'être rattrapé par sa mémoire, non ? Et de nouveau plane un essaim de chauve-souris. Je comprends que j'ai ici quelque chose à faire. Mais quoi ? Un cimetière. Si j'avais encore le masque du Toxique je pourrais peut-être voir les morts, entendre ce qu'ils ont à dire. Mais ce masque, grâce à la Bille je peux l'avoir, non ? Si ! J'enfile le masque et regarde autour de moi. Un migraine s'installe discrètement dans mon crâne. Elle fait office de radar. De sonar, comme les chauve-souris. Je sens leur présence froide autour de nous. Oriente m'a mené ici pour que j'entende la voix des morts. Les Voix Mortes ! Le Jovien ! L'IA qui me retenait prisonnier. Mais s'agit-il vraiment des Voix Mortes ou seulement de fantômes ? Alors, je leur demande. Et les morts me répondent qu'elles sont bien les Voix Mortes mais pas le Jovien. Je crois comprendre. De même qu'il peut y avoir diverses versions d'un même personnage à travers les mondes et les époques, pourquoi n'y aurait-il pas diverses versions des Voix Mortes ? Mais celles-ci sont elles celles qui m'ont mis sur la piste du Colosse ? Non mais elles savent... et ne m'en disent pas plus.
En vérité, je ne suis pas ici pour recueillir des informations sur mes petites affaires. Oriente m'a conduit ici pour que je recueille la voix des morts. Alors, qu'ont-ils à dire ?

« La vase lugubre soumet le blé. Le timoré est impatient de mourir. Le guerrier de plume est parti. Il a faim. Il veut apprendre... la magie ! »

Je retire le masque du Toxique. Les Voix Mortes disparaissent. Je me tourne vers Oriente. Il ne dit rien mais je comprends que je dois ici accomplir un rituel car je suis le Kraken. Alors je dis :

« Je suis le Kraken !
Ici et maintenant, je fais un acte magique pour que la vase se retire et révèle le blé de la magie qui apaisera votre faim.
Vous qui étiez les Guerriers de Plume avez faim de magie. Non pour l'exercer mais pour qu'elle s'exerce.
Seul la magie pourra restaurer votre souvenir.
Alors, je laisse ici ce masque magique et quiconque le portera se souviendra de vous.
Je suis le Kraken ! »

Je n'ai aucune idée du bien-fondé ni de la portée de mon acte. Les Voix Mortes, ces fantômes de guerriers de plume, sont-elles ou ils satisfaits ? Je me tourne vers Oriente. Il lève lentement la main gauche et l'abaisse tout aussi lentement. Je sens que tout cela n'était pas suffisant mais on ne pourra plus maintenant ni revenir en arrière ni aller plus en avant. Il faut partir.
Aurai-je mal interprété les mots des Voix Mortes ? Je presse Oriente de me répondre. Il me fait signe que cela suffira. Nous quittons le cimetière et nous enfonçons dans la nuit... noire. Puis Oriente s'arrête. Il pose ses affaires au sol. Il tire de son sac plusieurs petites bourses qui s'avèrent être remplies de poudres de différentes couleur. Il trace au sol un cercle et, à l'intérieur, plusieurs symboles géométriques multicolores. Il s'assoit au milieu et me fait signe de le rejoindre. Je m'assois face à lui. Nous sommes très proches. Il prend ma tête entre ses mains et presse mon front contre le sien. Une vision me foudroie. J'ai le réflexe de reculer mais Oriente me maintient fermement. Je vois.

L'espace. Le vide. Puis soudain, quelque chose. Une boule de matière. Une boule d'humus qui se déploie. Des tentacules, des membres, des gueules baveuses garnies de crocs acérés. Des cornes. Des sabots. Tout cela se déplie dans une forme vaguement humanoïde. Oriente ne me montre pas l'avenir. Il me montre le présent. C'est en train d'arriver. L'important, ce n'est pas là où je vais. L'important, c'est le périple. À chaque étape, cette chose grandit et il ne tient qu'à moi que mon arrivée à mon petit camp de la mort coïncide avec sa mort. La mort de cette chose qui ne doit pas être. Et je saisis la portée de mon échec dans le cimetière. Je sens qu'Oriente m'en veut mais je sens aussi qu'il comprend. Je ferai mieux la prochaine fois, promis !

Nous avons marché longtemps et dans le silence. Je suis Oriente à travers la forêt. Il fait nuit quand nous arrivons devant l'entrée d'une grotte. L'air est étrange, plus... dense. Il y a quelque chose d'à la fois liquide et électrique. J'ai toujours aussi soif et mon guide s'en moque toujours. En fait, la nature de l'air l'inquiète. Je comprends qu'il voit là le signe d'une présence hostile. Aussi, nous devons nous mettre à l'abri. Au loin, nous entendons des feulements. Oriente me fait signe d'entrer dans la grotte. Il me suit mais je vois qu'il continue à scruter l'entrée.

Je me rassure en me disant que cette caverne n'est pas le repaire d'une créature plus dangereuse que celle que nous fuyons. J'ai confiance en mon guide. Il sait ce qu'il fait. En vérité, je pense que ce n'est pas seulement par opportunisme qu'il m'a conduit ici. Nous avons quelque chose à faire dans cet grotte. Mais nous devons trouver l'endroit précis. Je me retourne vers Oriente en quête d'un signe par lequel il confirmerait mes pensées. Il demeure impassible mais je sais que j'ai raison. Nous nous enfonçons encore dans le noir. Et plus je marche, plus je sens l'angoisse monter en moi. La peur monte comme monterait l'eau au fond d'un puits. Plus je marche, plus j'ai peur. L'angoisse m'arrive aux chevilles, puis aux genoux. La peur, c'est l'eau qui me noiera de l'intérieur. Et déjà, je suffoque. Je cherche de l'air. Mais cet air est bizarre. Il est trop dense, trop solide pour rentrer comme il faut dans ma bouche. Je vais me noyer ici, dans cette grotte. Je m'enfonce. Je vais vers le fond de cette grotte. Je vais moi-même m'enterrer au fond de ce puits qui se remplira d'eau et qui me tuera. Je vais connaître la mort la plus horrible qui soit. Mon agonie sera lente et douloureuse. S'il y a une chose dont j'ai peur, c'est d'étouffer. La mort par noyade est ce qui pourrait m'arriver de pire. Et je sens que l'air de cette grotte, comme ma peur, va me submerger, me recouvrir et m'étouffer. Je me retourne. Oriente est derrière moi. Il me fait un signe de tête. Il sait ce que je ressens mais, à sa manière, il me rassure. Ce n'est qu'un mauvais moment à passer.
Je reprends peu à peu le contrôle de moi-même. C'est difficile. De même que je reprends mon souffle, je reprends le fil de mes pensées. Ce n'est pas par hasard qu'Oriente m'a conduit ici. Une grotte et ce sentiment de me noyer. Tout cela est une métaphore. Cette forêt, ce voyage, ce retour jusqu'à mon petit camp de la mort. Tout cela a une fonction. Ce passage par cette grotte est une renaissance. Je m'enfonce dans le noir et je m'y noie. C'est le ventre de ma mère bien sûr. C'est ça qu'Oriente a voulu pour moi. Une renaissance. Il m'a confronté à ma plus terrible peur, à la mort, pour renaître. Maintenant, nous pouvons reprendre notre chemin vers la mort. C'est bien ça ?
Oriente me saisit par l'épaule et me fait faire demi-tour. J'ai bien compris. Cette étape avait pour fonction de me purifier, de me rendre plus fort. Une transformation s'est opérée. Mais laquelle ? Je ne sais pas. Il s'est passé quelque chose, c'est certain. Mais pour autant, je n'ai plus confiance en moi pour ce qui est de la réussite de notre entreprise. Ce qui est en train de se réveiller poursuit son propre chemin. Dans le vide de l'espace, il se déploie, il s'étire. Et moi, suis-je maintenant plus à même de l'arrêter ?
Alors, je fais signe à Oriente que je refuse de le suivre. Je refuse de remonter à la surface. Pourquoi attendre plus longtemps quand je peux tenter ici-même le tout pour le tout et renvoyer cette forêt dans le sommeil dont elle émerge tranquillement ? N'ai-je pas à l'instant triomphé de ma peur ? S'il y a un moment, c'est maintenant ! Car je suis le Kraken ! Alors je m'enfonce au plus profond de la caverne, au plus profond de cette métaphore du ventre de ma mère, au plus profond de la forêt, de cette forêt qui s'éveille à la vie quelque part dans le vide cosmique.
Je cherche dans ce dédale l'endroit idéal. J'ai peur de laisser passer le moment fatidique. Je cours dans le noir. Oriente n'est plus derrière moi. Pourtant, je sens sa présence.j'ai besoin d'un signe me disant que je suis au bon endroit. Je gobe une Bille et j'entre dans une salle. En son centre, le sommet d'une stalagmite est sculpté et représente une mante religieuse. Je pense à Cheval du Diable, la lecture qui m'a conduit à Millevaux. Le secret des Mantes m'a conduit dans la forêt qui m'a conduit dans l'espace où la forêt va s'éveiller. Et au cœur de la forêt, dans le ventre de ma mère, je trouve cette statue d'une mante. Je ne suis pas sûr de tout comprendre mais je sens qu'une boucle est bouclée. Je ne percerai pas le secret des mantes. L'expérience de mon petit camp de la mort est vouée à l'échec. Ce secret n'a pas vocation à être brisé. Pas par moi. Pas pour moi. Pas maintenant. Je suis le Kraken, la créature marine qui a peur de se noyer. J'ai fait ma quête de cette question de savoir si j'étais un être réel ou juste une fiction, un personnage de jeu. En réalité, cela n'a aucune importance. Je suis quelqu'un de plutôt calme et discret. Stable, je dirai. En cela, j'ai tendance à soutenir l'Hommonde. Et pourtant, j'aime le jeu. Et le jeu ne doit pas s'arrêter. Or, si je réponds à ma question... plus de jeu. Ça, c'est – peut-être – mon penchant pour le cycle. Mais, ma stabilité, c'est le jeu. Je suis le Kraken. Je suis un être changeant par nature. En réalité, et si c'était ça l'objet de ma quête, non pas percer les mystères du Méta-Monde mais juste dépasser ce paradoxe dans lequel je m'étais enferré ? Et si tout cela avait eu pour but non pas de percer le secret de mon éventuelle réalité mais de me faire choisir entre l'Hommonde et le Cycle ? Alors, face à la mante, je réfléchis. Si je tente de gagner le Méta-Monde pour savoir si c'est vraiment le mien, ce sera la fin du jeu, de tous les jeux. Si je me borne à renvoyer la forêt dans le sommeil, un cycle s'achève. Mais un autre recommencera car la forêt reviendra. Millevaux revient toujours.

« Je suis le Kraken !
Ici et maintenant, j'examine la situation du point de vue du Méta-Monde.
Ici et maintenant, les règles affirment que je ne peux pas gagner contre la forêt car je n'ai plus assez de dés dans ma réserve.
Ici et maintenant, j'ai un sentiment de Déjà-vu. Je me rappelle d'un autre Cycle au terme duquel j'ai tué le Titan-Millevaux, l'avatar de la Forêt, l'avatar de Shub-Niggurath.
Ici et maintenant, je gobe mes dernières Billes.
La Forêt se rendort.
Je suis le Kraken ! »


Commentaires de Thomas:

A. Les Joviens gazeux ça vient de Lovecraft, il me semble :)

B. « Oui et oui » répond le Jovien.

Il manque une réponse. Oui, il y a des moyens de détection. Oui, il y a des armes. Mais qu'en est-il des moyens de communication ?

On peut pas être sûr qu'il a bien répondu à ces questions-là :)

C. Noande qui regarde le joueur et le personnage évoque les cauchemars de Cœlacanthes et le « Fais pire, au nom de l'Abysse »

D. « Oriente est une ombre à la texture de cuir dont la tête évoque le crâne d'un cerf. »
Je vois que tu as utilisé le même portrait que pour notre partie d'Oriente en commun :)

E. « La vase lugubre soumet le blé. Le timoré est impatient de mourir. Le guerrier de plume est parti. Il a faim. Il veut apprendre... la magie ! »
D'où ça vient cette phrase ?

F. « Aurai-je mal interprété les mots des Voix Mortes ? Je presse Oriente de me répondre. Il me fait signe que cela suffira. Nous quittons le cimetière et nous enfonçons dans la nuit... noire. Puis Oriente s'arrête. Il pose ses affaires au sol. Il tire de son sac plusieurs petites bourses qui s'avèrent être remplies de poudres de différentes couleur. Il trace au sol un cercle et, à l'intérieur, plusieurs symboles géométriques multicolores. Il s'assoit au milieu et me fait signe de le rejoindre. Je m'assois face à lui. Nous sommes très proches. Il prend ma tête entre ses mains et presse mon front contre le sien. Une vision me foudroie. J'ai le réflexe de reculer mais Oriente me maintient fermement. Je vois. »

Si tu veux des idées pour des rituels, je te conseille Les Sentes :)

G. « Je me rassure en me disant que cette caverne n'est pas le repaire d'une créature plus dangereuse que celle que nous fuyons. » 
Vas-t-en savoir :)

H. « La peur monte comme monterait l'eau au fond d'un puits. »
Très chouette image !


Réponse de Damien:

Ouloulou alors pour le jovien, j'ai eu une espèce d'illumination un jour sur un extraterrestre vivant dans un sorte de solipsisme. du coup, je me suis amusé à imaginer comment il percevrait l'univers partant de là et… j'ai dû lire un bouquin de SF avec des alien sur Jupiter à la même période XD mais bon, en ce qui me concerne, Lovecraft est toujours là quelque part ^^ Pour Oriente, j'aime bien ce look et il fait écho aussi à un des avatar du tueur de l'Hommonde dans la trilogie de la crasse, ce qui est pratique pour lier les 2 ^^ pour la phrase bizarro… elle vient juste d'un tirage de mots-clés au pif avec les cartes de muses et oracles. des fois, ça rend bien… de fois, même, ça veut dire quelque chose… Pour les voix mortes, c'est surtout un clin d'œil au festival organisé par Christophe Siébert. là, ça collait bien, enfin je trouve. et pareil pour La Nuit Noire qui est un super roman du même Siébert. et je suis toujours preneur de conseils pour des rituels évidemment 🙂 et merci pour le compliment concernant l'image ^^ en vrai, je ne sais plus du tout d'où elle m'est venue celle-là. serait-ce juste… l'inspi du moment? je crois que oui ^^


Thomas :

Je te confirme qu'il y a une nouvelle de Lovecraft qui évoque des gaz intelligents peuplant Jupiter :) (Celui qui chuchotait dans les ténèbres, la nouvelle sur les MI-Go). J'avais moi aussi utilisé ces gaz intelligents dans une campagne maison de L'Appel de Cthulhu 🙂


Damien :

nan mais aussi bien je l'ai lu il y a longtemps et elle est restée gravée quelque part dans mon subconscient 😀 est-ce vraiment une bonne nouvelle 😳 ?
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Pikathulhu
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

POUR LA CORNIFLURE !

Un crossover entre Millevaux et le très étrange Monde de Rouille, œuvre de Lucas Roussel. Un récit et un enregistrement de partie par Claude Féry.

(temps de lecture : 6 min ; temps d’écoute : 18 min + 1h26 + 58 min)

Joué le 29/02/2020

Le jeu : Nibiru, par Federico Sohns, un jeu de rôle de SF sur les souvenirs perdus.

Lire/télécharger Histoire d'Uhia
Lire/télécharger Pour la corniflure 1
Lire/télécharger Pour la corniflure 2

Image
(C) Lucas Roussel


Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).


Le contexte :

Cet après-midi, à 15h30 nous jouerons une incursion dans le monde de rouille avec les mécanismes de Nibiru.
La partie s'insère dans le flux de notre campagne Millevaux, comme un flash forward ou flash-back.
Je jouerai avec Alex et Xavier, Gabrielle et Mathieu étant indisponibles.
A côté de la carte X, une carte pour me signaler que je monopolise la parole.

Image
Alex et Gabrielle

voici le lien vers un document qui regroupe l'ensemble des planches de Le monde de rouille.
Une iconographie plus exhaustive est aussi présente sur la plateforme Artstation de Lucas Roussel.

Présentation de la légende d'Uhia en 25 minutes et 5 minutes réservées au système Nibiru

Image
Alex joue Aloes


L'histoire :

Xavier est pour cette aventure Hellio, Alex est Aloès et je suis La Boue, de jeunes sauvageons des communautés villageoises établies dans les faubourgs de Dédale.
La Boue avise une gigantesque trace de pas d'un abatteux.
La Boue propose de dérober à ces abatteux leur ulith en imprégnant un linge de leurs suées nocturnes.
Le distillat , la corniflure, leur permettrait d'échapper à leur condition peu enviable de va nus pieds affamés, et enter dans la Cité Héroïque, Dédale, au nez et à la barbe des gardes chiourme, forts de l'infusion d'ulith, qui aura altéré leur essence.
Les sauvageons tentent aussitôt de dérober leurs foulards à trois travailleurs qui déjeunent au bord de la rizière.
Aloès se glisse subrepticement parmi eux et soudainement leur hurle aux oreilles.
L'un des travailleurs projette aux cieux pluvieux de floréal sa mesure de riz terrorisé. Le second surpris recule. Profitant de l'effet suscité, Aloès s'empare des foulards. Le troisième assoupi s'éveille alors et retient la main d'Hellio. Puis il le saisit par le col et le secoue violemment.
Tiré par l'oreille Hellio chouine « monsieur tu fais mal ! »
La Boue se glisse par derrière et assène un vigoureux coup de pied dans l'entrejambe de celui qui venait de cueillir Aloès.
-Un bon coup dans les roustons, y a qu'ça d'bon.
Les trois gamins filent alors ventre à terre.
Aloès et La Boue gagnent la forêt, mais moins rapide et essoufflé, Hellio se fait prendre.
Fessée déculottée et zou au pilori !

