CasusNO

Je suis tombé sur cet article du blog "Gnome stew" sur l'utilisation des rêves dans le jeu de rôle (c'est en anglais mais si vous utilisez DeepL Translator pour le traduire vous comprendrez bien de quoi il en ressort).
Je trouve que la façon dont il pose le problème est intéressante. Mais il est succinct, lance quelques pistes intéressantes et n'aborde la question que d'un point de vue -presque trop- psychanalytique.
Or le rêve est une source d'inspiration passionnante.
Il peut être un moyen de communiquer avec les dieux ou avec un monde parallèle. Pour le DM, de faire passer des informations aux joueurs de manière énigmatique. De puiser dans une source magique inaccessible autrement. De lire l'avenir...
Il existe de nombreuses pistes sur lesquelles se reposer pour l'utilisation des rêves en jeu de rôle.
- Artemidore d'Éphèse qui à écrit l'onirocriticon. Il s'agit du premier traité d'analyse des rêves dans l'antiquité.
- les amérindiens considéraient que le rêve était une porte ouverte vers l'autre monde (cf Serge Bramly - terres sauvages-)
- HP Lovecraft a exploité l'idée de manière très poétique dans ses nouvelles - la clé d'argent- et - à la recherche de Kadath l'inconnue-

 

Coïncidence, dans ma bibliothèque, j'ai retrouvé le supplément GURPS pour la série télévisée mythique Le Prisonnier...
http://www.sjgames.com/gurps/books/prisoner



Le scénario de cette série (qui se limite à seulement 17 épisodes !) reste encore sujet à de nombreuses tentatives d'explication...
Patrick McGoohan semble avoir définitivement gardé les clés de son histoire. 
Une hypothèse voudrait que, finalement, le spectateur assiste simplement au délire d'un fou, une hallucination, ou un rêve.
Une hypothèse qui m'est tout à fait personnelle est que le N°6 est un gars effectivement endormi quelque-part mais son esprit est prisonnier d'un univers virtuel...
En fait toute son aventure serait une tentative pour briser son esprit, mais par le biais d'une projection dans un univers synthétique (ce qui expliquerait aisément l'ambiance souvent surréaliste de la série).
Maintenant, qui est vraiment le N°6, et qui a programmé le délire virtuel où l'on a plongé son esprit, là...

Le livre Mener des parties de jeu de rôle (http://www.legrog.org/jeux/documentatio ... de-role-fr) consacre un chapitre aux scènes spéciales, dont le rêve. je ne me rappelle plus trop ce qui était dit, si ce n'est que j'avais trouvé les idées très intéressantes. J'essaierais de m'y replonger pour faire un retour.

@Lord Foxhole

Si cette hypothèse est vraie cela confirme que la série était vraiment en avance sur son temps. Parce qu'imaginer un univers synthétique avant même l'invitation des jeux vidéos, des réseaux et de la sortie du film Tron, ça c'est de l'avant garde !

Qui Revient de Loin a écrit : ↑jeu. déc. 14, 2017 1:11 pm Le livre Mener des parties de jeu de rôle (http://www.legrog.org/jeux/documentatio ... de-role-fr) consacre un chapitre aux scènes spéciales, dont le rêve. je ne me rappelle plus trop ce qui était dit, si ce n'est que j'avais trouvé les idées très intéressantes. J'essaierais de m'y replonger pour faire un retour.

Je ne connaissais pas ce livre. J'ai regardé le casting des auteurs. Il y a du lourd. Du coup ça m'intéresse beaucoup de savoir qui a parlé des rêves dans le Jdr et les idées proposées.

Rascal a écrit : ↑ven. déc. 15, 2017 4:47 am Si cette hypothèse est vraie cela confirme que la série était vraiment en avance sur son temps. Parce qu'imaginer un univers synthétique avant même l'invitation des jeux vidéos, des réseaux et de la sortie du film Tron, ça c'est de l'avant garde !

Descartes, dans ses Méditations Métaphysiques, était aussi précurseur de Matrix et du virtuel indiscernable du réel : il invente un Malin Génie qui nous trompe sur l'existence d'un monde extérieur et nous rendrait difficile la preuve de son existence, indépendante de nos perceptions abusées...

Le Mythe de la Caverne de Platon va aussi un peu dans ce sens : sauf à se baigner sous le soleil de la vérité, nous sommes enchainés dans la caverne, condamnés à prendre des ombres mouvantes pour des objets réels, faute de références autre que nos sens imparfaits. (ce qui rejoint aussi la distinction noumène/phénomène de Kant)

D'ailleurs ça me donne une idée de scénario philosophico-mystique pour Cthulhu, avec des indices autour de ces philosophes, et des pjs qui comprennent lentement qu'ils sont prisonniers d'un rêve, sans savoir quand tout a basculé.

Et je recommande, sur ce thème, l'Oeil dans le Ciel, de Philip K. Dick sur lequel je ne peux rien dire sans spolier, mais qui est un bijou sur ce thème du rêve et de la perception tronquée/dénaturée/subjective.

Edit : également, une version philosophique modernisée, le "Cerveau dans la cuve"
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cerveau_dans_une_cuve

merci pour le conseil Kdickien. Je ne connais pas ce roman. Je vais le lire. La perception trompée est un thème récurent chez K.Dick. Mais c'est souvent à cause de l’absorption de drogues. C'est la même chose dans l’œil dans le ciel ?

