Entreprise (2001-2005) a longtemps été le mouton noir de la franchise
Star Trek. Elle est peut-être sortie au mauvais moment. Son générique, déjà, est... surprenant, avec sa reprise américaine d'une chanson un peu ringarde de... Rod Stewart, au lieu du symphonique spatial de bon goût auquel
TNG, DS9 et
VOY nous avaient habitués. Sa troisième saison a globalement déplu, voire choqué les fans parce qu'elle rompait, en apparence, avec l'humanisme de
Star Trek. Et surtout, elle n'a clairement pas été suffisamment soutenue par les producteurs et a pâti des remous au sein de Paramount à l'époque. En témoignent le fait qu'au même moment, c'est un film
Next Generation (
Nemesis) qui sort au cinéma, qu'elle a été supprimée au bout de quatre saisons et que son dernier épisode, mené par des personnages de
Next Generation comme un épisode fantôme de cette série, est littéralement une insulte à tout le travail de l'équipage et de son casting. Aprè
s la fin d'
Enterprise, on entre dan
s la
première période depuis 18 ans où aucune nouvelle série
Star Trek n'est diffusée à la télé et il faudra attendre quatre ans pour avoir du neuf dans la franchise, avec le reboot de 2009 au cinéma, qu'on aimera ou pas.
Et pourtant, aujourd'hui, j'ai l'impression que la cote d'
Enterprise est remontée, parce qu'on a vu bien pire depuis, et aussi parce qu'une fois l'ambiance post 11 septembre passée, il faut reconnaître que la série a beaucoup de qualités, que sa saison 4, avec l'arrivée du showrunner Manny Cotto, fan de
TOS, est peut-être ce qui a été fait de plus proche de la série originale, et que c'est globalement une série sympathique, avec un équipage très sympathique, même si très américain, et un capitaine encore plus sympathique, Jonathan Arche
r (ce bon vieux Scott Bakula de
Code quantum). Et ce capitaine est même tellement sympathique qu'il a un chien. A bord.
Enterprise, ce sont les débuts de l'humanité dans la galaxie, dans le premier vaisseau terrestre capable d’atteindre la vitesse de distorsion 5 (waou), l'Enterprise NX-01. L’histoire se déroule au XXIIe siècle, une centaine d’années avant les aventures de Kirk et Spock. La Fédération n'existe pas encore. On commence tout juste à s’aventurer au-delà du système solaire pour explorer l'espace et nouer des contacts. Cette série, c'est un peu "les bleus dans l'espace". On se lance dans le grand bain, avec l'enthousiasme et l'esprit pionnier des grands découvreurs. Ce sont les premières rencontres avec les Klingons, les Andoriens, les Tellarites, ainsi que les premières tensions et alliances qui en découlent. On se fait souvent bananer par plus malin que soi. On se fait chaperonner de manière vraiment pénible par les grands voisins Vulcains qui, clairement, méprisent une espèce aussi impulsive et irrationnelle que le terrien. On n'est pas toujours bien accueilli. Mais globalement, on s'en sort, avec cette espèce de sagesse des rednecks et l'inventivité de ceux qui sont obligés de se débrouiller avec trois bouts de ficelle.
Le design global du vaisseau, des uniformes, de l'équipement, avec ce côté low tech pour
Star Trek, est vraiment réussi et a plutôt bien vieilli. NX-01 est moins avancé technologiquement que les vaisseaux des séries ultérieures et que ceux des espèces que l'équipage rencontre, ce qui ajoute une dimension réaliste. Il faut clairement faire gaffe quand on croise le vaisseau d'un peuple plus avancé : on n'est pas sûr d'avoir le dernier mot en cas de confrontation.
Les thèmes principaux, ce sont donc bien sûr l’exploration spatiale - et la série met vraiment en avant la curiosité humaine-, la diplomatie et les difficultés de la coopération inter-espèces, les conflits moraux, notamment la question de l’interventionnisme et de la Prime Directive, qui n’est pas encore officiellement en vigueur, et les origines de la Fédération. On voit aussi comment certaines technologies emblématiques (les transporteurs, les boucliers, les communicateurs) ou certaines procédures (la Red Alert) sont mises en place, avec quelques clins d’œil aux autres séries évidemment.
Côté équipage, c'est presque du 100% humain, avec des personnages très proches de nous : Hoshi Sato, la linguiste plus ou moins japonaise en manque de confiance en soi ; Malcolm Reed, l'officier tactique anglais procédurier et pince sans rire (qui invente la « Reed » Alert) ; Trip Tucker, l'ingénieur intrépide, avec son bon accent de sudiste ; Travis Mayweather, le timonier afro-américain, qui fait partie des premières générations d'humains nés dans l'espace ; et Archer, le capitaine optimiste, idéaliste, inventif et sympathique (on l'a déjà dit) qui apprend la diplomatie sur le tas. Il y a un côté très Yankee dans cet assemblage, comme si l'idée des showrunners était de mettre en scène des personnages plus proches du public américain du début du XXIème siècle que des personnages plus évolués de
Next Gen. Deux aliens à bord tout de même : le Docteur Phlox, un Dénobulien aux coutumes vraiment étranges, mais qui est une incarnation de la curiosité, de la tolérance et du philosophe optimiste, et qui apporte une touche d'humour et de sagesse ; et T'Pol, l'officier scientifique et officier de liaison Vulcaine... froide, supérieure, méprisante (qui se contrôle en permanence pour supporter les odeurs corporelles humaines et celles du clébard), mais évidemment compétente, et qui va s'ouvrir progressivement à cet équipage de débutants... et que les créateurs de la série ont revêtu, comme Seven of Nine, d'une combinaison moulante pour attirer l’œil mâle... Cette sexualisation de certains personnages et certaines situations (avec une scène de décontamination dès le premier épisode) a également été critiquée. Aujourd'hui, cela pourrait prêter à sourire. On est très loin de ce qui a pu être fait plus tard dans
GoT,
Vikings et autres
Spartacus, même si c'est le regard masculin qui domine encore dans
Enterprise.