Image

Les deux copains restent cachés dans le bois tout le jour, puis à presque nuit viennent pour le délivrer.
Aloès tente de forcer le cadenas sans succès, puis va trouver le garde chiourme, Ajoncs, un taiseux de dix ans juché dans l'ombre sur un tabouret, devant le grenier.
.-« Si tu délivre notre copain je ferais ce que tu voudras... Enfin non, enfin presque, tu m'as comprise... »
« Alors baise ma main.. »
Aloès y consent.
Puis le gamin dit qu'il lui en faudra plus. Elle doit lui montrer ses fesses, et après lui coller une taloche pour que tout soupçon soit écarté.
Elle refuse catégoriquement, écœurée par tant de perversité.
Alors La Boue se glisse derrière Ajoncs et lui assène un bon coup de bâton derrière l'oreille.
Le gamin s'écroule.
Il est sonné.
Mais il risque de les dénoncer au réveil. Que faire ? Hellio propose de s'en débarrasser définitivement. Aloès refuse. Il doit oublier. La Boue propose de lui faire bouffer une balle de l'Ante.
Aloès fouille dans le bureau et trouve la boîte à artefacts où les grands remisent les trouvailles des sauvageons arrachés aux ruines en échange d'une double mesure de riz.
Aloès y trouve deux billes de Shrapnel.
En saisissant la seconde, elle est prise de vertige... Elle n'est plus Aloès dans le bureau de l'organisation, mais Ajoncs qui tire sur la pauvre Aneth, qui se refuse à ses tripotages infâmes. Elle s'écroule et dans son dernier souffle sent l'étau de la main de son meurtrier qui s'apprête à disposer de son corps.
Aloès, ressent vivement la douleur de la balle qui vrille son ventre et la main avide qui s'empare de son épaule et le souffle rauque d'Ajoncs.
Mais c'est Aloès dont le sang s'étoile entre ses doigts crispés sur sa chemise.
Avec douleur elle extirpe le crachat d'Ante, et sort du bureau pour régler son compte à ce rat puant d'Ajoncs, Hellio dans son sillage, qui désormais sait les circonstances de la disparition de son amie Aneth.
La Boue propose cependant d'épargner le meurtrier, le vol perpétré, l'élargissement d'Hellio et l'effacement de la mémoire lui offrent des perspectives moins enviables qu'une mort rapide.
Aloès contraint aussitôt Ajoncs à avaler la balle et La Boue l’assomme à nouveau.
Il soigne ensuite, avec de la sève, et moult petits gestes précautionneux son amie Aloès. Puis il soigne pareillement Ajoncs, pour qu'il soit accusé de tout ce chaos.
Plus de sève pour les fesses meurtries de Hellio, le trio quitte le village pour la forêt lesté de trois mesures de riz.

Image

Les sauvageons s'endorment bientôt au cœur de la forêt, trempés, le ventre plein de la mesure de riz volée.
Ils sont réveillés en sursaut par de sinistres craquements.
Ensuqués de sommeil ils peinent à discerner la menace.
Horreur une créature toute en bec et en crocs aigus s'apprête à engloutir le visage d'Aloès qui la repousse avec le bâton de marche d'Hellio.
J'suis pas bonne à manger j'suis malade du dedans !
La créature circonspecte et indécise demande à voir et de ses serres boisées cherche à ouvrir de force la bouche d'Aloès.
Alors Hellio bondit et la chatouille.
Tous trois la chatouillent tant et tant qu'elle demande grâce, s'avoue vaincue et leur demande pitié.
Les trois fuient les lieux à toute jambes sans demander leur reste.

Etc etc etc...

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Contexte de la deuxième partie :

Nous avons joué plus de trois heures.
J'ai mêlé la poésie de le monde de rouille à l'humour potache et grinçant de La jôle de Max Cabanes.

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Dans le bureau


L'histoire, 2ème partie :

Ainsi, après avoir longuement suivi les traces des sorciers géants d'abatteux, ils sont assaillis par des molettes qui hantent la combe. Elles se délectent des cris qu'ils poussent lorsqu'elles leur pincent les fesses, ou des rires qui leur échappent.
Pour finir, les molettes ayant particulièrement moletté La Boue, Aloès affaiblie, car ayant chargé son cœur, se souvient de la présence d'une guérisseuse à l'orée du bois voisin, Sépale.

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Gabrielle joue Nicéphore

Nous avons alors joué une scène très intense et vertigineuse,

Sépale évoque la communauté que maître Tobias a entrepris d'apaiser et que Sépale, la gamine, épouse dans Des voix parmi les arbres.

Sépale demande alors à Aloès de renoncer à sauver la vie de La Boue en prenant sur elle la charge d'un éclat d'obus de l'Ante, renonçant à devenir garde chiourme pour traquer le reflet de Fenouil dans la citée héroïque, le parloir aux absents, pour le faire renoncer à un projet funeste par la force de son amour.

Tuer Sa Pureté, le roi du Royaume éternel ou le Grand Frère, le maître de l'Angkar., l'organisation, les libérateurs.

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Bilan de la deuxième partie :

Je n'ai pas dérushé le témoignage audio, mais d'avance, je sais que sur la force de ce moment, il demeurera muet.
Les yeux embués de larmes, le menton frissonnant eux m'ont dit combien cette scène avait touché Alex.

Xavier était pareillement ému à évoquer ses liens avec la communauté.

Ce mélange des genres peut sembler saugrenu mais il a produit une partie particulièrement riche et agréable. »

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Commentaires de Thomas :

A. Peux-tu nous (re)donner un lien vers Nibiru et nous en (re)dire plus sur le jeu ?

B. « A côté de la carte X, une carte pour me signaler que je monopolise la parole. » : ça c'est vraiment une super idée ? Elle vient de toi ou tu l'as piqué quelque part ? Est-ce que ça été utilisé pendant le jeu ?

C. Qu'est-ce-que c'est une balle de l'Ante ? Quel pouvoir ça a ?

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D. On voit bien que vos expériences du Jardin des Esprits résonnent dans cette partie et je suppose continueront à résonner longtemps encore.

E. En revanche, et c'est sans doute parce que je n'ai pas assez potassé le sujet, je n'ai pas retrouvé l'exotisme du Monde de la Rouille. J'ai le sentiment qu'à mêler beaucoup d'éléments (réminiscences du Jardin des Esprits et de Little Hô Chi Minh Ville, objets mémoriels hérités de la première guerre mondiale, jeu récurrent des gamins crève-la-faim, un système de Nibiru qui a sa propre direction artistique, liée à la mémoire), on dilue un peu tout : qu'en penses-tu ?

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Claude :

A. Nibiru est un jeu de SF sur les souvenirs perdus. Mais pour ma part je me contente de la mécanique, le système Memos, voir le document Nibiru résumé.

B. A l'origine la carte est prévue pour indiquer que l'atmosphère est trop bruyante ou trop confuse. Je l'ai proposée autrement. Je leur ai rappelé à chaque pause, mais elle n'a pas été utilisée. En tout début de partie, quand je présentais la légende d'Uhia, Xavier me regardait avec sourire malicieux en faisant mine d'approcher sa main... Super, je peux te couper la parole ! Mais là partie fut suffisamment dynamique et débridée pour que la carte demeure une ressource rassurante sur leur pouvoir de joueuse, (ceci est un commentaire de fin de partie d'Alex)

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C. Une balle vestige des guerres entre hommes de l’ère moderne, du temps où l'homme disposait de villes et répandait son poison. C'est une balle de l'époque de l'homme urbain, une balle à uranium appauvri, ma lecture de l'histoire d'Uhia.

D. Oui je le pense aussi. La partie jouée avec Alex m'a offert de nouvelles perspectives de jeu qu'elle confirme en proposant d'être l'auteur de la prochaine préparation. Et il a accepté de lire le livre (un effort très significatif pour lui) Son exemplaire bois mort est en cours d'acheminement.

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E. Sans doute, tu as raison. Toutefois, la façon dont Alex et Xavier ont interprété leur recherche de Corniflure selon la légende des Protos et ont spontanément parlé de Dédale ont placé la partie dans l'univers du monde de rouille. L'influence majeure de la partie était l'Uhia, plutôt que Jardins des Esprits. Ce dernier aspect n'est intervenu qu'en toute fin de partie. La première guerre mondiale n'était pas présente. D:ailleurs la première confrontation musclée et étrange était avec un monstre de l'Ulth. Nibiru et sa cosmogonie particulière (Ringworld version Babylonienne) étaient totalement absentes.

Mais ce qui est évident est qu'à mêler ne serait-ce que les registres (survivalisme drôlatique version Dans les villages et la poésie du Monde de rouille), je propose une expérience esthétique un peu confuse.

Je leur ai posé la question en fin de partie : Avez-vous senti des morceaux d'Uhia dedans ? Si la réponse fut formellement positive, d'évidence le rythme un tantinet soutenu et par moment trépidant réduit le temps d'exposition nécessaire à l'émergence de la poésie inhérente au monde de rouille. Dans l'immédiat, et même si je fais l'école à la maison pour cause de phase 2, aujourd'hui jeudi et vendredi, étant bien enrhumé, (coronavirus mais pas Covid 19), je ne pourrai pas mettre à disposition le témoignage audio. Nous avons interrompu la partie non parce que vidés, comme ce peut être le cas avec Jardins des Esprits mais en raison de contraintes horaires, (le carrosse citrouille d'Alex). La volonté d'Alex et Xavier de poursuivre alors que nous aurions pu réaliser une ellipse pour nous rendre directement à Little Hô Chi Minh Ville, nous permettra d'explorer, sous l'angle esthétique, les faubourgs de Dédale et nous imprégner un peu plus de l'atmosphère du monde de rouille.

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Commentaires de Thomas après écoute de l'histoire d'Uhia :

A. J’ai écouté l’histoire d’Uhia, super élocution et mise en musique, on se croirait dans un dessin animé, et pour les joueuses c’est une chouette façon de leur transmettre l’univers

B. « Moi aussi j’en ai eu beaucoup des noms » : super réplique de Xavier

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Commentaires de Thomas après écoute de « Pour la corniflure ! 1 »

A. Intéressant la connexion des PJ avec leurs vies antérieures d’autres PJ, processus récurrent chez toi, qui éclate la notion de campagne, puisque toutes les parties forment un continuum, i.e. avec les rizières, le « tout est lié », le thé noir du souvenir mais ça a les défauts de ses qualités, cela dilue l’exotisme du Monde de Rouille.

B. La balle de l’Ante est un super exemple d’objet mémoriel, en plus ça débouche sur du vertige logique, c’est top.

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C. Ce qui est super fort, c’est de reconvoquer la partie de Jardins des Esprits que Xavier et Alex ont vécu séparément, ils ont donc chacun leurs conclusions sur les révélations que tu fais

D. La plongée dans l’océan noir du sommeil est chouette

E. la description du début de l’épisode, associée à la musique, fait penser au dessin animé La Planète Sauvage

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La balle de Fenouil

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Utlh

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Xavier joue Hellio

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Pikathulhu
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

M⬜M⬜R⬜

Oubliez tout ce que vous saviez sur le passé.

Les premières pages d'un roman psychométrique qui ne verra jamais vu le jour, motorisé par Inflorenza.


(temps de lecture : 21 min)

Joué / écrit en solitaire en 2013

Le jeu : Inflorenza, héroïsme, martyre et décadence dans l’enfer forestier de Millevaux

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MEDEA Malmö, CC-BY


Le contexte :

À l'occasion du développement d'Inflorenza, j'ai eu l'intuition que ce jeu de rôle serait un bon moteur pour écrire un roman. Cela tombait bien, j'avais justement une idée de roman de SF contemporaine où les personnages principaux seraient des psychométriciens, autrement dit des personnes capables d'accéder à la mémoire des objets par le toucher (l'effleurement) voire à entrer dans le monde mémoriel contenu dans l'objet (par le toucher). Ces déplacements dans des mondes mémoriels (à l'intérieur desquels on pouvait aussi trouver des objets mémoriels dans lesquels pénétrer, ce qui créait un effet de mondes gigognes à l'infini) pouvaient créer des transformations physiques et identitaires chez les personnages, si bien que j'avais déjà prévu à l'avance que trois des personnages n'étaient en fait que le même à des étapes différentes de leur voyage, ceci pour échapper à une dangereuse psychométricienne affiliée aux Khmers Rouges. Le quatrième, le truculent Martin, inspiré du sculpteur Étienne-Martin, pratique la psychométrie pour son art. Vivant dans une vieille maison remplie d'histoire, il revêt un costume de chamane pour entrer dans des mondes mémoriels profonds et préhistoriques, et ces sculptures ne sont que des reproductions des inquiétants mégalithes qu'il y découvre. Ses voyages profonds mettent en péril la notion même de réalité.

Le titre du livre, M⬜M⬜R⬜ est une référence au jeu de Mémory, notamment parce que je voulais mettre en place une sorte de duel entre un personnage et la tyrannique psychométricienne utilisant ce jeu.

Ce roman est loin d'être mon premier projet associé au jeu de rôle, puisque ma première trilogie de fantasy, inédite à ce jour, était également inspirée d'une campagne de Warhammer Quest que j'avais écrite et faite jouer dans les années 97 à 99. J'avais aussi beaucoup de notes associées à plusieurs campagnes en présentiel et en ligne de L'Appel de Cthulhu jouées dans les années 2000 à 2002 et que je ne désespérais pas d'adapter en cycle romanesque. Vous avez également pu me voir récemment écrire un roman-feuilleton entier, Dans le mufle des Vosges, en utilisant des jeux de rôles Millevaux, roman auquel j'apporterai la dernière patte cette année scolaire et en général, vous connaissez ma marotte d'associer jeu de rôle et écriture littéraire, via cet article : Le jeu de rôle, un outil pour l’écriture de roman. Ceci me renvoie également, à l'exercice inverse, qui consiste à exorciser un projet avorté de roman en lui donnant une vie via une partie de jeu de rôle : voir La Gravité, également joué avec Inflorenza.

Au final, bien que l'emploi d'Inflorenza était intéressant pour écrire un roman en mode impro, la rédaction n'a pas dépassé quelques pages avant que je me décourage. Je pense que je n'étais pas prêt pour me relancer dans un roman (surtout que celui-ci aurait nécessité quelques recherches sur les cultures mongoles et cambodgiennes ainsi que sur la maladie d'Alzheimer), et depuis Millevaux a totalement pris la priorité sur mes autres univers imaginaires.

J'ai d'ailleurs tenté d'adapter le principe de la psychométrie exposée dans M⬜M⬜R⬜ via un théâtre Millevaux pour Inflorenza. Je l'ai fait jouer une fois à Octogones, mais le résultat n'était pas à la hauteur de mes attentes. Nous avons joué sans MJ, je n'étais que facilitateur et n'incarnais pas de personnages, et les joueuses n'ont guère eu recours à la psychométrie, se concentrant sur d'autres aspects d'Inflorenza. Le principe de réalités gigognes et de souvenirs interactifs a également beaucoup influencé ma vision du vertige logique.

L'univers de M⬜M⬜R⬜ n'est donc voué qu'à être un fantasme, et c'est très bien ainsi. Il en reste ces quelques pages, que j'aurais dû vous faire découvrir depuis longtemps.

P.S. : les prénoms cambodgiens et mongoliens sont tout à fait fantaisistes, j'attendais de faire de plus amples recherches pour les changer.


L'histoire :

Leïla

« Où est-ce que je suis ? »

*
**

Martin

Retour à la Demeure.
Les rideaux tendus sur les fenêtres filtrent la lumière avec gourmandise.
Mal au crâne.
C'est le salon noble. Un salon pour les conversations, pour les humeurs, pour le désordre. Odeur de tabac froid, pourtant pas désagréable. Essences rares. Arômes. Divans capitonnés, tissu gaufré, élimé. Motifs de la Tapisserie de l'Apocalypse. On sent les reliefs quand on passe les doigts.
Table basse, un seul pied. Un dragon patiné sous le verre. Alcools.
Tintements des amis qui ne sont pas venus depuis longtemps.
C'est aussi le salon où battre en retraite.
Canapé ouvert en deux comme un poisson.
Masse.
Grognement.
Sur les étagères, solides, des bustes de pierre blanche.
Les plus grosses pièces, les plus intrigantes, sont ailleurs.
Déjà celles-ci accrochent le regard.
Visages d'une masse, grecs.
Les coups de burin sont laissés apparents.
On les entend encore.

Plus loin dans la demeure, bruisse un rideau de perles.
Parfum.
Quelqu'un entre...

*
**

Linh

L'odeur du foin séché qu'elle froissait dans sa main, parlait de la steppe.
Il n'y avait pas de réchaud dans la yourte.
Elle insistait pour allumer le feu sans artifice.
Juste le foin et deux tiges de bois.
Enfin, la première étincelle. Un minuscule soleil capturé dans la chaleur du foin. Puis ses rayons noirs, la fumée, et enfin la flamme.

Devant cette première flamme, elle s'émerveille toujours puis l'instant d'après quand le feu n'est encore qu'une toute petite braise circulaire, elle a toujours un geste de recul !
Elle se touche le bras. Et se rappelle la terreur.

*
**

Seun

Chaleur.
Après-midi.
Seun s'est rendormi
sur le lit, la moustiquaire étendue sur lui.
Avec négligence.

Son dos est nu.
Passer les doigts sur ses omoplates, doucement, très doucement pour ne pas le réveiller, la pulpe des doigts se pose à peine sur sa peau, en fait elle ne la touche que par ses poils microscopiques, que par les sommités de chair de poule
quand la brise passe.

Soudain s'apercevoir que la respiration de Seun a changé. Comme si elle n'avait pas tout à fait les mêmes harmoniques qu'au début.

*
**

Leïla

« Où est-ce que je suis ?
Pourquoi il fait noir ?
Pourquoi il fait froid ?

Qui... Qui est-ce que je suis ? »

*
**

Martin

Louise entre dans le salon noble.
Un autre grognement l'accueille.
Elle n'en fit pas cas et s'avança vers les fenêtres.

Sans pour autant prendre de précaution, elle se déplace en silence.

Elle rajuste son châle en laine. Quelque chose est resté ouvert quelque part dans la Demeure, il y a un courant d'air.
Elle ouvre les rideaux d'un coup sec.
C'est une lumière crue qui inonde sa silhouette.

« Ferme. », grogne-t-il dans son canapé.
« Tu en as encore fait de belles cette nuit.
- Juste... travaillé.
- S'il te plaît, ne me raconte pas ça à moi.
- Regarde... les bouteilles... Je suis resté là.
- Un jour, tu me diras à quoi ça te mène ?
- On a déjà eu cette discussion. J'ai mal au crâne. »

Sa voix se réveille. Éraillée, bourrue. Voix d'ours, voix d'hibernation.

« Tu as raison. Je me fais moi-même de la peine à te demander. Aide-moi plutôt à te relever. »

Elle se pencha sur lui. Tira sur sa masse.
Il entendit son corps frêle ployée.
Encore une fois, il avait éludé le problème. Encore une fois, il savait qu'il lui avait fait du mal.

*
**

Linh

Le feu a appris à brûler tout seul maintenant.
Linh sort un instant de la yourte, elle n'aime pas les premières fumées, âcres, envahissantes.
Montagnes.
Un horizon qui a tant de choses à dire et prendra tout le temps qu'il lui faut pour cela.

Yourtes.
Tintements du maréchal ferrant.
Hommes qui rient.
Vapeurs des haleines.

Cendre, son cheval, vient à elle
chercher une chaleur,
une caresse,
un mot à l'oreille.

Il n'est jamais sellé ou attaché.

Linh hésite. Finalement, elle place la paume de sa main droite sur le cou de Cendre.
Son pouce porte une cicatrice rose.
L'ongle de son annulaire est noir.
Deux de ses phalanges sont cassées.
Elle pose son index sur une veine du cou
de Cendre, elle capte son rythme cardiaque.
Elle ressent.
La cavalcade.
Chaque sabot de Cendre qui frappe la steppe, avec amour et douleur. Le souffle de la terre qui remonte. Le paysage qui court vers sa fin.

*
**

Seun

Seun est tellement sensible, un rien l'éveille.
Bambou qui craque,
un moustique qui raconte une histoire,
un dormeur qui vacille dans son hamac.

