Nichal a écrit :Ca me fait me demander dans quelle mesure ODD a été ultra confidentiel en France. Quel est le vrai point de départ du jdr en France ? La Holmes avec sa traduction ajoutée à la machine à écrire à la demande d'une boutique parisienne ou bien les premiers volumes d'ADD ?
C'est une question sérieuse, ma pratique ne commençant qu'en 1985.
Je dirais que c'est le magazine Jeux et Stratégies qui a été le principal vecteur de la massification de la pratique dans un premier temps, Casus étant à diffusion très confidentielle au début. En 1985, D&D (boite rouge en Français) était crédité de 4 coeurs dans leur guide de Noël, la plus haute note, avant d'être rétrogradé à 3 coeurs en 1987, de mémoire à cette époque, ils considéraient qu'il y avait mieux en termes de JdR.
Le dossier "Donjons et Dragons… et autres jeux de rôles" de Jeux et Stratégies du numéro 18 (décembre 1982) est à ce titre éclairant : il permet de dater de 1982 l'explosion du JdR sur le vieux continent avec "le développement spectaculaire des jeux de rôles" à la 8ème Games Day de Londres où pour la première fois les JdR occupent plus de la moitié de l'espace ludique. D&D y est sacré "Meilleur Jeu de Rôles", devant Runequest et Traveller. Pour les nostalgiques, Squad Leader était premier dans la catégorie jeux historiques, Othello dans la catégorie des jeux abstraits, et Risk était 2ème dans la catégorie des jeux familiaux derrière - aïe - le Monopoly. Je précise qu'il ne s'agissait pas des "jeux de l'année", mais des jeux les plus soutenus par le public dans l'année.
Quant au JdR en France, le numéro en question précise que "si la vogue des jeux de rôle semble aborder que lentement la France, elle est sans aucun doute inexorable". A ce moment-là, Dungeons et Dragons s'est vendu à 2 millions d'exemplaires dans le monde, ADD à 1,5 millions. Côte traductions, l'article en question nous donne droit à un "Demandez au vendeur : de nombreuses traductions circulent, dont celles de la
boite de base de D&D (chut, il ne faut las le répéter, ce sont des productions fidèles mais …
pirates)". De quelle boite de base s'agit-il ? D'un "basic set" contenant un fascicule de règles, un module et des dés spéciaux. La photo permet d'identifier sans peine la version Moldway de 1982. Quand aux traductions pirates, peut-être que l'article fait référence outre la version machine à écrire à la version pirate publiée par Solar début 1982. En tout cas, seul D&D bénéficie alors d'une traduction (pirate), ADD n'étant pas traduit.
De façon intéressante, les illustrations accompagnant l'articles comprennent le matériel pour ADD ! La mention de la pratique du système D&D et ADD dans les clubs les mets à égalité, tous les deux étant "très fréquemment pratiqués".
En tout cas, tout a été fait pour préparer le public français en amont de la sortie de la première traduction par TSR de la boite rouge, en 1983.
Allez, on remonte le temps : la première occurrence des JdR dans J&S date en fait du numéro 4 (août 1980), dans un article signé Froideval (évidemment) et Michel Brassine. Il mentionne le club de l'ENS comme lieu de pratique, quand à la version pratiquée, l'iconographie est très claire : il s'agit soit du Basic Set (1979), soit des règles Advanced qui sont présentées comme la suite du Basic Set. A cette époque, D&D était très confidentiel, (il n'y a que 3 boutiques à Paris qui en vendent, et comme tout club, l'article renvoie à … la FFJSST - Fédération Française des Jeux de Simulation Stratégiques et Tactiques). Ce numéro présente également
le premier jeu de rôle Français, signé Froideval et intitulé
Le château des sortilèges. En fait de jeu de rôle, il s'agit surtout d'une sorte de jeu de plateau à saveur "jeu de rôle", où chaque joueur pousse un pion-personnage qui va être confronté à des embûches (pièges, monstres) et récoltera des trésors. Mais contrairement aux jeux de plateau traditionnels, l'innovation est qu'il n'y a pas de gagnants : le seul but du jeu est de "quitter le village à la conquête du chateau de Doom et y revenir, vivants ce qui n'est déjà pas si mal, et si possible, les bras chargés de trésors".
Donc, ma rapide conclusion - encore faudrait-il que je regarde les vieux casus - c'est qu'il n'est nulle part mention de la version ODD qui a du rester confidentielle assez longtemps. Froideval est très certainement la personne la mieux placée pour nous dire ce qu'il en était.
En tout cas, désolé pour ce moment d'érudition complètement inutile, mais merci pour m'avoir fourni l'occasion de me replonger dans les vieux J&S, ça m'a fait ma soirée.