Il y a vraiment trois périodes dans la série. La première, dans les saisons 1 et 2, est centrée sur l'exploration, avec deux intrigues récurrentes intéressantes : la relation avec les Vulcains, entre mentorat et mépris, qui est tout sauf facile, avec de belles surprises sur nos grands cousins un peu coincés ; et une idée formidable, celle de la Guerre Froide Temporelle, dans laquelle une entité ou une organisation venue du futur semble tout faire pour piétiner les efforts de l'humanité. Dans la saison 3, un événement perturbateur rompt le bel optimisme de la série : la Terre a été bombardée par un peuple inconnu, les Xindi, qui veulent détruire l'humanité pour des raisons totalement obscures. 7 millions de victimes. Ce fut, pour beaucoup, la saison de la rupture : tout cela fait écho au 11 septembre encore tout proche, et l'équipage se mue en vaisseau de reconnaissance et d'infiltration dont la mission est simple : identifier, localiser, et mettre hors d'état de nuire les Xindi. Archer devient vraiment impitoyable et prêt à tout pour éviter la destruction de la Terre, ce qui le conduit à certains actes désespérés, impensables en contexte
Star Trek. Même s'il se rend compte de ses errances, et que la conclusion de la saison rachète cette ambiance controversée de commando suicide, le mal est fait, et la série ne s'en remettra pas.
Dommage : la quatrième saison, centrée sur la formation de la Fédération et l'exploration de thèmes/races/intrigues abordées dans la série originelle, est vraiment très bonne ! On y retrouve la relation avec les Vulcains, plus équilibrée, beaucoup de négociations, notamment avec les Tellarites, l'arrivée des Romuliens, les Augmentés, et pas mal d'escarmouches avec les Andoriens, peuple très passionné, dont le principal représentant, le commandant Shran, devient un personnage récurrent et attachant (Jeffrey Combs). Le dernier épisode apparaît presque comme un désaveu. La dernière mission de NX-01 est présentée par Riker et Deanna Troi de
Next Generation comme une archive du holodeck. Même si cette mission se conclut par un événement très important, l'épisode laisse un goût amer, comme si on avait voulu donner le dernier mot de la série à des personnages plus prestigieux. En réalité, c'est l'annulation brutale de la série qui a obligé à écrire et tourner l'épisode pour raconter de manière résumée tout ce à quoi Enterprise aurait dû aboutir en sept ans au lieu de quatre. Scott Bakula était très en colère et même les détracteurs de la série ont trouvé cette fin irrespectueuse.
Je pense qu'
Enterprise, avec le recul, peut être une bonne porte d'entrée pour
Star Trek (en dehors de la série originelle, qui reste la meilleure introduction), parce qu'elle plonge dans les bases de son univers. Elle offre aussi aux fans de longue date des réponses à des questions longtemps irrésolues. Plus accessible aussi, car moins technique que les autres séries, elle est finalement très humaine, avec un équipage moins parfait et plus modeste que l'humanité utopique des siècles suivants.
Parmi les bons épisodes, on peut conseiller :
- 1x1 et 1x2, Broken Bow, le pilote en deux parties, de très bonne qualité ;
- 1x7, the Andorian incident, qui introduit la relation très très tendue entre Andoriens et Vulcains ;
- 1x21 Vox Sola, un bon épisode de rencontre du troisième type ;
- 1x26 Shockwave : excellent cliffhanger de la Guerre froide temporelle (et sa conclusion en 2x1)
- 2x2 Carbon Creek : un crash vulcain dans l'Amérique des années 50, belle histoire
- 2x4 Dead Stop, une station spatiale trop belle pour être vraie
- 2x16 Future Tense : quelle est cette capsule venue du futur ?
- 2x23 Regeneration, avec une race qu'on ne s'attendait pas à croiser ici ;
- 2x26 The Expanse, l'attaque xindi qui va lancer la troisième saison, pour le meilleur et pour le pire
- 3x8 Twilight : amnésie
- 3x10, Similitude, avec un dilemme moral impossible
- 3x13, Proving Ground, un bon épisode Andorien
- 3x14 Stratagem, l'un des bons épisodes de la guerre contre les Xindi, où l'on privilégie la ruse à la force
- 3x19 Damage : la fin justifie-t-elle les moyens ?
- 3x22 The Council, vers la conclusion de la guerre, une solution en vue
- 4x6 The Augments, les enfants d'Arik Soong (avec Brent Data spiner)
- 4x7, 4x8 et 4x9 The Forge, Awakening et Kir'shara, une trilogie sur Vulcain, qui marque un tournant dans la politique intérieure des oreilles pointues
- 4x12, 4x13 et 4x14 Babel One, United, et The Aenar, une bonne trilogie andorienne, avec la découverte de leur branche cachée
- 4x16 Divergence, avec un virus klingon
- 4x18 et 4x19 In a mirror Darkly, dans l'univers miroir
- 4x21 peut-être un meilleur dernier épisode que le suivant (avec Paul Robocop Weller)