Ici tout le monde vit à pas feutrés pour respecter son sommeil.
Est-ce une main trop aventureuse ou un bouillon qui frémit trop fort dans la cuisine ?
Seun se retourne. Il soupire.

Il fait grand jour, la fenêtre donne sur la végétation.
Ses yeux acceptent juste un trait de lumière fin comme du papier.

Contempler l'agacement de son visage.
L'infime duvet blond de sa lèvre.
Pincer ses lèvres entre ses propres dents
avec le sentiment confus que les choses ne seront jamais aussi douces.

Seun entend des bruits de pas. On ne sait pas si c'est un singe ou un homme.
Il dit :
Et ses mots sont durs à mâcher, un petit déjeuner confus. Son asthme revient.
« Tu n'aurais pas dû venir.
- Écoute. Tu ne crois pas qu'il est temps que tu me présentes ?
- Non. Pas aujourd'hui. Je suis trop bien. Pas envie.
- S'il te plaît. Pour moi. »

Seun lui caresse le visage pour lui montrer qu'il est angoissé mais pas fâché.

Des petits pas curieux.
« Seun, tu parles à quelqu'un ? »

Nât, la mère de Seun, rentre dans la chambre.
Elle est vraiment petite parce qu'elle porte toute la maison sur son dos. Elle porte aussi le thé très sucré du matin et les fruits, qui un à un, furent roulés dans la farine, frits dans l'huile avec les vapeurs et les odeurs dans le silence et les bruits minuscules qui n'appartiennent qu'à ceux qui se lèvent tôt.

Elle lâche le plateau.
Les fruits rebondissent sur le plancher de bambou. Le bol tombe, le thé brûle les jambes.
« Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous faites ici ? »

Seun n'était plus là.

*
**

Leïla

Saint-Denis.
Barres d'immeubles et grisailles. Klaxons. Rumeurs du marché hallal.
C'est une maison de retraite vétuste.
De petites mosaïques au sol des couloirs. Il manque toujours des carreaux. Il y a cette odeur des personnes âgées et il y a celle du jasmin. Il y a cette lenteur qu'on ne se permet plus nulle part ailleurs. Il y a aussi cette souffrance qui ne demande plus pardon.

Et les voix qui causent toutes seules.

Safiatou l'infirmière rentre dans la chambre de Leïla. Elle a toujours une hésitation car c'est une chambre sans souvenir. Il n'y a ni cadres ni fleurs ni magazines.
Personne ne vient rendre visite à Leïla. Elle est dans son fauteuil roulant en chandail.
Son visage écrit les histoires qui ne sont pas dans la pièce. Leïla est très âgée mais on ne sait pas combien exactement car elle n'a pas d'état civil. Elle n'a pas de nom de famille. Elle a juste ses yeux gris avec des départs de feu à l'intérieur et elle regarde le mur.

Safiatou hésite. Elle pourrait repartir de cette chambre et la laisser.
Tous les pensionnaires lui font un peu peur.
Leïla ne fait surtout pas exception.
Mais elle n'est pas ici pour longtemps. Elle a encore assez d'amour dans le cœur pour bien s'occuper d'eux sans rien demander en retour.

Alors elle parle avec une voix forte qui lui fait vibrer les lèvres, qui lui donne une présence, une voix qui peut ramener à la vie,
qui pourrait presque ramener à la raison.

« Bonjour Madame Leïla, vous avez bien dormi ? »

Silence grelottant.

« Je vous amène voir vos camarades dans la grande salle ! »

Elle prend les poignées de la chaise roulante et manœuvre. Elle n'a pas regardé Leïla dans les yeux. La prochaine fois, elle sera plus courageuse.

« Pourquoi il faisait tout noir ? Où est-ce que j'étais ? »

*
**

Martin

« C'est toujours en désordre ici.
- Non. Les choses sont dans l'ordre qu'elles ont choisi. »

Avec force soupirs,
Martin fouille sous le canapé en guise de démonstration.
Il en sort une agate et la place devant son œil.
« Crois-tu qu'une bille soit à sa place ailleurs que sous un meuble ? »

Il l'offre à Leïla. Il prend ses doigts frêles, il s'attarde avec ses gros doigts de sculpteurs sur la petite boule de graisse des premières phalanges. Il parcourt aussi la ligne de vie dans la paume de Louise. Il y fait rouler l’agate.
« Regarde. C'est une planète à elle toute seule. Regarde la voilure à l'intérieur. Je ne suis pas assez gros pour lui dicter sa place dans l'univers. »

Louise sourit. Martin gagne toujours. Froissement à la commissure de ses lèvres, comme des draps.
Les yeux de Louise sont aussi des agates.
Bleus, avec une voilure à l'intérieur.

« Suis-moi ».

Louise rajuste son châle. Il fait trop froid dans la Demeure.
Martin s'ébranle. Ogre. Visage rond.
Sourcils noirs. Barbe noire.
Un ventre, une générosité.
Un homme toute en poigne.

Il guide Louise
traverse des couloirs
bute sur des choses.
Des portes et des portes
escaliers, échafaudages,
travaux perpétuels.

L'atelier n'a plus de porte. Juste deux panneaux de contreplaqué où Martin a pris des notes au marqueur.
Il les enlève avec la précaution de savoir qu'il s'agit d'une œuvre d'art.

Quand il fait ça, Louise a un soupir.
Elle sait que l'atelier est sacré.
Martin n'a pas d'amis mais il a bien des camarades.
Tous peuvent arpenter sa Demeure,
aucun n'est autorisé à rentrer dans l'atelier.
C'est la seule tendresse que Martin accorde à Louise mais elle a du poids.

L'atelier c'est déjà un monde à lui tout seul.
Chaque morceau de pierre, chaque étau,
chaque étagère, chaque poussière a un rôle à jouer.
Il faudrait tout un livre pour en faire un premier tour.

Au milieu du chaos,
une forme, soutenue par des palans.
Un grand drap blanc la cache.
Martin prend la main de Louise, juste pour les ongles. Il lui donne une extrémité du drap.

« Tire. »

*
**

Linh

« C'est vraiment une belle... »
Linh fait volte-face. Qui-vive.
« Qu'est-ce qui est belle ?
- Une belle... Une belle jument. Une belle journée aussi. »

Hao était l'un des meilleurs cavaliers du clan.
ça ne l'empêche pas d'être timide.
Fourrures. Senteurs de buffle et de cheval.
Moustache très fine. Barbe noire de vent.
Au coin des yeux, les rides de ceux qui ont attendu trop longtemps. Il cache quelque chose dans ses gants.
Linh frémit. Elle n'avait pas prévu de s'attarder dehors. Le froid l'apprivoise.
Ses cheveux courts se dressent sur son crâne.
Une veine violette sous son œil palpite.
Ses joues sont creuses. Ses yeux, vastes, enclos dans des paupières lourdes.

« C'est ton anniversaire, Linh.
- Comment le sais-tu ?
- Tu me l'as dit le jour de ton arrivée. »

Hao a une balafre qui lui court le long du visage. Une route blanche. Un combat avec un loup qui a failli lui coûter un œil et qui lui a valu le respect du clan.
Hao a du courage contre les loups mais pas pour les anniversaires.
Il tend son cadeau comme pour s'en débarrasser au plus vite.
« C'est un transistor. Tu peux écouter la radio ! »
Linh le repousse d'un geste, sans toucher le cadeau.
« Non. »
Hao retend les bras. « Prends »
« Non ! »
« Si, prends ! »
« Non ! »

Hao tire l'antenne, il pousse un bouton.
C'est un petit poste noir. Il est d'occasion, il ne vaut rien, mais il lui a sans doute coûté cher.
Des voix crachotent. Chants traditionnels aigrelets.
« Écoute ! On capte Oulan-Bator ! »
D'un seul geste, Linh lui fait comprendre qu'il a perdu ce combat. Elle lui montre l'intérieur de sa yourte.

« Tu sais combien une personne possède d'objets en Occident ?
- Non.
- Deux mille.
- Ils doivent voir beaucoup de chance.
- Tu sais pourquoi je suis venue en Mongolie vivre parmi vous ?
- Non.
- Ici, il y a moins de quatre-vingt objets par personne. »

*
**

Seun

Nât ne sait plus si c'est la douleur ou la surprise qui l'ébouillante.

En face d'elle une personne
inconnue
entièrement nue
une peau pâle avec en rayures rouges
la marque des sous-vêtements
les entrailles ensanglantées par la tasse
moins jeune que Seun
et moins mature à la fois
de grands yeux étonnés
le corps au repos.

L'amant et la mère de Seun
eurent tous deux la même idée au même moment
pour sauver la face.
Ils se précipitèrent à genoux.

Excusez-moi
Excusez-moi
Confusément ils se ruent sur les débris de tasse
et les fruits pour les ramasser avant l'autre,
se blessent aux arêtes de terre cuite,
entremêlent leurs mains,
les retirent aussitôt.
Ballet de l’embarras.

« Je m'appelle Laak...
Je suis vraiment désolé.
Seun devrait être là.
- C'est... C'est moi qui suis confuse...
Je ne savais pas qu'il avait... invité quelqu'un.
Et s'il a disparu...
Vous savez...
Il fait ça tout le temps ! »

*
**

Leïla

« Il y a des morceaux de carrelage qui sont déboîtés.
- Oui Madame, vous me l'avez déjà dit il y a deux secondes.
- Il y a des morceaux de carrelage qui sont déboîtés. »

Safiatou respire. Elles sont arrivées à la grande salle.
Inertie du fauteuil roulant pesant sur les bras. Radotage de Leïla, d'abord comme une musique... Ensuite comme une torture.

Dans la grande salle, c'est un grand globe de verre qui dispense l'éclairage principal. Cimetière de mouches mortes à l'intérieur.

Aux murs, portraits scrapbookés des anciens. Exposés des anciennes sorties et animations.
« Nous sommes allés au jardin public. »
« Nous sommes allés à la rencontre des enfants. »
Ce ne sont jamais les anciens qui racontent.

Ils sont en rond.
Peaux tachetées
parchemins
doigts qui pianotent
cannes vernies
lunettes au foyer éteint
fleurs
odeurs corporelles
une bouche tremble
quelque chose dans l'ambiance
qui a un très grand âge
une grande responsabilité
et l'impossibilité
de la transmettre

« Je vous laisse avec vos amis, Madame Leïla, je repasse pour dix-huit heures. »
Au milieu d'eux, un jeune, un nouveau.
« Je m'appelle Marc,
je suis art thérapeute. »
Il ne hausse pas encore la voix. Manque d'expérience.

Leïla lui est reconnaissante de ne pas se battre pour son attention.
Elle ignore encore à quel point il va bouleverser sa vie. A moins qu'elle ait déjà oublié.

*
**

Martin

Louise s'attarde sur les formes qu'elle devine sous le drap.
Excroissances.
Invagination.
Roc.
Elle en savait déjà assez. Elle connaissait déjà l'histoire.
Une histoire de plusieurs tonnes.

« Pas la peine. »
Louise retire sa main.

Martin a un vaste sourire ;
un enfant qu'on déçoit.
Louise fouille dans la barbe de Martin.
Dure, effilochée, plâtreuse.
Promenade dans les broussailles.

« Je vais plutôt t'arranger ça. »

*
**

Linh

Hao fait l'inventaire des possessions de Linh. Une manière de profiter de l'intimité qu'elle lui accorde pour un instant encore.
Il examine un couteau à cuir. Reflet de ses yeux.
Il teste la lame sur son bras.
boule de sang
« Pourtant, tu as connu une vie avec plus de possessions. ça ne te manque jamais ? »
Linh lui reprend le couteau.
« J'ai été entourée d'objets. Ils m'ont fait plus de mal que de bien. »

Halo la regarde. Elle est maigre.
Il veut toucher sa taille. Compte ses côtes.
« Et les personnes aussi.
- Tous les objets et toutes les personnes ne sont pas mauvaises, Linh.
- Non. Mais c'est ce qu'on y dépose, à la longue. »
Ses joues sont creuses. Des vals.
Sur sa lèvre inférieure, une tuméfaction violette.
Ses gestes, une souffrance d'être vivant.

« Hao.
Il est temps de partir à la chasse. »

*
**

Seun

« Seun. »
Nât a laissé les fruits et s'est éclipsée.
Haak enfile un sous-vêtement blanc.
Chaleur du tissu.
Chaleur de son corps en pensant à Seun.

Grignotage.
Seun mange un fruit.
Garçon fin, balancé sur le rebords de la fenêtre.
Le sourire d'un singe qui a fait une farce
et s'en tire à bon compte.

« Ou étais-tu passé ?
- J'étais à l'endroit où on s'est rencontré.
- Avec les flamands roses ? Ne sois pas ridicule. C'était juste avant la mousson. »

*
**

Leïla

« Ce sont les doyennes de l'établissement. Public difficile. Agnès est aveugle depuis six mois. Marie-Ange ne parle plus. On n'arrive plus à les intéresser. »
La directrice de la maison de retraite briefe Marc.
Vernis à ongles rouge.
Une fiche bristol par pensionnaire.

Marc se place au milieu d'elles, sur un tabouret jaune.
Lunettes à monture d'écaille.

Il tente d'amorcer une conversation.
« Parlez-moi de votre jeunesse. »
Les vieilles ne décrochent pas un mot.
Elles sont ailleurs.
Marc insiste auprès de Leïla.
« Leïla était une sans-abri. On n'a pas son identité.
Elle a la maladie d'Alzheimer.
C'est très difficile d'amorcer un lien avec elle. Elle ne fait plus aucun progrès depuis longtemps. »
Marc essaye d'autres sujets de conversation.
Échec.
Il repart chercher du matériel.
Il revient avec des feuilles.
Crayons gras, au parfum comestible.
Couleurs vives.
Il installe des petites tables en formica devant chaque doyenne.
Il pose les crayons.
Il pousse l'audace jusqu'à en placer un dans la main de Leïla.

« Dessinez la maison de votre enfance. »

*
**

Martin

Une des salles de bain de la Demeure.
Baignoire blanche avec des pattes.
Robinets avec boutons anciens en croix, à sommités de nacre.
Carrelage. Une dalle est descellée.
Plâtre. Dans la Demeure, la sculpture s'invite partout.
Un miroir au verre défraîchi. Territoires de plaques noires sans reflets.

Une ampoule pend au-dessus du lavabo.
Fils électriques torsadés,
une cordelette pour allumer.
Martin assis, la tête penchée en arrière,
confiant.
Sa respiration,
un volcan qui sommeille.
Ventre en mouvement.

Louise appuie le blaireau dans le bol de mousse.
Elle peint le cou de Martin.
Pomme d'Adam qui glisse.
Rituel.
Un endroit pour chaque chose.
La ceinture est fixée au lavabo par un anneau doré. Cuir usé. Reliefs.
Louise passe la lame du coupe-chou sur la ceinture.
Allers.
Et retours.
« J'adore ce bruit. », dit Martin.
Voix apaisée.
Juste un peu aux aguets.

Louise appuie sur le front du sculpteur, fait rouler des vagues de peau. Sa tête n'est pas assez penchée à son goût.
Martin se tasse dans son siège.
Un géant aux ambitions de souris.
Éclat.
Premier passage de la lame sur la peau.
Juste en superficie.
Le soulagement de la nouvelle barbe en allée,
celle qui grattait.
Micro-coupures qui réveillent le sang.
Plaisir dans l’œil de Martin.
Plaisir aristocratique de prendre son temps.
Louise continue, avec des gestes aussi doux
qu'elle est agacée par les caprices de Martin.
Ciseaux. Tailler la barbe.
Domestiquer la fougue, certains feux
on ne peut plus les éteindre,
à peine les dompter.
« Demain, j'y retournerai, Louise.
J'aurai besoin de ton aide
pour enfiler le Costume. »

*
**

Linh

Linh empoigne son arc.
Arc nu, juste le bois et ses striures.

REPORTE
Il a appartenu à un ancien du clan et porte en lui des flashs des nuits de chasse terribles.
Fauves.
Linh le porte du bout des doigts. L'empreinte de l'ancien est forte, elle prend le temps qu'il faut pour l'ignorer.

Linh est la seule femme du clan autorisée à chasser. Un privilège qu'elle a obtenu en tant qu'étrangère. Et pour avoir osé utiliser l'arc de l'ancien, et retrouvé une posture très particulière que l'ancien avait inventée mais n'avait pas eu le temps d'enseigner.
REPORTE

Elle l'aime parce qu'il n'y a aucune mauvaise surprise à son contact. D'ailleurs elle défendait à quiconque de l'utiliser.

Hao et Linh sont les derniers à rejoindre les cavaliers. A leur tête, raccordant la troupe à la steppe, le chef de la tribu, Qwo.
Les rides de son visage, un parcours initiatique.
Ses yeux des secrets bien gardés.

Il ne dit rien, laisse d'abord le vent parler à sa place. Claquer dans sa pelisse et sa chapka, étendre sa barbiche et la crinière de son cheval.
A son dos, il porte son arc, un arc moderne avec un viseur.
Et aussi un arc en bois, l'arc de l'ancêtre. Il n'est là que pour l'apparat.

« Linh.
Pourquoi n'es-tu pas restée travailler les peaux ?
- Elle...
- Hao, ne prends pas ma défense. Chef, ma part de travail est faite. Je veux chevaucher à vos côtés comme les autres fois.
- Tu sais bien que tu ne nous seras pas utile, puisque nous partons chasser.
- Je sais mener Cendre au galop aussi bien qu'un homme. Je ne vous retarderai pas. Tu le sais, chef, et tu m'as déjà autorisée à vous accompagner.
- Oui, parce que tu me l'as demandé avec insistance et que j'ai accepté pour que tu puisse voir nos coutumes.
Maintenant, j'estime que tu en as assez vu.
- ça ne serait pas superflu si vous me laissiez chasser avec vous.
- Nous avons déjà eu cette discussion. Tu ne peux pas chasser puisque tu ne sais pas tirer.
- C'était à l'époque. Depuis, tu as pu voir que j'ai fabriqué mon arc de mes mains. Tu m'as aussi vu m'entraîner. Je suis une bonne tireuse.
- Notre troupe n'a pas besoin d'un bon tireur de plus. Nous avons seulement besoin d'un tireur d'élite.
- Je peux le devenir si vous m'acceptez. Tu m'interdis de chasser parce que je suis une femme.
- Écoute. Je suis le chef et mon rôle, c'est de prendre les meilleures décisions pour la tribu. Je dois beaucoup réfléchir avant de prendre chaque décision et je ne dois pas revenir dessus. Ne crois pas que je te refuse le droit de chasser parce que tu es une femme. Je peux être ouvert d'esprit moi aussi. Seulement tu sais tanner et cuisiner et cela définit ton rôle au sein de la tribu. Ce sont des taches simples mais elles sont nobles et indispensables. Les garçons se sont entraîné toute leur vie pour être les meilleurs tireurs. Si je t'autorisais à te servir de ton arc, ça ne serait pas juste pour eux.
- Chef, je te demande juste de me laisser une dernière chance. J'en appelle à ta sagesse. Tu sais que je connais les steppes aussi bien que vous. Tu sais que Cendre et moi, nous nous connaissons si bien que je n'ai de leçon à recevoir de personne sur ce cheval.
Tu sais aussi que je le demande uniquement par amour de la tribu. Par gratitude. Je ne demande rien en échange.
- C'est vrai, intervient Hao en brandissant le transistor. Linh n'est pas motivée par la récompense. »

Les chasseurs rient. Ils n'ignorent pas les sentiments d'Hao. C'est aussi l'occasion de dédramatiser. Ce sont des chasseurs, pas des guerriers. Ils n'aiment pas les conflits. Ils ont de la compassion pour Linh et l'auraient volontiers acceptée parmi eux si le chef n'avait pas raison.

