Le bilan !
JB nous a proposé une campagne en hexcrawl avec un objectif central évident et une large liberté d’action, un peu à la manière d’une
Tomb of Annihiliation avec une carte plus petite. Pour les amateurs de nomenclature, malgré la présence d’une carte à explorer, il faut bien retenir que, dans les deux cas, ce ne sont pas des bacs à sable : les objectifs sont clairs dès le début, le ton est posé, ce ne sera pas à la tablée de « créer le jeu » sur place et de le tirer dans la direction qu’elle souhaite ensuite.
C’est somme toute assez proche de sa structure fétiche du 7 hex, un « point crawl » si vous voulez, si ce n’est qu’il avait envie d’ajouter une couche d’exploration — d’où l’étalement de la carte, qui le transforme en « hex crawl ». Malgré tout, on pourrait imaginer le même module en 7 hex, je crois bien, sans trop l’altérer :
Neuvaine // Le village d’Hotenow // Le village du pont // L’En-Bas // La Haute Forêt // Flech-Eor et Port Courage// Les crocs du Ver.
Comme par hasard, ça colle ! Ça ôtera peut-être de la rejouabilité au module, mais l’énorme avantage de cette manière de fonctionner, c’est bien sûr le ton, donné d’emblée, ce que le CR reflète bien, je crois, du moins c’était son objectif. Il y avait une forte envie d’old school du côté de JB, un parfum de risque qui devait flotter tout du long, des aspects médiévaux très forts, une gestion du matériel plus poussée. C’est grâce à tout cela que des éléments caractéristiques se sont rapidement imposés en jeu : la piété des personnages, l’importance des montures, l’ancrage géographique, en particulier. La superstition, enfin : le surnaturel n’y était pas traité comme ordinaire, un point important de l’ambiance obtenue. De ce point de vue, c’était une
totale réussite dont notre MJ peut être fier. Mieux encore : j’ai le sentiment qu’elle sera transposable, une fois le module écrit ; autrement dit, les MJs qui se lanceront à leur tour dans l’aventure l’obtiendront sans trop de mal, du moment qu’ils respectent un ensemble assez simple et restreint d’instructions préliminaires.
Les plus fins lecteurs (et mes camarades de jeu) auront sûrement noté, néanmoins, un glissement progressif, de la low à la high fantasy, au fur et à mesure que s’élevaient les enjeux. J’y suis sûrement pour quelque chose avec le changement de perso (j’y reviendrai), mais ça correspond aussi à une progressions sur 6 niveaux, plutôt que sur 4, et à un finale contre « une entité supérieure » plutôt que, disons, aux pieds de Neuvaine face à la Horde. Moi, ça ne m’a pas gêné du tout,
au contraire. Déjà parce que je suis sûrement le moins attaché à l’esprit old school de la bande, ensuite parce que j’aime la variété, les twists, les révélations successives, les élargissements de ce genre, en pelures d’oignons inversées (plus on l’épluche, plus il grossit).
Les personnages avaient, dès le départ ou presque (disons à la fin de la première séance), un objectif à remplir : défaire la Horde. Cet objectif amenait une certaine urgence, très compatible avec le format envisagé, peut-être un peu moins avec la composante exploratoire. Nous avons finalement suivi des routes directes, au détour par l’En-Bas près. JB a pu toutefois nous sortir deux petits systèmes d’exploration de son cru, dont je le laisse faire le bilan. Côté joueurs, ils ont fonctionné honorablement, mais il faut en établir la rentabilité, le quotient boulot nécessaire avant et pendant/effet obtenu à table. Je ne suis pas certain qu’il ait encore trouvé sa
silver bullet, mais le module ne l’exigeait pas vraiment de toute façon. (Et, pour moi, l’énorme table sur double page de ToA, gérée par biome, avec longs paragraphes descriptifs à la clé pour chaque rencontre, est imbattable de ce point de vue… du moment qu’on n’a pas à la créer nous-mêmes !)
Sur un
plan plus personnel, j’ai donc pu incarner deux personnages différents qui m’ont beaucoup plu dans leur genre et ont chacun servi à merveille leurs objectifs respectifs. Jeanne a établi le ton, elle a posé les enjeux avec une clarté remarquable. Je l’ai trouvé extrêmement attachante, même si psychologiquement transparente, monolithique. Si elle n’avait pas été ainsi lâchement assassinée par les elfes de Yanar-Yakal, il aurait fallu qu’elle se rompe, d’une manière ou d’une autre, et j’aurais été bien embêté. Par ailleurs, j’aime assez l’esthétique du clerc de bas niveau, moins ensuite. Je me suis ouvert ici même de mes doutes sur l’arme spirituelle et ça ne fait qu’empirer avec les sorts suivants, souvent difficiles à dissocier de la magie pure et simple. Et dans ce cas-là, autant prendre un mage ! D’où :
Éli est venue élargir le propos, elle me donnait les coudées franches pour introduire des éléments plus originaux, plus exotiques, plus fantastiques. Elle a finalement accompagné ce passage vers la high fantasy. Un autre point important aussi : elle m’a permis de mettre un pied dans le world building, ce qui a été aussi le cas de Bran, dirais-je. Comme il s’agissait de deuxièmes persos dans les deux cas, nous avons pu à travers eux poser des éléments qui ont eu un poids indéniable dans la partie ensuite, très utiles et efficaces pour s’approprier le monde. La classe du Warlock convenait mieux, trouvé-je, à l’ambiance à la fois sombre et féérique dans laquelle nous baignions. Par ailleurs, la version « pacte du grimoire » a aussi ce petit parfum old school un peu crado de Melniboné, de magie corruptrice et fondamentalement vicieuse. Bref : moi ça me convenait à fond, et mes camarades ont eu l’amabilité de jouer à merveille l’étrangeté de leur côté. Et pour le coup, le CR en a largement bénéficié, au moins du point de vue du plaisir d’écriture : Éli est un personnage très plaisant à mettre en scène.
Côté
ludique, bon, on avait l’horloger aux manettes, je ne vous cache pas que c’est assez confortable. Par ailleurs, on était assez loin d’être un groupe d’optimisateurs nés. J’étais le plus vicieux de la bande de ce point de vue, c’est dire (Éli, tout bien considéré, est assez loin du potentiel de destruction maximum, quant à Jeanne, elle était parfaitement standard). Nous étions donc dans un monde très clairement dangereux et qui l’a bien montré, et qui l'aurait tout aussi bien été avec des persos mieux armés que nous, à mon avis. JB n’hésite pas à aller piocher du streum là où ça fait mal. La fin de campagne a clairement bastonné plus que le début, mais je ne crois pas que nous ayons vécu le moindre combat
ennuyant, parce que les enjeux étaient toujours là : narratifs (pas de fillers) et ludiques (pas de rencontres mal branlées).
Conclusion (j’aurais sûrement plus à dire encore mais bon, c’est pas comme si j’avais pas déjà passé beaucoup de temps sur ce CR ; si vous en voulez plus, posez des questions !) :
A+,
would gladly replay. Les persos ressortiront-ils un jour ou l’autre ? Peut-être bien. Si JB se sent de monter une campagne un peu plus « planante et planaire », ce serait avec grand plaisir. Mais, d’ores et déjà, elle a posé un jalon et ne se fera pas oublier de sitôt ! J’espère que beaucoup d’autres pourront s’éclater avec la version publiée qui ne saurait tarder (enfin, si, elle saurait, mais elle finira bien par arriver rassurez-vous !).