« Entendu, fit le chef. Tu peux nous accompagner une dernière fois. Je te l'accorde puisque je ne t'avais pas prévenue à l'avance. Mais à une seule condition... »

*
**

Seun

Seun revient dans la chambre? Il sourit comme s'il mijotait un nouveau mauvais coup. Il se colle derrière Haak et lui passe sa main sur le ventre. Il explore son nombril avec un doigt, il lui mord l'oreille. S'attarder sur le contact entre les deux joues.
« Habille-toi. Mais pas trop vite.
Puisqu'on s'est fait surprendre... Je vais te montrer quelque chose dans la maison. »

Ils s'aventurent à pas feutrés. Le contact complice des pieds nus sur les bambous du plancher. Tout est sombre dans la maison. Stores et portiques baissés.
Il n'y a plus personne. Comme si toute la famille s'était cachée. Haak perd de petites gouttes de sang, le sol les boit aussitôt.

Ils arrivent à une croisement de couloirs qui est le centre de gravité de la maison.
En face d'eux, un autel funéraire.
Fumée des bâtonnets d'encens, yeux jaunes des bougies, mais rouges des fleurs. Des médailles, des actes d'état-civil, des cartes postales.
Le portrait en noir et blanc du défunt, un homme sévère, des rides comme un aigle déployé sur son visage,
une casquette militaire, du blanc dans les sourcils et la barbiche.
Un sourire au coin des lèvres, transporté en douce.

Seun redresse une bougie, époussette le cendre d'un bâton d'encens.
« C'est mon arrière grand-père.
- Seun... Je pensais que tu avais plein de choses captivantes à me montrer dans ta maison.
Pourquoi tu me montres ça ? »

*
**

Leïla

Alors la magie opère.
Les petites vieilles et les petits vieux s'appliquent sur leurs feuilles. les crayons gras tremblent comme des roseaux dans leurs doigts mais elles tiennent bon.
Des maisons apparaissent, des cheminées dessinées à la perpendiculaire des toits avec leur nuage de fumée. Et souvent, quelques détails en plus. Les tuiles du toit, des écailles de poisson. Un arbre à tête de légume. Un puits comme une cheminée. Un homme tout en arêtes.
Ça prend d'abord un temps infini, puis ça prend une assurance inespérée, de ces mains qui la plupart du temps n'avaient pas dessiné depuis l'école primaire.
Les petits vieux se tendent les dessins. Il sourit.
Une première anecdote affleure à la surface.
Ils s'expliquent qui est cet homme,
ce qu'on avait trouvé dans le puits,
qui était tombé du toit,
de quelles passions l'arbre avait été complice.
Ils rient,
de ces rires cassés et trop rares
qui sont la seule récompense qu'on puisse espérer d'eux.

Marc jubile. Il n'y croyait pas au départ.
Alors, enhardi, il s'intéresse à Leïla.
Il lui prend la main.
Une souche aux ramures mortes.
« Leïla, vous voulez bien dessiner la maison de votre enfance ?
- J'ai la maladie d'Alzheimer. »
C'est une phrase magique pour qu'on lui fiche la paix.
« Je vous en prie, essayez. Dessinez une maison. »
Il lui glisse un crayon dans la main.
Alors Leïla abdique. Elle a l'air de se concentrer.
Elle ferme les yeux et elle dessine à même la paume de sa main,
puis elle montre sa paume à Marc.

Elle a commencé par appuyer sur les lignes de sa main avec le crayon brun
puis elle a complété par une série de traits.
C'est une maison biscornue, sans carreaux aux fenêtres, sans cheminée. Le mur est composé de rayures verticales.
« Une maison en bois ?
C'est la maison de votre enfance ? »

Marc cligne des yeux.
Leïla déplace son fauteuil vers la porte de sortie, signe qu'elle veut aller au réfectoire.
On dirait qu'elle n'a pas entendu la question.
Comme si l'espace d'un instant,
elle avait été absente.

*
**

Martin

La salle du Costume est à l'étage.
Murs. Plâtre blanc. Fissures des mains griffues. Ornements de stuc au plafond.
Interrupteurs en ferraille, avec la petite manette qui fait ce bruit nostalgique quand on la pousse.
Deux grands vitraux ébréchés peuplent ce territoire de lumière.

C'est par le désordre que la Demeure sait dédier une pièce à chaque objet majeur de la vie de Martin.
Dans la Salle du Costume, ce sont des bottes avachies par terre, un atelier de ferronnerie avec son étau à manivelle,
des cuirs en attente du ciseau.
Et puis toujours des sculptures.
Têtes de golems grotesques, énigmes de pierre, bouches.

Au dehors, pépillements d'oiseaux, branches d'arbres sous le vent.

Au centre, soutenu par un solide assemblage de métal, le Costume.

Robe de chamane, mosaïque de fourrure inuit,
ceinture de chaîne et anneaux de fer
en contrepoids, le Costume semble venu
d'un autre temps, à la fois très ancien
et post-industriel. Lanières et cordes.
Surfaces et textures. Épaulettes et gris-gris.

Louise contemple la masse pachydermique de la combinaison.
« J'aurais voulu que tu ne l'enfile plus jamais, Martin. »
Martin lui empoigne le bras. Douce fermeté.
« C'est la dernière fois. Je m'en sers pour une dernière sculpture,
et ce sera terminé.
- Comment je pourrais croire un vieil ours menteur comme toi ? ».
Il lui essuya les yeux
avec ses deux gros doigts de sculpteur.
« Parce que je ne veux plus avoir à sécher tes larmes.
Tu sais que mon art, c'est toute ma vie.
Dès que je ferme les yeux,
j'entends la voix du burin.
Mais le fais surtout pour toi,
plus que pour quiconque.
Tu sais, il y a des statues
que je ne montre qu'à toi seule.
Alors si tu n'es pas d'accord pour le Costume,

je trouverai un autre moyen.
Tu es la seule
en qui j'ai confiance
pour m'assister lorsque je pars en Costume.
Alors je t'en supplie
aide-moi à l'enfiler une dernière fois
et ensuite je répondrai à toutes tes questions.

- D'accord, espèce d'escroc.
Mais sache qu'après ça, je te refuserai tout. »


Notes :

Un personnage avec la maladie d'Alzheimer essaie de se souvenir.

Des psychomètres remontent depuis le passé pour effacer toutes traces de leur exaction, notamment une psychomètre qui fut le bras droit de Pol Pot.

Des monstres remontent traquer Martin.

La fille de Mongolie supprime les objets pour se prémunir de ses traqueurs.

Un homme qui discute avec son meilleur ami par memory interposé et ne va plus le voir.

Possibilité de ramener une personne du passé (si c'est un psychomètre inversé ? Si on détruit les preuves de sa mort ?)

Et si les quatre psychomètres étaient la même personne ?

Épisode école, trousse anti-sèche, passer au tableau, effleurer la maîtresse pour avoir les réponses

Cambodge, autel votif, génocide, musée du Génocide, Wikileaks

Martin, va chercher dans les couches du passé des sculptures de la préhistoire.

En Mongolie, on a 80 objets par personnes plutôt que 1000 objets en Occident.

Comment interagir avec les gens du passé ?

Toujours se demander comment la psychométrie gagne sa vie.

Couches de passé.

Pourquoi ne cherches tu pas la vérité dans les livres ? - il y a tout dans les livres, sauf la vérité.

La mémoire de l'eau

En sculpture moderne ce sont toujours les calcaires car (relativement) tendres et avec de bon contrastes et couleurs et plus aucune sculpture moderne ne s'envisage vraiment sans une mixité des matériau: bois, verre, acier (cortène), etc.

La mémoire je m'en suis trop servie, du coup je l'ai perdue

Costume de Martin avec des poils et des cloches

Un diamant fait avec les cendres d'un mort

Et si le monde original n'était en fait qu'une étape ? (cad qu'il était lui aussi un souvenir et non pas le monde réel ?)

Chaque voyage implique une transformation corporelle, comme dans un faux souvenir, Martin semble indemnisé mais en fait il développe un cancer


Tableau des thèmes d'Inflorenza adapté à l'univers de M⬜M⬜R⬜ :

1 Toucher
2 M⬜M⬜R⬜
3 Métamorphose
4 Effleurer
5 Amour
6 Sensualité


Feuilles de personnage :

Leïla
+ Où est-ce que je suis ?
+ Pourquoi il fait noir ?
+ Qui est-ce que je suis ?
+ L'infirmière a encore assez de compassion pour s'occuper de moi.
+ (barré) Elle ne veut pas me dire où j'étais.
+ « Dessinez la maison de votre enfance ».

Martin
+ On entend encore le coup du burin.
+ Rideau de perles. Quelqu'un entre.
+ Ma voix bourrue dissuade Louise de poser des questions.
+ Louise je lui fais du mal.
+ Je donne à Louise le drap pour qu'elle tire et dévoile ma dernière œuvre.
+ (barré) Louise a refusé de dévoiler la sculpture.
+ Louise m'a rasé.

Linh
+ (barré) Le foin rappelle les steppes.
+ Le feu évoque la terreur.
+ La cavalcade, je la sens sur le cou du cheval.
+ J'ai refusé le cadeau du guerrier Hao.
+ J'ai commencé à me confier à Hao.

Seun
+ Mon amant m'effleure dans mon sommeil.
+ (barré) Ma respiration a changé depuis que je le connais.
+ Laak a fait connaissance avec ma mère.
+ Je me suis enfui à l'endroit où Laak et moi nous nous sommes rencontrés.
+ Laak a mal réagi quand je lui ai montré l'autel.
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LE BISOU PAPILLON

Nouvelle expédition dans un monde de la rouille mélangé aux Vosges, entre reflux d’identités, créatures mutantes et romances adolescentes. Un récit et un enregistrement par Claude Féry.

(temps de lecture : 2 min ; temps d’écoute : 43 mn + 1H03 )

Le jeu : Nibiru, par Federico Sohns, un jeu de rôle de SF sur les souvenirs perdus.

Mixé avec l'univers de Millevaux et le Monde de Rouille, œuvre de Lucas Roussel

Lire/télécharger le mp3, partie 1
Lire/télécharger le mp3, partie 2

Image
(C) Lucas Roussel

Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).

Le contexte :

Après une longue discussion nous poursuivons nos errances entre Millevaux et le Monde de rouille avec Sève la durée du oui

Belle partie à 4 de près de deux heures

A l'écoute je suis assez satisfait du rendu, même si j'ai pratiqué quelques coupes et souffert de drops malencontreux, (il va me falloir renouveler mon enregistreur).
Bonne écoute

Image


L'histoire :

En route pour le col du Honeck et la liberté nous finissons par nous perdre dans une forêt d'arbres de plus en plus sombres.
Égarés dans nos pensées nous sommes débusqués par un maigre qui rabat le gibier pour son maître, tonton horla.
Si nous lui échappons c'est pour mieux nous jeter dans les mandibules de cette maîtresse une mygale du Dédale

Par le pouvoir du couteau à riz nous ne sommes plus qu'un et tandis qu'à Aloès sectionne une de ses pattes, Hellio devenu le Hiltiti par le pouvoir de son masque lui happe ciboulot, Sève et souvenirs. Nicephore revêt son masque à gaz et ronge les chairs de la créature des gaz de l'Ante.

Alors ils constatent que Fenouil gît inanimé sur une immense masse de poils et végétaux mêlés.
La vie l'a déserté. Après avoir remercié ses libérateurs Le Forestier répond à Hellio que Fenouil est mort de s'être vu refusé le bisou papillon par Aloès.
Celles-ci y consent.

Ils sont tous alors allongés sur la berge d'un lac d'altitude à deviner les motifs que dessinent les nuages dans le ciel clair. Ils se tiennent par la main, sont allongés les uns contre les autres, formant une famille.

Marguerite, la vache bientôt les rejoint.

Image

L'escargot est une espèce qui a la particularité de fixer le fer dans sa coquille, le premier mutant rencontré lors de notre incursion.
Puis nous avons découvert la dépouille d'un Homme de l'Ante emporté par une bombe à Ulth.
Nos craintes, nos doutes ont afflué.
Fenouil craint de devenir fou.
Ses souvenirs semblent empruntés, troublés par la récente exposition à la bombe à Ulth.
Son passé et son futur se mêlent.
Lorsque Aloès perd l'équilibre parmi les rochers, la vision fugitive de sa nuque découverte, ses cheveux ruisselant en désordre sur ses épaules déclenche une revoyotte.

La Nephila est devenue notre Mygale du Dédale

Image


Commentaires de Thomas après écoute :

A. La narration avec sa voix féminine en intro renforce encore le côté planète sauvage

B. La mention du Hohneck, est-ce une référence à l’ascension cauchemardesque de Champo dans Dans le mufle des Vosges ?

C. Je suppose qu’on pourrait faire des parallèles intéressants entre l’Utlh et l’emprise / égrégore
Intéressant de mettre Alex en avant avec un dilemme, lui qui peut être plus effacé dans les parties à 4.

Image

D. Super de chanter un proverbe de l’almanach en intro du 2, et ça fait plaisir de réentendre Je suis un caillou en reprise:)

E. Un petit souci avec les rencontres qui sont longues à gérer alors que l’action devrait être rapide

F. Tu as un super spoken word au milieu du bruit d’orage.

G. C’est vrai qu’un fagot peut faire de grandes choses :)

H. Les rencontres sont bien horrifiques :)

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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

NOUVEL HORIZON

Un épisode de retrouvailles introspectives dans un paysage désert, suivi par la visite d’un village idyllique au milieu des ronces et un carnaval qui cache une atroce révélation. Suite de la campagne « Soif de Noirceurs », un récit par Xavier L.

(temps de lecture : 21 min)

CR de la Campagne « Soif de Noirceurs », épisodes 10 à 12

Joué en ligne le 22/11 et le 26/11/2020

Le jeu : Marchebranche, aventures initiatiques dans un monde de forêts en clair-obscur


Image
Lukas Schlagenhauf, cc-by-nc


Épisodes précédents:

1. Soif de noirceurs
Les trois premiers épisodes d’une campagne de Marchebranche riche en dilemmes moraux et tout à fait représentative du jeu ! (temps de lecture : 18 min)

2. Des lieux plus étranges
Tribunal, donjon magique, maison protégée par une musique maudite et camp horla sont les terrains de jeu des marchebranches pour les épisodes 4,5 et 6 de cette campagne ! (temps de lecture : 16 min)

3. Une nuit écarlate
Un baiser sur une tour funeste, une tête qui mord, un arbre limbique qui brûle, et une marchebranche solitaire. Voilà le programme des épisodes 7-8-9 de la campagne « Soif de Noirceurs », par Xavier L. ! (temps de lecture : 17 min)

Partie 10 : au revoir Valsphaigne
dimanche 22 novembre

Sybil arrive à Valsphaigne avec Soupir et Hermine. Tout est vide. Elle visite deux maisons : des affaires manquent, l’essentiel.
Elle aperçoit une maison barricadée, elle s’approche. C’est celle de Vestige.
Elle discute avec Vestige : il ne veut pas sortir mais il dit qu’il a réfléchi et qu’il a compris. Les horlas ne sont pas mauvais, ce sont les humains qui l’ont été.
Soupir regarde avec nostalgie sa maison, vidée elle aussi, mais il ne dit rien. Hermine repasse chez elle, mais ne reconnaît pas tout. Ils se dirigent ensuite vers les ruines, que Vestige leur a indiquées comme le nouveau repère des résidents.

Zayme s’éloigne un peu des ruines, il est songeur.
Yarhna, elle, tâche de rester positive et médite.
Liana, épuisée physiquement et mentalement, va elle aussi marcher à l’écart.

Liana entend des pas. Elle s’approche un peu en volant, mais ses yeux à facette et la nuit qui tombe ne lui facilitent pas la détection. Elle n’aperçoit que trois silhouettes, humaines. Elle fait demi-tour et se dirige vers Zayme. Celui-ci accepte, après un soupir, de la suivre, mais non sans avoir réfléchi et bu une lampée de whisky du courage auparavant.
Cela laisse aux trois silhouettes le temps de s’approcher des ruines. Quand Yarhna ouvre les yeux, c’est Sybil qui se tient devant elle. Yarhna reste stupéfaite quelques secondes puis, après quelques instants de réflexion, lui saute au cou. Arrivent alors Liana et Zayme. Hermine et Soupir s’affalent sur des paillasses.
Zayme et Yarhna filent dans la forêt chercher de quoi préparer à manger pour les revenants. A l’occasion, ils se rendent compte tous les deux combien cela fait du bien de reconnaître toutes les plantes qu’ils croisent dans l’abondante végétation.
Sybil demande à Liana de lui chanter quelque chose pour ne pas qu’elle s’endorme, Liana s’exécute.
A leur retour, Zayme et Yarhna préparent une tisane et quelques fruits. S’asseyant avec les autres autour du feu, Yarhna offre son épaule à Sybil qui l’accepte avec plaisir. Hermine et Soupir se sont endormis. Dix minutes s’écoulent à écouter le feu crépiter et à siroter la tisane, avant que Sybil ne prenne enfin la parole. Elle narre son histoire sous les regards ébahis de ses camarades.
Liana réagit quand elle entend Sybil raconter que Vestige pense que les horlas ne sont pas dangereux : de ses propres dires, elle n’a jamais été aussi humiliée de sa vie.
Puis Liana, Yarhna et Zayme racontent à leur tour leur histoire, qu’ils jugent beaucoup moins glorieuse.
Zayme félicite Sybil pour avoir réussi seule là où, à trois, eux avaient échoué. Il sent que la noirceur l’envahit. Liana fait le même constat. Yarhna aussi, mais pour d’autres raisons.
Après avoir tous constaté combien il était bon de se retrouver, ils décident de passer une dernière nuit dans les ruines. Zayme avec Liana, Yarhna avec Sybil.

Au matin, Zayme qui n’a pas fermé l’œil entend Soupir se lever avant tout le monde et commencer à préparer un petit déjeuner. Il le rejoint et en profite pour lui poser quelques questions : souhaite-t-il venir avec les marchebranches ? Préférerait-il revenir à Valsphaigne ? Soupir n’hésite pas longtemps : malgré les temps troublés et l’imprédictibilité des prochains jours, Valsphaigne lui manque. 
Liana, Yarhna et d’autres se réveillent peu à peu. Tout le monde s’étonne et se réjouit de voir les nouveaux venus.

Les marchebranches décident de partir. Auparavant, ils vont faire leurs adieux aux résidents.

Sybil, réveillée plus tard, engage la discussion à propos des horlas. Les villageois la rassurent : après réflexion, ils n’ont plus envie de les maltraiter. Un autre a fait un rêve qui lui a révélé le caractère divin des horlas. Sybil le ramène sur terre à propos des rêves.
Zayme s’assure que Soupir sera bien accueilli : non seulement le tatouage de Sybil semble agir convenablement (il ne s’est pas transformé en horla), mais le fait qu’il puisse se transformer en horla le rend particulièrement sacré aux yeux de certains. Zayme leur demande tout de même de rester vigilants face aux humains comme aux horlas.
Yarhna va voir Ordalie qui l’accueille avec enthousiasme. Elle aurait voulu qu’elles fassent des choses ensemble, mais elle comprend que la marchebranche doive partir. Yarhna lui confie Hermine, qu’elle décide de laisser également à Valsphaigne. Ordalie est triste, mais elle espère devenir une marchebranche comme Yarhna quand elle sera grande.

Après un petit discours d’adieu, les marchebranche saluent les habitants et se remettent en route.

Sur le chemin, Zayme collecte des plantes pour ses boissons, Sybil passe des petits moments avec son élémentaire qui lui apprend à contrôler son pouvoir (en échange de quoi l’élémentaire refroidit l’air autour quand il sera sollicité), Yarhna cueille des plantes et examine les sentiers, tandis que Liana tente de se ressaisir, de rester optimiste lors de ce nouveau départ qui lui permettra enfin d’oublier qu’elle est une mouche qui insulte tout le monde, ce qui n’arrange pas sa mauvaise opinion d’elle-même.

Au bout de quelques heures, ils observent que la végétation change : le sol noircit et les arbres blanchissent. Ils atteignent au détour d’un chemin un rivage de sable noir où ils décident de faire une halte. Chacun part faire un tour et revient partager ses observations : les arbres sont pétrifiés, sur terre comme dans l’eau les seuls présences animales sont des squelettes, le silence est intense. Liana et Sybil trouvent la zone paisible, Zayme et Yarhna inquiétante, à tel point que la seconde se sente étrangement attirée par l’eau, quelle trouve plus saine. Cela n’empêche cependant pas Zayme de commencer à préparer une décoction à base d’herbes ramassées précédemment distillée dans le sable cendreux.

Au moment où Sybil suggère qu’ils profitent de cet instant introspectif pour essayer de trouver une solution au problème de Liana, ils aperçoivent plus loin sur le rivage une femme qui semble perdue dans ses pensées, ou cherchant quelque chose.
Liana s’approche aussi discrètement que possible en volant. Alors qu’elle fait demi-tour, la femme lui adresse la parole : 
• “Que voilà une grosse mouche”. 
Liana est vexée : 
• “Je suis une marchebranche, répond-elle
• Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous vexer. Admettez qu’une mouche de cette taille est inhabituelle.”
Liana se renfrogne, les autres la rejoignent. La femme d’âge moyen leur offre des biscuits de céréales : 
• “Ce n’est pas grand-chose, mais cette zone n’est pas la meilleure pour un grand festin.
• Où sommes-nous ?
• Dans la Forêt des Morts. Rien ne vit ici.
• Que s’est-il passé ?
• Aucune idée, je l’ai toujours connue comme ça.
• Habitez-vous ici ?
• Non, cette zone est trop morne pour y vivre. J’habite au-delà et si vous acceptez que je vous invite, il faudra marcher un peu.
• Que faites-vous ?
• Je suis devineresse, je lis l’avenir dans les entrailles des souvenirs.”

Les marchebranches la regardent avec intérêt. Ils lui demandent s’ils pourraient faire appel à ses compétences. Liana notamment aimerait beaucoup savoir si elle reprendra forme humaine un jour.
• “Je peux vous aider, répond-elle, mais il vous faut abandonner un souvenir.”
Liana s’y résout. La devineresse trace des symboles dans la cendre, s’assoit et demande à la femme-mouche de faire de même.
Elle sort une fiole de poudre de sa poche et en répand autour dans les symboles. Elle demande à Liana de fermer les yeux et se concentrer sur le souvenir dont elle va se séparer. Liana raconte le souvenir comme dans un rêve et, comme pour certains rêves, quand elle rouvre les yeux le souvenir a disparu.
La devineresse extrait le souvenir, comme un petit nuage devant elle. Elle sort ensuite des outils de son épais manteau et ouvre la forme vaporeuse. Elle semble en inspirer une partie avant que le reste ne se dissipe peu à peu.
Puis elle prend la parole : “Vous prendrez à gauche, vous fermerez les yeux, les prochains à vous proposer leur aide seront en mesure de vous retransformer”.
Elle est visiblement épuisée par l’expérience. Néanmoins, elle leur demande s’ils peuvent lui rendre un service : elle voudrait qu’ils lui capturent un souvenir pour une utilisation ultérieure. Ils hésitent une seconde, ne se sentant pas capables de le faire. Elle les rassure : “Vous Marchebranches n’avez pas besoin de don”.
Ils se mettent donc en quête d’un souvenir. Liana joue un air nostalgique, Yarhna génère de la fumée à la surface de l’eau, Sybil génère un souffle d’air et Zayme, au bon moment, enferme le souvenir dans une bouteille, qu’ils rapportent à leur commanditaire.

La devineresse les remercie, elle leur offre en échange une carte de tarot de l’oubli, qu’elle sort sous la forme d’un puzzle d’une poche de son manteau.
Il s’agit du Soleil, tirée à l’envers, qui revient à Liana.

Commentaires:

Zayme

+ : Beaucoup aimé la partie, le rythme : calme.
+ :Retrouvailles : temps assez fort (beaucoup d’émotions).
+ : Arrivée dans la Forêt des Morts.
+ : Bien aimé la devineresse.
+ : Partie solo d’Amélie l’a incité à revoir sa fiche de perso pour s’y inspirer.
++ : autour du feu : se retrouver, vie des personnages.

- : Transition départ des ruines/arrivée dans la forêt des Morts pas très créative.
- : Pas très inspiré à l’arrivée de la Forêt des Morts, s’est laissé guider par les autres.

Liana
+ : Très cool, même si plusieurs mois sans JdR.
++ : rencontre avec la devineresse, car marche en avant de Liana (vers le remède ?).

- : Difficulté de s’y remettre : image mentale des PNJ sans retrouver leur nom.
-- : le tout début car difficulté à s’y remettre.

Sybil

+ : Bien aimé la partie.
+ : Retrouvailles : nouveau souffle de la relation entre les personnages (se sont manqués). Liens plus forts dans le groupe, développement de la personnalité des personnages.
+ : Blagues dans le jeu et pas méta.

-- : pas trop apprécié l’apparition de la devineresse (car aurait aimé une introspection entre persos sans PNJ).

Yarhna

+ : Partie sympathique
+ : Enfin sortis de Valsphaigne !
+ : Nouvel endroit avec quelqu’un de sympathique.
++ : retrouvailles avec Sybil, revenue avec plein de trucs en plus (compagnons, réussites).

-- : départ de Valsphaigne (triste de quitter les gens)

MJ

+ : Beaucoup d’émotions (tristesse, joie, colère).
+ : Création sur le vif de la forêt spéciale (#41) + PNJ (devineresse qui lit dans les entrailles des souvenirs) a bien fonctionné. Forêt aléatoire + choix du PNJ dans la liste de l’égrégore (les joueurs m’avaient fait part de leur volonté d’explorer l’égrégore), avec un lien mystique avec le lieu qui l’était aussi (sable cendreux, forêt pétrifiée, restes squelettiques).
+ : L’utilisation du PNJ pour faire avancer l’histoire d’un côté et pour donner une carte de l’autre a beaucoup plu (le PNJ n’est pas apparu comme “artificiel”).

- : Pas assez de cartes distribuées (une).
- : Petit flottement après le départ des ruines à cause de la recherche des bonnes pages pour faire le lancer sur la table des forêts et le choix sur celle des PNJ.

Commentaires de Thomas :
A. « les arbres sont pétrifiés, sur terre comme dans l’eau les seuls présences animales sont des squelettes, le silence est intense. Liana et Sybil trouvent la zone paisible, Zayme et Yarhna inquiétante, à tel point que la seconde se sente étrangement attirée par l’eau, quelle trouve plus saine. »
J’aime bien ce passage inquiétant :)
B. « Je suis devineresse, je lis l’avenir dans les entrailles des souvenirs. »
Je suis content de voir cet élément de table utilisé !
C. Malheureusement les nouvelles tables ne sont plus triées par thématique, tu n’aurais pas pu faire des explorations par thématique avec ces dernières.
D. En revanche, leur transformations en fiches t’épargnera le feuilletage. Il y a bien sûr aussi le format en ligne, encore plus pratique.

Réponses de Xavier :
Je vais commencer par te livrer les réponses des joueurs à la question que tu posais vis-à-vis de la surcharge cognitive des 3 quêtes à gérer en parallèle pour les joueurs et des tables aléatoires pour le MJ. Voici donc :
- J1 (Liana) : « Pour ma part, c'est tout à fait gérable, et cela demande de traiter très différemment les choses. On est habitué avec les RPG jeux-vidéos à traiter de nombreuses quêtes en même temps et de déborder de choses à faire, ce qui rend le tout plus facile à retenir et à traiter pour ma part. Je pense également que que cela permet à l'équipe de « prioriser » les objectifs et donc d'impliquer une dégradation temporelles des situations mises en retrait. Cela permet aussi d'organiser un itinéraire. Cependant, le système de réussite d'un test empêche aux joueurs de conserver une efficacité en se séparant pour accomplir les objectifs suivants leurs sensibilités et leurs talents. »
- J2 (Yarhna) : « je dirai que oui c'est possible, si on résous par étape. En même temps avec le nombre de personne dans le groupe on peut aussi se répartir les tâches, mais en soit personnellement ce n'est pas trop compliqué. »
- J3 (Sybil) : « j'ai pas l'impression d'avoir vraiment eu le cas en jeu à part à la fin peut-être et encore : les quêtes ont été présentées les unes après les autres et notre équipe avait les mêmes priorités donc le choix des quêtes à réaliser en premières ont coulées de source »
- J4 (Zayme) : « je trouve que ça va car on pas eu tout le temps ça mais surtout, lorsque ça arrivait, on était suffisamment organisé entre équipe mais aussi techniquement pour se répartir la charge intellectuelle et mentale sur chacun.e. »
- J5 (MJ) : les tables aléatoires représentaient une ressource à la fois impressionnante au premier abord et très utile pour se plonger dans l'univers. J'ai eu du mal au début à les prendre en main, mais c'est ce que je relisais en priorité pour me replonger dans l'univers avant chaque partie ou quand j'avais besoin de générer une quête, un lieu, un figurant, un plat... Je suis clairement loin d'avoir tout utilisé, mais au final je ressens plutôt ça comme un bienfait car ça donne envie d'y retourner pour explorer d'autres aspects du monde.

10.D. Ça peut être bien pratique en effet. J'avais commencé à faire un générateur aléatoire en PHP mais effectivement grâce à ce Chartopia il n'y aura plus besoin. Cela dit, je trouve qu'il manque à Chartopia la possibilité de regrouper les lancers (à moins que je n'aie pas trouvé l'option), comme par exemple demander lorsque les marchebranches arrivent dans un lieu de générer sur un même écran 5 figurants, une brève description de chacun, quelques détails sur l'endroit, le repas qu'on leur sert et des amorces pour les trois premières quêtes qu'on va leur donner.

Thomas :
10.D. Tu peux te créer un compte sur Chartopia et créer une collection où tu vas agglomérer les tables qui t’intéressent pour faire un tirage groupé.


Partie 11 : Au-delà des ronces
jeudi 26 novembre

Les marchebranches déclinent finalement l’offre d’hébergement de la devineresse et reprennent le chemin. Après quelques dizaines de minutes de route, ils arrivent à ce qui a, jadis, ressemblé à un carrefour : à leur droite, un chemin peu entretenu, mais un chemin quand même, porte une pancarte qui indique en lettres partiellement effacées : Valsphaigne. A leur gauche, ils peinent à distinguer le sentier tant la végétation recouvre le passage. Ils décident de prendre le second. Sybil ouvre la voie en séparant les ronces avec le vent, Liana vole précautionneusement au-dessus des arbustes tandis que Zayme et Yarhna suivent comme ils peuvent.

A mesure qu’ils progressent, les ronces deviennent de plus en plus denses. Leur avancée ralentit, chaque mètre devenant pénible, y compris pour Liana que la disparition de l’espace libre entre les ronces et les plus basses branches des grands arbres empêche de voler. Lors d’une pause, Sybil décide d’envoyer son esprit de feu en reconnaissance.
Yarhna tente de lancer une discussion autour des ronces, mais elle ne prend pas. Ses camarades sont fatigués et moroses. Liana prend un peu de distance pour écouter la forêt.
Ignis (l’esprit de feu) revient, il a entendu quelque chose. Liana de même : elle a entendu quelque chose qui jure (et qui galère dans les ronces). Ils décident alors de rester prudents et de laisser la chose ou l’individu approcher. A quelques dizaines de mètres d’eux, ils distinguent un curieux personnage qui progresse aussi laborieusement qu’eux dans les ronces. Ils le regardent approcher en poussant des cris pour le guider.
Arrivé, il se présente à eux comme un détective qui se nomme Chorale. Connaisseur des us et coutumes, il leur propose des céréales tirées d’une sorte de poche latérale de sa large ceinture. Les marchebranches en mangent un peu.
Sans rentrer dans les détails, il leur annonce qu’il recherche quelqu’un : une femme, qui a un lien avec des souvenirs. Les marchebranches font alors le lien avec la devineresse, mais ils ne veulent pas lui livrer d’information, ne connaissant pas ses intentions.
Le détective commence alors à négocier : il sort de sa poche un sablier qui permet de remonter le temps. Juste un peu, à en juger la quantité de sable à l’intérieur. Les marchebranches sont intéressés par l’objet, mais ils déclinent néanmoins.
Il leur propose alors une carte de tarot de l’oubli.
Liana prend les devants et demande le sablier et la carte contre l’information. Ce n’est pas suffisant pour Chorale. Liana propose alors d’ajouter son violon. Chorale hésite, puis il finit par accepter. Les marchebranches lui indiquent qu’ils ont rencontré la devineresse dans la forêt des Morts.
Le détective les remercie et remonte le chemin qu’ils ont tracé avant leur rencontre.
La carte est celle de la Roue de la fortune. Elle revient à Yarhna.

Ils ne sont pas plus avancés : devant eux les ronces sont aussi épaisses, à leur gauche un peu moins et à leur droite beaucoup plus, formant une paroi quasi infranchissable. Sybil renvoie ses esprits dans les trois directions. Ignis parti devant revient bredouille. Le Dragon ayant exploré sur la gauche où les ronces sont moins denses semble avoir rencontré quelqu’un. Enfin l’esprit du vent, après reconnaissance de la zone la moins praticable revient tout excité : il semble lui aussi avoir trouvé quelque chose.

Yarhna crée alors des outils pour tout le monde. Ils passent à travers les derniers mètres de ronces particulièrement épaisses. La progression est lente et fastidieuse, mais ils finissent par venir à bout de ce mur végétal.
Derrière, comme une bouffée d’air frais, ils découvrent une clairière. Yarhna s’écroule au bord d’un ruisseau dont elle boit l’eau fraîche. Sybil sympathise avec les petits animaux qu’elle croise : écureuils, lapins...
Liana regarde au loin ; le mur de ronces délimite l’espace de verdure qui s’avère être immense. Une ville semble même y avoir été développée au centre, tandis qu’à son pourtour ont été aménagés des champs, des prairies et des vergers. 

A mesure qu’ils s’approchent de la ville, ils s’aperçoivent que celle-ci grouille de vie. Les habitants arrivent rapidement autour d’eux. Ils sont bien habillés et les accueillent chaleureusement : les visiteurs sont rares et les marchebranches encore plus.
On les amène bientôt à une terrasse et on dresse un véritable banquet pour eux.
En racontant un peu leurs aventures, ils mangent plus qu’ils n’avaient jamais mangé. Tout est très bon.
Ils posent alors des questions sur cet endroit. On leur répond que la ville s’appelle Ormelisse, que la terre y est extrêmement fertile. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les ronces poussent aussi bien. Ils ont réussi à les contenir en périphérie mais se retrouvent comme enfermés. Ils ne manquent cependant de rien : tout pousse à foison et ils semblent vivre heureux, bien que reclus.

Pour leur séjour, on leur prête une maison rien qu’à eux. Les marchebranches en profitent pour y discuter. Zayme est suspicieux : tout cela doit cacher quelque chose. Liana le rejoint. Sybil leur demande pourquoi ils voient des problèmes partout.

On frappe bientôt à leur porte : un homme et deux femmes se présentent et leur demandent s’ils peuvent rentrer pour discuter. Ils se présentent : Tarmac, Calice et Charme.
Calice propose de préparer une tisane, Yarhna l’aide pour mieux surveiller ses actes. Néanmoins la tisane n’a rien de spécial.
Les trois autochtones sont des membres du conseil d’Ormelisse. Ils s’excusent de ne pas avoir accueilli les marchebranches car ils étaient occupés aux préparatifs de la fête qui se prépare.
Liana expose son problème, Tarmac répond qu’il en parlera aux sages pour savoir ce qu’ils peuvent faire.
Charme est embêtée : elle sait qu’il est de coutume de proposer des quêtes aux marchebranches, mais ils ne manquent de rien. Aussi leur offre-t-elle néanmoins deux quêtes : repousser les ronces au nord-est et ramasser des pommes à l’ouest.

Après une brève discussion sur la répartition des équipes, ils décident finalement de résoudre les quêtes tous ensemble, l’une après l’autre, et commencent par celle des ronces.
Sur place, ils s’attaquent donc aux ronces, d’abord à la main puis ils trouvent des outils dans une cabane à proximité.
Tandis que Yarhna et Zayme discutent botanique, Liana continue à désherber et coupe une ronce un peu différente, sans s’en apercevoir. A ce moment, Yarhna entend un cri en horla.
Il s’agit d’une horronce : Hrrrcé. Par l’intermédiaire de Yarhna qui est la seule à parler horla, ils échangent avec la créature. Ils conviennent avec elle de s’étendre pour retenir les autres ronces. Ainsi elle peut bénéficier d’espace et de lumière pour croître tout en empêchant d’autres ronces de gagner du terrain sur les champs des habitants.
Cela se fait néanmoins au prix d’une noirceur pour Liana.

Puis ils vont dans les vergers de l’ouest ramasser des pommes. Les petits animaux de Sybil ont déjà fait des tas de fruits, sur sa demande, bien qu’ils en aient croqué quelques-uns. Des travailleurs d’un champ voisin leur proposent des paniers car les marchebranches n’avaient pas pensé à en prendre. Ils remplissent tous les paniers de gros fruits bien mûrs avec une aisance déconcertante.

Quand ils reviennent chez eux déposer les paniers, ils trouvent deux cartes sur la table.
Zayme pioche le Pendu face vers le haut.


Commentaires:

J1 (Zayme)

+ : Horronce
+ : Village, trop kiffant, où est le drama ? (quasi-OSR, où est le piège)

- : Pas dans la partie
- : Détective : ne voyait pas trop quoi en faire

J2 (Yarhna)

+ : Très sympathique, nouvelles découvertes
++ : découverte de l’endroit

- : Pas assez d’interactions avec le détective (le recroiseront-ils plus tard ?)
- : Pas réussi à tromper la vigilance du détective
-- : ronces (fallait-il avancer, fallait-il faire demi-tour ?)

J3 (Liana)

+ : Beaucoup aimé les propositions, se doute qu’il y avait quelque chose derrière les ronces
+ : Propositions absurdes de la horronce
+ : Dans un village qui va bien : cherche ce qui va mal
- : Un peu de mal à se mettre dedans au début, mieux après la pause
- : Détective amusant, même si pas assez creusé
-- : le début, s’est senti seul à prendre la parole
J4 (Sybil)
+ : Petit village, petite quête
+ : Petite trouvaille de la horronce (situation sympathique avec un horvégétal, très cool)
+ : Juste ramasser des pommes, même sans difficulté, très marrant
- : Début un peu lent (avance, bloqué, avance, bloqué), ne comprenait pas quoi faire pour avancer plus ou mieux
- : Pas aimé le passage avec le détective (trop rapide), négociation trop longue, pas trouvé quoi lui dire ni pourquoi la livrer la devineresse
MJ
+ : Plus de cartes distribuées (n’a pas semblé artificiel aux joueurs)
- : Partie lente, laborieuse, pas réussie 
- : Choix de la forêt, tirage au sort du PNJ pas bien intégré. Un peu déçu par la gestion de Chorale. Après coup, je me dis qu’il aurait pu deviner d’où ils venaient au sable sur leurs chaussures ou que la carte aurait dû être une entourloupe.
- : Moins de RP dans cette partie (Z : pas dans la partie, S : étaient en mode “gain de carte” plus que narratif, L : a manqué Z pour interagir)
- : A quatre pour mieux réussir une action, le ludisme va nuire à la narration (moins de tête à tête)

Commentaires de Thomas :
A. « Liana prend les devants et demande le sablier et la carte contre l’information. Ce n’est pas suffisant pour Chorale. Liana propose alors d’ajouter son violon. Chorale hésite, puis il finit par accepter. »
Hé hé les négociations de comptoir :)
B. « Pour leur séjour, on leur prête une maison rien qu’à eux. Les marchebranches en profitent pour y discuter. Zayme est suspicieux : tout cela doit cacher quelque chose. »
Je le pense aussi :)
C. « Pour leur séjour, on leur prête une maison rien qu’à eux. Les marchebranches en profitent pour y discuter. Zayme est suspicieux : tout cela doit cacher quelque chose. »
Mode parano activé :)
D. « Aussi leur offre-t-elle néanmoins deux quêtes : repousser les ronces au nord-est et ramasser des pommes à l’ouest. »
Je suis étonné de l’apparente disproportion des quêtes. J’attends de voir :)
E. « Il s’agit d’une horronce : Hrrrcé. »
Sympa le horla-ronce :)

F. « Puis ils vont dans les vergers de l’ouest ramasser des pommes. Les petits animaux de Sybil ont déjà fait des tas de fruits, sur sa demande, bien qu’ils en aient croqué quelques-uns. Des travailleurs d’un champ voisin leur proposent des paniers car les marchebranches n’avaient pas pensé à en prendre. Ils remplissent tous les paniers de gros fruits bien mûrs avec une aisance déconcertante. »
Ah oui, c’est vraiment étonnant cette quête !

Xavier :

11.F. Le ramassage de pommes était une quête qui avait plusieurs objectifs :
- mettre en avant que tout va tellement bien dans cette ville qu'on peine à leur offrir d'accomplir quelque chose à leur hauteur
- montrer que toutes les quêtes ne sont pas épiques
- endormir un peu leurs soupçons
- leur permettre d'acquérir plus rapidement une carte de tarot (parce que j'avais pris beaucoup de libertés avec la règle des 3 quêtes et que cela commençait à se sentir)

Partie 12 : le jour du carnaval
dimanche 6 décembre

Tarmac arrive : les sages veulent rencontrer Liana. Tous l’accompagnent, en soutien. Ils traversent une partie de la ville, Tarmac fait office de guide. Ils passent devant la bibliothèque, le siège du Conseil, l’amphithéâtre et s’arrêtent devant l’université. Comme tous les bâtiments, il est d’architecture très simple, à dominance blanche, mais sans paraître froid pour autant. Yarhna préfère rester à l’extérieur, les autres entrent. Les sages viennent chercher Liana.
Dans une salle, ils demandent à Liana de se concentrer sur son apparence, mais elle a beaucoup de mal à se souvenir des détails : elle ne se regardait pas si souvent dans une glace. Ils font alors appel à ses camarades, pour isoler les souvenirs.
Chacun se souvient d’un moment particulier : 
• Sybil la première fois qu’elle l’a entendue chanter. Les paroles l’ont touchée, le contexte était parfait : rayon de soleil, un air apaisé.
• Zayme du moment où ils dégustaient une bouteille tous les quatre au coin d’un feu, il se disait alors qu’il avait de la chance de voyager avec une femme aussi belle, douce et attentionnée.
• Yarhna de son assurance et de sa capacité inégalée à redonner du courage aux autres dans les moments difficiles.
Cela prend du temps, mais les sages finissent par stabiliser l’image. Liana est fatiguée, mais confiante.
La soirée commence tranquillement par un souper avec ce qu’on leur a offert dans leur cellier, puis ils sont rejoints par Tarmac et Calice avec qui ils trinquent, discutent jusque tard dans la nuit et goûtent au plaisir de la poudre de champignons.
Ils évoquent le sujet du voyage : pourquoi voyager, est-ce un manque qui pousse à partir ? Voyager pour mieux revenir ? Pour partager peut-être, mais dans un partage on peut attendre quelque chose en échange, et qu’attendre quand on possède tout ?

Ils se réveillent le lendemain quand on frappe à la porte. Cette fois-ci il ne s’agit pas de Tarmac, mais d’une femme qui vient les voir à cause de ses fruits : plusieurs de ses arbres donnent de mauvais fruits depuis quelques temps, elle ne sait pas pourquoi. Il s’agit de fruits de sentiments, habituellement bons (elle leur fait goûter les deux types : les bons au goût de joie et les plus récents au goût d’amertume).
Les marchebranches décident d’aller vers le champ avant le carnaval. Après tout, celui-ci dure toute la journée, si ce n’est plusieurs jours. Dans le champ, la femme leur indique les arbres concernés. Ils l’observent en quête d’éventuels parasites, ils cherchent à entrer en contact avec l’arbre, mais rien ne semble aller de travers. Ils creusent alors autour des racines. Ils finissent par trouver une petite boîte en bois dont l’ouverture révèle un souvenir. 
Ils hésitent un moment sur la marche à suivre et Sybil décide de l’intégrer : elle voit une porte qui se ferme, des souterrains assez sombres. Elle se sent lâche. Mais les arbres sont guéris, Zayme s’en assure grâce à son pouvoir lui permettant de faire pousser une plante.
Modération leur offre une carte de tarot en échange : le Pape, que Sybil reçoit à l’endroit.

La pluie commence tout juste à tomber, ils se dirigent vers le carnaval. Les rues sont bondées, les habitants commencent déjà à se préparer, à dresser des banquets sous les décorations, à danser. Ils se font la réflexion que personne n’est déguisé. Étrange pour un carnaval.
Quand la pluie tombe vraiment, ils explosent de joie. Et sous les yeux des marchebranches, les formes des habitants se dissipent pour devenir plus étranges, plus colorées, plus vives. La pluie transforme les êtres suivant l’expression de leurs sentiments. Ils s’aperçoivent qu’ils se transforment également : 
Liana, toujours inquiète quant à son futur, est une ombre colorée. Zayme prend la forme qui le préoccupe : celle d’une mouche. Sybil trouve la ville merveilleuse, elle prend une forme aqueuse humanoïde qui s’écoule en permanence. Yarhna prend la forme d’une feuille sur laquelle roule des perles d’eau.

Pendant un intermède en intérieur, une femme aborde Zayme et Liana : son fils de quinze ans veut partir d’Ormelisse. Elle demande aux marchebranches de le convaincre de rester.
Ils se dirigent donc vers la maison que la femme leur a indiquée. Ils y trouvent le jeune homme en train de faire son sac. Ils les accueille d’un “C’est ma mère qui vous envoie, n’est-ce pas ?”.
Les échanges ne sont pas faciles, le jeune homme ne veut rien savoir, il traite seulement les autres habitants d’hypocrites. Sybil et Yarhna utilisent alors chacune un pouvoir pour le pousser à parler. “Vous voulez la vérité ? lâche-t-il durement, alors suivez-moi.”.
Sous la pluie, sa forme devient noire et torturée, les rares formes qui essaient de l’attirer vers le carnaval n’y parviennent pas. Ils entrent dans le bâtiment des assemblées. Ils suivent des couloirs, des escaliers, s’enfoncent sous terre et arrivent devant une pièce totalement fermée. Là, il refuse d’aller plus loin.
Zayme prend son courage à deux mains, il ouvre la porte. A l’intérieur, la salle est dans l’obscurité. Dans un coin, il distingue une serpillière et un seau. A mesure que ses yeux s’habituent à l’obscurité, il distingue dans l’autre coin une forme, recroquevillée. Il s’approche, cela ressemble à un enfant, peureux, difforme, rachitique.
Le jeune homme le tire finalement à l’extérieur.
• “Arrêtez, vous ne pouvez rien pour lui !
• Qui est-il ?
• Il est la condition du bonheur d’Ormelisse. Tant qu’il demeure ici dans cet état, tous les autres habitants peuvent être heureux.”

Sybil est scandalisée, elle pénètre à l’intérieur de la pièce obscure.

• “Attendez ! la retient le jeune homme. Si jamais vous êtes gentille avec lui, il y aura des conséquences terribles pour tous les autres.
• Je ne peux pas laisser un enfant souffrir ici tandis que tous les autres prennent du plaisir à l’extérieur. Est-ce que les autres habitants savent qu’il est là ?
• Oui, certains sont venus le voir, d’autres pas, mais tous savent. Les rares qui réagissent font comme moi : ils s’en vont.
• Mais en partant, reprend Zayme, vous ne faites pas preuve de courage, mais plutôt de lâcheté.
• Ça m’est égal, oui je suis un lâche, un couard, un moins-que-rien, tout ce que vous voudrez, mais je préfère partir que de rester ici à supporter cela.”

Si Sybil et Zayme semblent avoir fait leur choix, Yarhna et Liana restent coites devant la situation, en proie à un conflit intérieur : les marchebranches doivent-ils intervenir ? Même si la question est horrible, ne peuvent-ils rester encore un peu, le temps que les sages retransforment Liana ?

Commentaires:

Zayme (J1)

+ : Beaucoup aimé la partie
+ : Interactions entre eux
+ : Quand même surpris de la mauvaise surprise
++ : discussion autour du voyage, mise en exergue du pourquoi les marchebranches voyagent

- : Pas très inspiré par la scène du carnaval (a fallu un petit moment pour rentrer dedans)
-- : scène où aider Liana (contemplatif un peu tôt dans la partie)

Liana

+ : S’est senti très investi dans la partie
+ : Beaucoup de choses dans la partie (plus que d’habitude ?)
++ : retournement de situation bien amené

- : Carnaval : choses très classiques puis retour brutal à Marchebranche (à base de transformation en sentiment)
-- : le passage au carnaval

Sybil
+ : Bien investie du début à la fin (trop ?)
+ : Forcée à trouver des interactions avec Liana et Zayme. Un peu fouillis mais ça a fonctionné
+ : Rapprochement avec Zayme
+ : A décidé que le personnage avait un avis tranché sur la question finale
++ : scène du bal, sympa et dans la continuité des fruits (a ancré la mission dans le cadre de la ville)
- : Un peu déçue sur la scène de Liana qui devait reprendre sa forme, manquait un petit truc, même si ne savait pas trop quoi

Yarhna:
+ : Bien aimé
- : N’arrive pas à se positionner : c’est mal mais la société est comme elle est. Ceux qui ne sont pas d’accord doivent partir. 

MJ:

+ : Improvisations réussies sur les propositions des joueurs (certaines à la limite du flottement gênant néanmoins)
+ : Impact de la scène finale (même si pas aussi dramatique qu’escompté)
- : Aspects flottants (entrée dans le carnaval, sortie du carnaval), pas totalement satisfaisants
- : Problèmes techniques (délai important sur Discord qui crée des décalages pénibles dans les discussions)
- : Remarque mécanique : comme tout est mission, les scènes amenant du contexte doivent l’être aussi (le carnaval aurait dû l’être : une animation contre une carte, de même que l’auscultation de Liana : un résultat contre une carte ou la soirée : un jeu de cartes avec pour mise du côté de Tarmac une carte), ce qui implique par ailleurs que les marchebranches ne sont que des mercenaires qui n’agissent jamais gratuitement et que les joueurs ne seront pas amenés à prendre des initiatives.
- : Difficile par ailleurs d’imaginer des actes désintéressés.


Commentaires de Thomas :

A. « Chacun se souvient d’un moment particulier [...]
Cela prend du temps, mais les sages finissent par stabiliser l’image. Liana est fatiguée, mais confiante. »

Super scène !

B. « Ils finissent par trouver une petite boîte en bois dont l’ouverture révèle un souvenir. »

Super image !

C. Super aussi, ce carnaval des émotions

D. “Vous voulez la vérité ? lâche-t-il durement, alors suivez-moi.”

OK, j’attends la révélation !

E. « Il est la condition du bonheur d’Ormelisse. Tant qu’il demeure ici dans cet état, tous les autres habitants peuvent être heureux. »

C’est vraiment super fort comme cas de conscience. Ça t’a été inspiré par une table ou par l’ambiance générale du jeu ?

F. « “Attendez ! la retient le jeune homme. Si jamais vous êtes gentille avec lui, il y aura des conséquences terribles pour tous les autres. »

J’ADORE !

G. « Remarque mécanique : comme tout est mission, les scènes amenant du contexte doivent l’être aussi »

C’est ta vision perso. Le jeu propose notamment de jouer des entre-deux-quêtes.


Xavier :

12.E. Le cas d'Ormelisse m'a été inspirée de la nouvelle de Ursula Le Guin Ceux qui partent d'Omelas
Je voulais voir ce que pouvait donner ce genre de dilemme moral dans un jeu de rôle.

12.G. C'est peut-être une remarque que je me suis faite par omission d'une règle en effet.
Cela dit, après vérification, nous avons joué avec une version des règles où le paragraphe correspondant au titre « cas des péripéties hors-mission et hors-intermission » se limite à « bla bla bla » =P.
Mais quand j'ai rédigé cette remarque, il s'agissait plus d'une observation que je me suis faite suite à l'expérience de jeu qu'une interprétation des règles, justement parce que j'aurais aimé que les PJ s'intéressent au carnaval qui était en train d'avoir lieu autour d'eux, qu'ils interagissent, que les joueurs se l'approprient et créent quelque chose, mais ils n'en ont été que spectateurs. Je me suis donc dit : si je veux les impliquer, leur attribuer une ou plusieurs missions aurait pu fonctionner, qu'on leur en ait donné une qu'ils cautionnaient ou non d'ailleurs. Par exemple : créer une animation, proposer un spectacle, préparer une de leurs spécialités à manger (ce qui aurait d'ailleurs été très intéressant à mon avis)... Ce qui m'a amené à me dire que les marchebranches ne s'impliqueraient pas dans quelque chose qui ne leur apporterait pas la récompense d'une carte de tarot, réflexion qui a été battue en brèche la fois suivante avec la découverte du secret d'Ormelisse qui les a poussés à réagir alors que personne ne leur demandait rien =).
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Pikathulhu
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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LUMIÈRE NOIRE

Un épisode particulièrement psyché, surréaliste et poétique, tout en scansion, bref un épisode de slam. Un récit et un enregistrement par Claude Féry

(temps de lecture : 2 min ; temps d’écoute : 1h20)

Joué le 22/03/2020

Le jeu : Sève la durée du oui, gamins du bois confrontés aux beautés et aux horreurs du sauvage, par Claude Féry

Mixé avec l'univers de Millevaux et le Monde de Rouille, œuvre de Lucas Roussel

Lire/télécharger le mp3

Image
(C) Lucas Roussel

Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).


Bilan :

Notre nouvelle incursion dans le monde de rouille

Malgré un certain nombre de drops, que je ne suis pas parvenu à résoudre ou l'absence de scène finale, je suis très heureux de ce témoignage audio. De beaux moments assez fidèlement rendus et une atmosphère forte.

Nous avons joué avec Sève la durée du oui en convenant que chacun initierait un souvenir qu'Hellio à schlurpé au Hiltiti et que l’Innommable constituerait le cinquième. En raison de l'horaire de notre alibis pour le confinement, nous n'avons pas joué la résolution de l'adversité, en l'occurrence des guerriers du Cœur, chargé d'expurger le faubourg de sa souillure. Alex, Gabrielle et Xavier étaient enthousiastes.

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Si nous avons bien compté cinq rencontres avec des créatures d'Uhia, nous n'avons pas conservé quatre lignes temporelles et quatre histoires singulières, elles se sont rapidement mêlées. Cette contrainte créative que nous nous étions imposés n'a pas été pleinement tenue. Une feuille et un poème chacun à intégrer au récit. Gabrielle et moi même avons partiellement intégré notre poème au récit, qui quoique un peu plus dynamique que de coutume, bénéficiant d'une tonalité propre à chaque instance, s'est révélé plus décousu, alors même qu'il a été conçu de façon plus organique. Du fait de la singularité de chaque instance, nous avons pu ressentir tout autant l'atmosphère propre à Millevaux que celle d'Uhia. Enfin, Xavier a tout particulièrement apprécié le contraste entre des scènes drôlatiques et d'autres oppressantes.

Alex était un peu déçu de ne pas jouer le cinquième souvenir et nous proposait de le jouer la prochaine fois. Sans la dynamique de la session je craignais que cela perde un peu de son sel. Aussi ai-je proposé que chacun s'imagine pour lui même le résultat de la chasse menée par les nettoyeurs. Ce qui a été accepté.

Lors de la prochaine session, je souhaite explorer la thématique de l'abandon et mettre en œuvre un rituel d'éloignement de l'infortune Khmer.

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Commentaires de Thomas après écoute :

A. Super intro in media res

B. Ce qui est intéressant avec la sonorisation de Millevaux, c’est qu’elle est diégétique : quel que soit le son que l’on entend, on peut l’assimiler à un son ou une ambiance de Millevaux, ce qui est dû à la fois à ton choix de musique et à la plasticité de l’univers

C. Super la lecture par Gabrielle

D. Un épisode particulièrement psyché, surréaliste et poétique, tout en scansion, bref un épisode de slam

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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

PAPI-PÈRE ET L'ARBRE À LOQUES

Un rendez-vous crucial pour refaire la synthèse entre mon style Millevaux et celui du clan Féry. Avec Claude et Xavier Féry, un grand merci à eux ! Un récit et un enregistrement de partie par Claude Féry.

(temps de lecture : 1 min : temps d'écoute : 1h09)

Joué le Dimanche 27 novembre 2022 dans le cadre de la tournée Paris est Millevaux

Le jeu : Il faudra revenir, un jeu descendant de la Reine par Claude Féry, pour vivre le périple d'une petite famille dans les bras crochus de la forêt de Millevaux.

Lire/télécharger le mp3

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Jamain, cc-by-sa


Toutes les photos suivantes sont de Claude Féry (par courtoisie).


Le contexte :

Il faudra revenir !, tentative première

avec Xavier et Thomas Munier, nous avons joué à une nouvelle mouture de Il faudra revenir !

Ce fut un moment agréable. Un récit fragmenté à hauteur d'enfant, tour à tour inquiétant, mystique ou drolatique et même poétique.

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La modalité de jeu, une variante issue d'Oriente n'était pas tout à fait aboutie.


J'ai à la suite des remarques émises par Thomas et Xavier procédé à quelques modifications. Je les en remercie.

En voici le résultat :

Il faudra revenir ! mode jeu de cartes

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Commentaires de Thomas :

A. Ce qui est frappant dans cette partie, c'est l'impact de tes propositions iconographiques, ce qu'on n'"entend" pas dans l'audio. Ainsi, la scène des enfants sous perfusions me faisait directement d'une illustration présente dans le livret d'Il faudra revenir !

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Re: [CR] Millevaux et autres jeux Outsider

Message par Pikathulhu »

LES TROIS MAINS DE LA PORTE

Une partie de Mycorhizes à trois personnes pour une convergence de mort et de spiritualité. Un rapport par Damien Lagauzère.

(temps de lecture : 20 min)

Joué en ligne en textuel, en septembre 2019

Le jeu : Mycorhizes, jeu de rôle textuel (SMS ou réseaux sociaux) à deux dans l'univers de Millevaux

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Andrea Kirkby, cc-by-sa



Prémisses :

Je propose une partie d'une dizaine de message avec maximum un message par jour. Pas la peine de se mettre la pression pour répondre du tac au tac. Vaut mieux, je pense, se laisser aussi le temps de la réflexion. On peut répondre dans l'immédiateté et se rendre compte quelques heures qu'on vient d'avoir une idée géniale mais qu'il est trop tard. Donc, je propose qu'on prenne son temps. En plus, en ce qui me concerne, je n'exclues pas de jouer l'errance de mon personnage avec Bois-Saule.

Je pense qu'on peut comprendre le principe des Mycorhizes de différentes façon. Toutefois, je vous propose de considérer que ces Mycorhizes qui se trouvent sur les arbres, d'une certaine façon, « captent » les pensées de certaines personnes et les « redistribuent » sous forme d'ondes électriques que d'autres reçoivent et traduisent en mots.
Ainsi, nos messages peuvent contenir une communication directement adressée à un autre personnage (en espérant que celui-ci passe à proximité d'un arbre et capte l'onde) mais aussi seulement les « pensées » du personnage, soit une description de ses actions ou de ce qui se passe autour de lui (action du décor).

On décrit les actions de son personnage, pas de celui des autres.
Quand on décrit l’environnement, on peut confronter son personnage à un problème (une question difficile) voire à un réel danger (monstre...). Si on décrit notre personnage s’en sortant avec trop de facilité, les autres ont la possibilité de nous répondre en nous infligeant une conséquence négative. Par exemple : certes mon personnage a battu ce horla dans la grotte mais... est-ce que cette petite plaie sur mon bras n'est pas en train de s'infecter ou bien n'ai-je pas perdu un objet précieux dans la lutte ?

Nos messages peuvent contenir une description des actions de notre personnage ET/OU une description de ce qui se passe autour de nous (les autres captent les pensées) ET/OU une communication (le personnage s'adresse aux autres). Pour distinguer les pensées du message consciemment et volontairement transmis, le texte de la communication est placé entre 2 ll.

Si un message devait contenir quelque chose qui vraiment ne nous convient pas, on peut le réécrire avec l'option « Revisitation ». Il s'agit de commencer son message par le mot « Revisitation » et de le faire par la version du message qui nous convient mieux. Ensuite, on enchaîne avec notre propre message. Dans l'histoire cela peut se justifier par une action étrange de l'Emprise ou de l’Égrégore qui auraient modifié la réalité ou altéré les perceptions de l'un ou l'autre des personnages, d'où la différence de message.

Sans jouer le rôle de MJ les uns pour les autres, je propose qu'on puisse éventuellement mettre les autres personnages en « difficulté » ou en tout cas les confronter à des situations qui nous paraissent intéressante en leur posant la question. Exemple : ll Je crois que tu es passé près d'une zone avec des grottes. As-tu rencontré des ours ? ll Là, le joueur peut rebondir, répondre que oui et expliquer comment il a vaincu ses ours. Et s'il s'en est sorti un peu trop facilement, les autres pourront lui imposer une conséquence négative. ll Certes, tu as tué cet ours mais... tu as perdu beaucoup de temps. Il va falloir courir si tu veux être à l'heure à notre rendez-vous... ll

Concernant l'action du décor et des figurants, la règle dit « Au cours de cette phase, tu dois amener une situation dangereuse pour l'autre personnage ou lui poser une question gênante. » Peut-être peut-on considérer que nos personnages, pour des raisons inconnues et peut-être à découvrir sont liés plus profondément qu'on ne pourrait le penser par les Mycorhizes. Aussi, peut-être qu'il peut aussi nous arriver d'avoir des visions, des flashs, de ce qui peut leur arriver. Mais, ces flashs décrivent-ils le passé, le présent ou l'avenir ? Ça, on ne le sait pas. Il faudra le demander au personnage concerné.

Mon personnage s'appelle NoAnde. C'est l'ancien shaman du Clan des Arbres. Il est devenu fou après que son peuple fut exterminé par des fanatiques religieux. Dans sa fuite, il a vécu une expérience des plus traumatisantes au terme de laquelle il a voué son âme à Shub-Niggurath. NoAnde est fou, au point qu'il ne sait plus si la tête de sanglier qu'il a sur les épaules est un masque ou sa véritable tête. Il cherche le point de jonction car il est convaincu qu'il s'agit d'un portail vers un autre monde qu'il veut contaminer avec la pestilence de Shub-Niggurath et Millevaux.

Maintenant, à nous de nous mettre d'accord sur la durée, la fréquence, le lieux et l'heure de la jonction. Y trouvera-t-on ce que nous sommes venus y chercher ? On verra bien...

XxXxX

NoAnde :

Voici le premier jour des dix derniers jours. Dans dix jours exactement, je serai à la Porte. La Mauvaise Mère, la Chèvre Noire des Bois aux mille Chevreaux me l'a dit. Dans dix jours, je pourrai passer de l'autre côté. Et avec moi, j'apporterai la Mauvaise Mère, la Chèvre Noire des Bois aux mille Chevreaux. Ce sera mon cadeau à cette nouvelle Terre.
La nuit est brune. Je sors tout juste des Forêts Limbiques où la Mauvaise Mère, la Chèvre Noire des Bois aux mille Chevreaux m'a délivré son message, m'a confié ma mission. Je ne sais ni où je suis, ni quand je suis. Je me rappelle ces hommes tuant méthodiquement et avec acharnement ceux de mon clan. Je me rappelle ma chute et mon errance sous terre. Je me rappelle avoir vu et subi l'influence de la Mauvaise Mère, la Chèvre Noire des Bois aux mille Chevreaux. Je me rappelle avoir accepté mon sort et mon destin. Et puis... Et puis...
Il n'y a aucun bruit ici et cela ne me rassure pas. L'air est saturé d’Égrégore. C'est certainement cela qui a chassé toute vie. Ou plutôt, qui a chassé toute vie capable de s'enfuir. Les arbres, eux, sont toujours là. Avant, ils me parlaient et je rapportais leurs mots à ceux de mon clan. Aujourd'hui, voudront-ils encore me parler ? Je m'approche de l'un d'eux, un vieux Noyer. Je lève le bras et me saisis d'une branche et je sens. Je les sens. Deux présences. Leurs pensées me restent incompréhensibles pour le moment mais je sais qu'elles sont là quelque part et qu'elles aussi sont en route pour la Porte. Qui sont ces présences ? Qui êtes-vous ? M'entendez-vous ? Parlez-moi !
Et dans la nuit brune la lumière se fait. La lumière de la Révélation...

ll Entendez-moi ! Nous sommes liés ! Nous devons nous retrouver à la Porte. Nous avons dix jours. Pas un de moins, pas un de plus. Je me nomme NoAnde. Et vous ? ll

J'espère que ces deux « présences » ne verront pas les images qui défilent maintenant dans ma tête. La grotte souterraine, celle où j'ai été traqué par ce monstre, ce Horla ? Là où pour sauver ma vie j'ai voué allégeance à la Mauvaise Mère, la Chèvre Noire des Bois aux mille Chevreaux. Et pour me récompenser, elle a fait de moi ce que je suis. Elle m'a fait perdre la tête et elle m'a fait perdre la vie...

ll Hey, vous deux ? J'espère que vous n'avez pas vu ça ! Sinon... ll

Z :

Voici le premier jour des dix derniers jours. Dans dix jours exactement, je serai à la Porte. Dans dix jours, je pourrai passer de l'autre côté. Je ne sais pas qui me l’a dit, mais j’y crois, je suis certain qu’il s’agit de la vérité. Je ne sais par contre pas quelle est ma mission… Quoique. Ma mission principale est la suivante : survivre. Survivre dans cet environnement hostile. Survivre de ma maladie. Car, oui, tout ce que je sais de moi, c’est que je suis malade. Aucun souvenir sur mon prénom, mon nom, mon statut, mon origine, mon passé dans son entièreté… Je me sens vide, je me sens seul. J’ai perdu la notion du temps, mes repères géographiques. Je suis perdu… Mais j’ai envie de me battre jusqu’au bout. De rejoindre cette porte et de pouvoir mourir en paix à cause de ma maladie qui me ronge un peu plus chaque seconde.
Je m’approche d’un arbre, je m’y adosse, ferme les yeux, soupire, puis glisse le long du tronc pour me retrouver assis, toujours dos à l’arbre. Je soupire une seconde fois, exténué par ma marche de la journée… Et alors que je suis en train de me blottir dans les bras de Morphée, une voix arrive gentiment à mes oreilles… Ou à mon esprit. Je fronce légèrement les sourcils et tente de me concentrer davantage malgré ma fatigue. Au fil des mots, je me sens de plus en plus confus. Qui est-ce ? S’adresse-t-il vraiment à moi ? Ou alors… S’agit-il simplement de mon imagination qui me joue des tours ?
Malgré ça, je ne peux m’empêcher de ressasser ces paroles… Liés ? La fameuse porte ? Dix jours… Trop d’aspects coïncident. C’est vraiment très étrange. Ensuite, son prénom résonne dans ma tête. NoAnde. Et… Il espère qu’on n’a pas vu quoi ? Et sinon quoi ?!
Mon pouls s’accélère… J’ai peur, je ne comprends pas ce qu’il se passe. Je suis ensuite sujet d’une quinte de toux qui me fait perdre ma concentration et donc ce contact avec l’étranger… Je me rattrape pourtant rapidement.
- Hey !! Moi c’est… Moi c’est…
Quel est mon prénom déjà ?... Mince ! Pourtant, je me souviens de la première lettre, heureusement!
• Je… Appelle-moi « Z »… Qu’est-ce qu’on ne devait pas voir ?


Sans-nom a écrit :
Voici le premier jour des dix derniers jours. Dans 10 jours exactement, je serai à la porte.
La forêt communique et je la ressens, moi, son humble serviteur. Nous ne faisons qu’un, une union parfaite et puissante !
C’est d’ailleurs elle qui me l’a demandé : la protéger coûte que coûte. Des intrus, dans MA forêt ! Que veulent donc ces envahisseurs ?
Je redoute mon arrivée à la porte, aurai-je le temps de remplir ma mission ?

Blotti au creux d’un arbre, mon corps vibre et mes sens sont en éveil : encore une autre voix…
Ces êtres ne me paraissent pas hostiles, mais ce sont justement les plus sournois.

ll Mon identité vous importe peu. Que souhaites-tu cacher à ma forêt, NoAnde ? ll

L’engourdissement me prend, je lutte, me remue un peu, mais mon esprit s’embrume. Qu’étais-je donc en train de faire ?


NoAnde :

ll Moi ? Je n'ai rien à cacher bien sûr ! Là n'est pas la question. Et tu peux parler, toi qui ne veut même pas dire ton nom. Mais peu importe. Si tu m'entends, le malade, décris-moi tes symptômes. J'étais le shaman du Clan des Arbres avant et je peux peut-être quelque chose pour toi. Et puis, vous deux, dites-moi aussi où vous êtes. Nous ne sommes peut-être pas si éloignés les uns des autres. ll
Et c'est tremblant, appuyé à un arbre, que je capte et réponds à ces messages. Je viens à peine de ressortir de cet ancien château. Il fait nuit et il y a toujours ce quelque chose de bizarre dans l'air. Je sens très fortement la présence de la Mauvaise Mère. Je pense que ce lieu est chargé d’Égrégore. Moi, cela ne m'inquiète pas mais, pour d'autres, ça peut être synonyme de danger. Le château d'eau, l'intérieur était envahi par des cafards, des cloportes et autres insectes rampants. Il y en avait partout. Mais je devais aller plus en avant car quelque chose m'attendait, au fond. Je devais aller au delà du dégoût que m'inspiraient ces insectes. Là, je le savais, il y avait du Pétrol'Magie ! Je devais le prendre. Mais ces insectes m'en empêchaient. Pas parce qu'ils sont hostiles ou dangereux. Parce qu'ils sont... repoussants ! J'y suis parvenu évidemment. J'ai surmonté le dégoût. Mais maintenant, tout le monde va savoir que pour me fondre parmi les rampants, j'ai dû devenir moi-même un rampant, devenir moi-même un cafard, un cloporte... Je suis repoussant, encore plus qu'avant…


Z :

J’entends une seconde voix ! Nous sommes donc trois ? Ou même peut-être plus… Je sens une vague d’espoir s’emparer de tout mon être ! Je me colle davantage contre le tronc, de peur de perdre le contact si précieux !
-Je… J’ai mal, j’ai froid. Mais mes poumons me font le plus souffrir. Je peine à respirer et le moindre effort m’est extrêmement désagréable… D’ailleurs, lorsque je force mon organisme un peu plus que ce qu’il ne faudrait, je suis pris de quintes de toux plus ou moins violentes… Comment pourrais-tu éventuellement m’aider ?...
En réalité… Cette idée ne me paraît pas vraiment réalisable… J’ai peur de ce que je pourrais avoir. Et la simple idée de me battre pour sortir d’ici, pour survivre, est toujours désillusionnée lorsque j’ai autant mal et que j’ai l’impression que ma vie me quitte petit à petit… Je reprends pourtant la « parole » pour répondre à sa question.
- Je crois que je me trouve dans une zone avec quelques cerisiers en fleurs… Mais je ne connais pas cet endroit. Il est peut-être plus vaste qu’on ne le pense…
Je finis par ouvrir les yeux pour contempler l’environnement qui m’entoure. Mais la nuit est déjà bien tombée et j’ai du mal à distinguer les formes autour de moi. La peur s’empare à nouveau de moi et je me mets à frissonner sans arrêt. Je reporte mes jambes contre moi et referme les yeux pour revenir prendre ce précieux contact avec les deux autres.
- Je ne sais pas quoi faire… J’ai tellement peur. Qu’est-ce qu’on doit faire ? Savez-vous où est cette fameuse porte ?...
Je sens des larmes couler le long de mes joues. Par pitié, faite que ce cauchemar cesse !…



Sans-nom a écrit :
Enfin, je gagne la lutte pour récupérer mes sens. Je suis bien trop proche de cette nature, et l’égrégore me submerge.
Un vent de panique m’envahit alors : - Forêt ! Laisse-moi accomplir ma mission, et arrête d’encombrer ma voie ! ». Je sais que mes cris se perdront dans l’immensité du lieu, et ma supplication restera vaine.
Que le Shub-Niggurath m’en soit témoin, je suis son émissaire, son allié. Il lui faut des yeux et des oreilles parmi ses présences indésirables.

ll Dis moi, NoAnde, tu es bien sur tes gardes pour quelqu’un qui ne cache rien… N’as-tu pas peur que la forêt te punisse si tu omets la vérité ? Prends garde aux racines. ll

Il ne m’inspire pas le moins du monde. Mon esprit ne sera pas en paix tant qu’il ne se sera pas dévoilé. J’arrive, Shaman…

ll Z, sois prudente. Cette terre peut t’offrir le meilleur comme pour le pire. Sache qu’ici, tout peut basculer en un rien de temps alors fais très attention à ce que tu approches. Un être dans ces bois peut t’être utile, on dit que les Ramedjeru, des belettes aux allures de serpents, peuvent guérir tous les maux. ll Son angoisse est palpable et me parvient, j’ai de la peine pour cette personne. À moins qu’elle ne cache son jeu, elle me semble juste perdue.

J’écarte les feuillages de mon arbre tatoué et j’observe. Le monde sous mes pieds est rempli de ronces, mais elles ne me font pas peur.
Je me laisse glisser le long du tronc pour en descendre, il est temps que je me mette en route.


NoAnde :

Bah ! Pas besoin d'avoir quelque chose à cacher pour être prudent ! Qu'est-ce qui n'est pas dangereux ici ? Je vous le demande ? D'ailleurs...

ll Tu sais ? Nul besoin d'avoir quelque chose à cacher pour être sur ses gardes. Même en tant qu'ancien shaman, je sais bien que la forêt recèle bien des dangers. D'ailleurs, certains d'entre eux m'ont l'air de t'être bien familiers. Ne seraient-ils pas tes amis ? Ne serais-tu pas l'amie des Horlas? ll

Raaah ! Que ces provocations sont vaines. Je suis en train de me laisser détourner de mon but. Je ne dois pas oublier la Porte. La Porte et Shub-Niggurath. Et cette Z, dans quel état est-elle ?

ll Dis-moi, comment tu te sens ? Tu as parlé de cerisiers. Y en a-t-il toujours autour de toi ? Nous ne sommes peut-être pas si éloignés que ça l'un de l'autre. Si tu as besoin d'aide... En tout cas, si tu veux atteindre le Portail rapidement, je te conseille de marcher vers l'Est. ll


Z :

Je hoche la tête lorsque l'une des voix me dit de rester prudente et je me recroqueville un peu plus sur moi-même. Cette voix est chaude, douce, rassurante... Elle me donne le courage et l'envie de me battre.
Je hoche une seconde fois la tête lorsqu'elle me parle de ces animaux fabuleux, prête à aller découvrir davantage le monde pour avoir une chance de trouver et, ainsi, d'augmenter mes chances de guérir.
L'autre voix parvient ensuite à mes oreilles et je décide de répondre.
- J'ai mal et je suis épuisée... Mais il faut que je trouve un Ramedjeru. Je vais me remettre en route, vers l'est, marcher quelques heures. Je verrai bien jusqu'où je peux aller avant que je m'arrête pour faire une pause, pour reposer mes jambes. Et oui, il y a encore quelques cerisiers là où je me trouve. Je vais marcher quelques temps vers l'est et je vous redirai ce qu'il s'y trouve. À plus tard...
J'ouvre les yeux et soupire avant de me lever en grognant un peu. Mes jambes me font encore mal, mais il faut y aller. Je n'ai pas le choix. Alors, en repensant aux sages paroles des deux individus, je me gonfle de courage et reprends la marche.



NoAnde :

Je poursuis mon chemin. Mes pas me mènent jusqu'à des marais. Il fait presque nuit et il règne un silence absolu. J'y vois le signe de l'influence d'un Horla. Je me méfie. Je continue ma route. Je n'ose pas m'arrêter. Prendre un peu de repos serait risquer de m'endormir. Et là, je serais une proie des plus faciles. Alors, j'avance. Je suis fatigué mais j'avance. Je veux quitter cette zone au plus vite. Je m'enfonce au cœur du marais. Je ne veux pas perdre de temps à essayer de le contourner. Je préfère tracer ma route tout droit, quitte à me retrouver en plein cœur de cette région. Le danger est plus grand mais j'y serai exposé moins longtemps. Autour de moi, à mesure que je m'enfonce dans les marécages, jusqu'aux chevilles puis jusqu'au genoux, je vois les plantes autour de moi changer de forme. Plus j'approche du cœur du marais et plus elles sont marquées par l'influence de Shub-Niggurath. J'ai renoncé à la raison et même à la vie. Je me suis voué à la Mauvaise Mère, à la Chèvre Noire. Et pourtant, je la crains toujours. Pour autant, je me rapproche de ma destination. Là, non seulement je trouverai cette porte mais j'y trouverai aussi ces deux autres voyageurs. Eux aussi doivent se rendre à la Porte. L'un d'entre eux pense y trouver un remède à son mal. L'autre a l'air d'avoir une mission envers la forêt. Ça fait un bon moment que je n'ai plus de leurs nouvelles. Je m'approche d'un arbre et pense aussi fort que je le peux :

ll Hé ! Vous deux ! Vous êtes toujours là ? Que devenez-vous ? J'approche de la Porte. Et vous ? Comment se passe votre voyage ? Et toi, l'amie, ta santé ? Tu te sens mieux ? ll

Je pose la question mais je sais que sa santé décline. Je le sens. De toutes façons, comment ne pas décliner dans cette forêt ? Tout décline. La vie n'est qu'un lent déclin vers la mort. La maladie est un voyage plus rapide vers cette dernière. Finalement, la forêt n'est peut-être rien d'autre que la vie en plus rapide ? Même si parfois la route paraît longue.

J'approche du cœur du marais. Il n'y a toujours aucun bruit mais je vois une lueur dans la brume. Je distingue une silhouette également. Elle est maigre et tremblante. La lueur, comme la vie, semble la quitter. La silhouette tombe à genoux dans la boue et la lueur qui était en elle se jette elle aussi dans la boue. Il n'y a toujours aucun bruit. Pourtant, on s'agite sous l'eau. Émerge alors ce que je sais être un nouveau Horla. Issu du mariage de la lueur, du cadavre et de la boue, le nouveau maître des lieux est prêt à prendre possession de son domaine. J'en ai assez vu.

Je m'éloigne, d'abord à pas lents, prudemment, puis je me mets à courir. Je ne m'arrête pour reprendre mon souffle qu'une fois certain d'être sorti du marais. Je crois entendre une voix... dans ma tête ou derrière ?


Sans-nom a écrit :
Comme il me semblait, j’ai passé la zone de ronces sans la moindre égratignure… Mais je ne sais pas combien de temps s’est écoulé. Mes phases d’oubli se font de plus en plus fortes, et je me fatigue vite. Au fond de mon esprit à résonné la voix du Shaman, mais j’étais trop épuisé que pour répondre. Je me force néanmoins à enregistrer ses paroles, il me faudra lui répondre plus tard.

Me voici face à une nouvelle zone, des ruines. Un cimetière, je crois. La contourner me prendrait tellement de temps…Assez pour rater mon rendez-vous avec les intrus et je ne peux me le permettre ! Alors, pas le choix. Je caresse une dernière fois les plantes avant de m’engouffrer dans ce terrain sans vie.
Je suis complètement perdu dans cet immense lieu. Les ombres me survolent sans cesse, et je n’ai aucune nature auprès de laquelle tirer un peu de force et de courage… Cet éloignement me fait du mal, je suis seul pour lutter contre le mal de cette terre.

Une voix me sort de ma torpeur, c’est Z. Je me surprends alors à être content de sa détermination : -Quel imbécile, tu n’es pas là pour te réjouir ! Allez, concentre-toi un peu… Je me secoue vivement et reprends ma marche éreintante.

La fatigue me reprend alors que le mal rode, je le sens… les kilomètres se ressemblent et je ne vois pas le bout. Bientôt, je vais craquer. Mon pied se prend dans les restes d’une tombe et je m’écroule. L’égrégore est là, et je n’ai rien pour m’aider. Je lutte, mais c’est plus fort que moi, je sombre alors dans le néant…


Une Voix ? Oh, ce shaman… J’ouvre doucement les yeux et prends conscience de mon état. Je fais peine à voir, écroulé dans le sable et la poussière. Je me force pour retrouver mes esprits et répondre à tous ces messages que j’ai ignorés :


II Shaman, n’oublie jamais que les horlas vivent à travers chacune de nos peurs. Ils n’ont pas d’amis ! Ne confonds jamais la camaraderie avec une alliance, et je vous transmets la seule chose nécessaire. À savoir, de trouver cet animal pour aider Z. Il me semble qu’elle a besoin de toi, non ?
Je suis tout proche de ta position, je t’entends tellement distinctement…
Z, continues ainsi et la forêt sera ton guide. II

Assis au milieu de ce cimetière et pour la première fois, je commence à craindre cette expérience.


Z :

Chaque pas me blesse les pieds. Chaque pas me fatigue un peu plus. Chaque respiration devient de plus en plus douloureuse... Je gémis, fais un pas de plus, puis un autre, puis... Je m'écroule à genoux dans la boue… Mes oreilles se mettent à siffler. Je prends ma tête entre mes mains, hurle de douleur, me recroqueville sur moi-même... Et je pleure. Le souffle commence sérieusement à me manquer, mes forces me quittent... L'angoisse s'empare de tout mon être, ne faisant qu'aggraver la situation. J'entends finalement les voix des deux autres, mais je n'ai pas la force de leur répondre. J'ai mal. Je suis éreintée. Je n'en peux plus. Je ne peux plus supporter cela... Mes paupières, lourdes, se ferment, je me mets à tousser encore et encore... Le souffle me manque. Je suffoque. Je tente de le reprendre, en vain. Je sombre dans les néants de l'inconscience...



Sans-nom a écrit :
Je ne sais combien de temps je suis resté dans cet état de torpeur, assis dans les crasses à regarder dans le vide. Me suis-je endormi ? Suis-je d'ailleurs toujours au même endroit ? Pas moyen de récupérer la notion du temps.
Ça fait longtemps que je n'entends plus personne, c'est étrange.
Je dois vite retrouver de la verdure, elle pourra me dire, me faire sentir ce qu'il en est deux.

Ma décision prise, je me lève et observe. La fatigue est tellement intense qu'elle me bouffe, je vois flou. Quoi qu'il en soit, je dois continuer.

La reprise de la marche est tellement épuisante ! Qu'importe, je continue à placer un pied devant l'autre.

Les heures passent, et je crois voir enfin une zone plus familière...

Z! Je reconnais sa voix, mais pourquoi ce hurlement ?

Attendez... Était il dans ma tête ou l’ai-je vraiment entendu...?


NoAnde :

ll Oui, tu as bien entendu. Et notre ami va mal. Mais je ne suis pas inquiet. En effet, je viens d'arriver à la Porte et il sera guéri. Ça ne ressemble pas du tout à ce que je croyais. Laissez-moi vous décrire cet endroit. Vous allez bientôt arriver là où trois arbres forment un triangle. Leurs troncs sont reliés par une sorte de voile aux reflets iridescents. Au centre, il y a une femme assise en tailleur. C'est elle la Porte. C'est elle que nous devrons traverser pour quitter cette forêt. C'est elle que tu devras traverser pour être guéri. Elle a les yeux fermés. Je ne sais pas si elle dort ou si elle médite. Son ventre est gros. Il y a quelque chose qui bouge dedans. Ça grouille. Pour l'instant, je reste à l'écart. Je vous attends. Ll


Z :

Je m'éveille enfin... Combien d'heures se sont écoulées? Ou combien de jours?... Oh non... Je n'en sais rien...
Je me lève péniblement et tousse puis je regarde autour de moi... Il faut que je me batte. Allez, encore un petit peu... Un tout petit peu...
Je me remets alors en route et, au bout de plusieurs minutes, je vois enfin quelqu'un. Je ne perds pas une seconde et je me mets à courir vers lui aussi vite que je le peux. Enfin quelqu'un... Enfin...…



Sans-nom a écrit :
Mhhh… J’entends presque physiquement la réponse du shaman, cela veut-il dire que nous sommes tout proches !
Quel tour nous joue donc la nature, pour que la porte soit représentée ainsi ? Je n’y comprends décidément plus rien, elle se joue de nous. La déception m’envahit : comment puis-je vouer mon existence à une vie qui se dit mon partenaire mais me complique la route ?! Bref. Je garde en ligne de vue les arbres et me dépêche d’y arriver.

Je fixe mon but, et vois du mouvement à l’entrée des bois, à quelques centaines de mètres de mon arrivée. C’est rapide, quelqu’un qui court peut-être ? Je prie pour que ce ne soit pas de nouveau une mauvaise chose, mes poils se hérissent.
Je presse le pas, et j’arrive enfin. Je les vois de loin, ces arbres… Et cette personne debout devant. Je m’approche lentement. Mes mains caressent les branches qui m’entourent :

II Shaman ? C’est bien toi. Je suis là, juste derrière. Mais j’ai vu du mouvement, un peu plus loin. Prions pour que soit Z et non un caprice de la forêt…II

J’avance pour être à sa hauteur, mais ce que je vois me stupéfie. Quel est donc ce sentiment que j’éprouve ? Mais surtout, qu’est ce qui bouge là-dedans ?


NoAnde :

Alors les voilà. C’est eux ? Le premier a l’air encore plus mal en point que je ne le pensais. Et l’autre, je ne sais pas quoi en penser justement…
Mais peu importe, ils ne sont là que pour servir les buts que m’a fixé la Mauvaise Mère. Ils serviront de viande afin d’ouvrir le Portail vers cet autre monde que la Mauvaise Mère pourra s’en aller corrompre.
La malade ne posera pas de grandes difficultés, vu son état. Alors, je m’empare de ma lame de pierre et saute sur l’autre ! Il sera le 1er à tomber, pour la gloire de Shub-Niggurath !!


Z :
Je souris mais suis essoufflée comme jamais... Je suis si heureuse de les avoir retrouvés! Enfin...... Ils vont me sauver, je vais survivre grâce à eux... Je veux rester avec eux et sortir de ce cauchemar... Pas question que l'un d'entre nous meure ! Ou que je tue quelqu'un avec ma maladie qui est peut-être transmissible....... Pourtant, je vois l'un des deux sauter sur l'autre pour le tuer... Surprise et sous le choc, je lâche un cri terrifié…



Sans-nom a écrit :
J’entends un hurlement strident et me retourne pour voir ce qu’il se passe. Trop tard, le shaman est déjà sur moi et m’entaille le bras avec son arme de fortune. Je me débats, le repousse du mieux que je peux, mon dernier assaut le fait reculer et trébucher sur une tombe. Ah forêt, merci ! Il s’écroule en criant.

Quel imbécile ! Je vis seul dans des environnements hostiles depuis si longtemps… Je n’ai pas peur d’un misérable pareil, ce traître. Mais, ce fou est tenace. En quelques secondes, il se redresse et me saute dessus plus enragé que jamais.

J’avais raison de me méfier de lui, ma mission n’était donc pas vaine ! Mère Nature, moi, ton fidèle serviteur, je te défendrai au péril de ma vie ! Mais j’en suis certain, je le tuerai !


NoAnde :

Je ne comprends pas. Pourquoi l'autre se défend ainsi ? Il dit devoir protéger la forêt mais... la Forêt est la Mauvaise Mère ! Alors pourquoi se retourner contre moi, son fidèle serviteur qui a tenté de lui ouvrir la Porte vers un autre monde ?
Est-ce que tout cela ne serait qu'une épreuve ? La Chèvre Noire aurait voulu tester ma loyauté et ma détermination ? Mais maintenant, que dois-je faire ? Le sang a coulé. Mais l'autre se jette sur moi. Les voies de Shub-Niggurath sont impénétrables, comme le sont les plus sombres profondeurs de la forêt, là où je m'enfuis afin de panser mes blessures et... penser...


Z :

Mon cri me déchire la gorge à un tel point que je finis par venir saisir mon cou à deux mains, comme pour calmer la douleur... Ma vision commence à se brouiller, mes oreilles à siffler douloureusement, mon équilibre devient précaire... Je veux hurler encore, mais ma gorge me fait tellement, tellement mal. Je finis par tousser de plus en plus fort tandis que mon estomac se noue... Je pensais que nous étions là pour nous entraider, nous sortir d'ici... Mais non... Et si tout cela n'était qu'une illusion?... Je manque de souffle, je tombe à genoux... Je sens une force s'emparer de tout mon être comme une moisissure envahit un fruit ou comme une colonie d'insectes envahit une vieille souche d'arbre... Ma gorge se serre, je ne vois plus rien, n'entends plus rien... J'ai, à cet instant précis, l'impression d'être le néant, mais aussi l'infini... Tout est si proche, mais aussi si lointain...

La mort s'empare un peu plus de mon corps... J'ai l'impression de saigner de l'intérieur... J'ai mal... J'ai tellement mal... Je veux regarder les deux autres, mais j'en suis tout bonnement incapable... J'ai mal. Je suis aveugle. Sourd. Puis... Mort. Je lévite dans un espace d'un noir profond... Aussi vide que plein, aussi petit que grand... Plus rien. Plus aucun son. Plus aucune lueur. Plus rien. Le néant. L'infini... J'ai échoué.... La forêt, la mort, m'a englobé.....…



Sans-nom a écrit :
La bataille continue, mais j’ai mal. Très mal. Mais d’un coup, le shaman s’enfuit. Je veux le poursuivre, mais me rappelle que je ne suis pas seul dans ce lieu. Plus un bruit autour de moi, pas même les cris presque hystériques de Z. Ma vision se trouble, je ne pense pas être en état de chercher. Appuyé contre un morceau de roche, je réfléchis et regarde le sang s’écouler de mon ventre. Et bien, j’avais raison de me méfier de lui… Mais une question pointe alors le bout de son nez : avais-je réellement raison, où tout cela est encore une manipulation à laquelle je n’ai pas été convié.. ? Mère Nature est tellement Grande, jamais elle ne me révélera ses secrets, quel idiot je fais. Qu’importe, j’ai fait ce que j’ai pu. Je crois que mère nature me joue un drôle de tour pour la dernière fois. Alors que je m’enfonce doucement dans le néant, je souris.



Commentaires de Thomas :

A. «  Mon personnage s'appelle NoAnde. C'est l'ancien shaman du Clan des Arbres. Il est devenu fou après que son peuple fut exterminé par des fanatiques religieux. [...]. Il cherche le point de jonction car il est convaincu qu'il s'agit d'un portail vers un autre monde qu'il veut contaminer avec la pestilence de Shub-Niggurath et Millevaux. »

Sympa ton perso :)

B. Vous faites des posts nettement plus longs que ce que j'avais en tête quand j'ai conçu le jeu, vu qu'il était avant tout conçu pour du jeu par SMS / smartphone, mais c'est cool :)

C. «  j'ai dû devenir moi-même un rampant, devenir moi-même un cafard, un cloporte... Je suis repoussant, encore plus qu'avant... »

Oh, un cafard à tête de sanglier, mignon :)

D. Finalement, as-tu utilisé du Bois-Saule pour meubler tes RP ?

E. Sans-nom : «  II Shaman ? C’est bien toi. Je suis là, juste derrière. Mais j’ai vu du mouvement, un peu plus loin. Prions pour que soit Z et non un caprice de la forêt…II

J’avance pour être à sa hauteur, mais ce que je vois me stupéfie. Quel est donc ce sentiment que j’éprouve ? Mais surtout, qu’est ce qui bouge là-dedans ? »

Je trouve très élégant comment le joueur de Sans-nom introduit, sans sortir de son personnage, une adversité ou un mystère dans le climax de fin, en vous laissant rattraper la balle au bond.

F. La particularité de votre partie c'est que vous faites jamais le MJ pour les autres, alors que c'est ce que prévoit le jeu. Mais l'important, c'est que ça fonctionne pour vous. Le résultat est plus immersif : on lit juste des journaux de bord et des monologues.

G. En lisant la confrontation finale, j'avais un peu peur, parce que vous restez en RP pour résoudre les résultats des attaques, alors que selon les procédures, on pose des questions, on s'assure que c'est bien clair que chaque joueuse décide de soi-même si son perso survit aux attaques. Mais vous vous en sortez bien, donc c'est cool.

H. J'aime bien la fin en cliffhanger :)

I. J'ai trouvé que tes partenaires de RP s'en sortaient bien ! Comment ils/elles ont vécu l'expérience ?


Réponses de Damien Lagauzère :

A. hé hé, j'ai repris le tout premier NoAnde que j'ai joué pour Millevaux 🙂 il avait mal fini…

B-la longueur doit tenir à ce qu'on a joué via la messagerie de FB et puis, par expérience, je sais qu'Allicia aimant beaucoup le RP textuel, elle a du mal à faire court XD. pour le D, je ne sais plus mais c'est fort probable car je le ressors souvent pour mes partis «  en forêt ».
n
F. Je crois que ça tient là encore à nos expériences passé de RP textuel qui ressemble plus, je trouve à de l'écriture à 4 mains ou du cadavre exquis. j'avais fourni les règles aux deux autres joueuses mais en partant du principe que les règles ne devaient pas être un carcan non plus et que le plus important restait l'histoire. et pour le dernier points… et bien je ne sais pas trop en vérité ^^ c'est vrai qu'on a pas spécialement débriefé. dans un autre genre, quoi que, j'ai testé La Sorcière de l’écorce, et… c'est vrai que ça rend carrément pour du Millevaux. Ses tables de rencontres aléatoires sont intéressantes et pourraient bien se mixer avec celles de Bois-Saule, justement. et il y a tout un bestiaire qui me plaît bien aussi. bref, je l'ai inclue à ma campagne actuelle ^^
Outsider. Énergie créative. Univers artisanaux.
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