Edit : le brillion noir de Matthew Hughes est un très bon petit roman de sf à l'atmosphère vancienne où le héros doit trouver la solution à ses problèmes dans le monde des rêves.

Question "philosophique" récurrente dans les parties se déroulant durant le rêve des personnages : la mort, les blessures infligées dans un rêve se répercutent elles sur le personnage endormi ?
et que faire des objets, reliques, trésors trouvés durant un voyage onirique ?

Bon je vais spoiler.
Bouquin excellent, qui doit pouvoir servir aussi d'inspiration pour la Méthode du Docteur Chestel, j'imagine.

Fabulo a écrit : ↑ven. déc. 15, 2017 9:39 amBon je vais spoiler.

Spoiler:

Dans l'Oeil dans le Ciel, plusieurs individus sont reliés entre eux télépathiquement, suite à un accident nucléaire. L'auteur ne s'appesantit pas sur le pourquoi du comment (mais ça n'est pas une drogue).

Donc, on a X,Y et Z qui sont projetés tous dans un univers (virtuel) identique au nôtre à ceci près qu'il est la version idéalisée de X.
Puis ils basculent tous dans la version idéalisée de Y, puis de Z...

Concrètement, ça signifie que si X est croyant, les protagonistes se retrouvent dans un univers où Dieu existe, où le plus court chemin vers le succès est la prière, où la Terre est au centre de l'univers, où les hiérarchies religieuses prévalent sur les autres, où la science est inutile ou foireuse, etc.

Lorsqu'ils se retrouvent dans l'univers idéalisée de Y, une femme naive, gentille et puritaine, alors l'univers est comme le nôtre mais peu à peu des divergences apparaissent : les gens sont asexués, les rats et vermines n'existent pas, tout est lisse et bisounoursesque, on passe son temps à boire la tisane et se soucier de bagatelles, etc...

Les protagonistes réalisent le piège au premier tiers du roman et commence alors une luttre de chacun pour tenter de retourner dans le réel avec la question de savoir si un univers subjectif idéalisé, aussi "parfait" soit il a priori, est préférable à l'univers réel, avec ses travers et ses imperfections.
Ca secoue les neurones en incarnant dans une histoire des réflexions multiples.

Bouquin excellent, qui doit pouvoir servir aussi d'inspiration pour la Méthode du Docteur Chestel, j'imagine.

je lirai ton spoiler après avoir lu K.Dick !!!
 

Sur les blessures, on peut avoir plusieurs angles pour les envisager :

*Reflet dans le réel des blessures oniriques par psychosomatisme (https://fr.wikipedia.org/wiki/Psychosomatique)
*Laisser le doute : rêve ou réalité ? impact des blessures de l'un dans l'autre ? "On tirera ça aux dés quand vous vous réveillerez, il y aura 50% de chance" ?
*Transposer les blessures physiques oniriques en traumatismes (blessures psychologiques)
*Transformer les implications :  "si quelque chose vous tue en rêve, elle pourra passer dans la réalité avec vous"
*etc.

Lors d'une campagne de Cthulhu, j'avais géré une petite séquence onirique.

Au coeur des Midlands anglais, dans les années 20, les PJ s'égarent dans une forêt épaisse et ancestrale, et trouvent un refuge intemporel, une cabane qui contenait du mobilier et des objets qu'on pouvait dater de diverses époques, sans que ce soit trop marqué.
Mais l'endroit est bizarre.
Le lendemain matin, ils reprennent leur chemin (ils cherchaient une grotte mystérieuse), se planquent quand ils entendent des bruits de bête (une chose qui rôde?) et sont finalement pris en chasse par des cavaliers. Ils s'enfuient, finissent par gravir une colline d'où ils s'aperçoivent (rapidement car toujours pourchassés) que leur environnement n'est plus tout à fait le même: le paysage est plus sauvage, aucune trace des villages qu'ils connaissent aux alentours... ils se perdent en conjecture quand les cavaliers les rattrappent, sur le seuil de la caverne tant cherchée. Ce sont des légionnaires romains, agressifs et déments: le combat qui s'ensuit est brutal. Une PJ se fait trancher un bras, un autre perd un oeil, une troisième se fait embrocher au niveau du thorax, et...

... tout le monde se réveille lorsqu'elle hurle de douleur. Ils sont dans la cabane-refuge, couverts de sueur.
L'une n'a plus aucune sensation dans son bras "tranché" en rêve, l'autre a perdu la vue de son oeil "blessé" et la troisième ne respire plus que par halètements rauques et douloureux. Heureusement pour eux, ces effets vont s'estomper dans la journée, ils reprendront leur route et trouveront la caverne en question grâce aux souvenirs (douloureux) de leur cauchemar.

Bien sûr, la perte de santé Mentale a été en conséquence, mais ce qui a le plus marché à notre table, c'est la sensation de pertes de repère des joueurs. Ils se sont crus dans le temps présent, dans une ambiance inquiétante, puis ont logiquement pensé avoir voyagé dans le passé, avant de se faire mettre en pièces... en général, les joueurs craignent pour la vie de leurs persos, surtout à l'AdC, mais les mutilations et la perspective de jouer des estropiés pendant le reste de la campagne n'est pas vraiment envisagée.

Le soulagement des joueurs lors du réveil a été très sensible, l'angoisse du handicap est revenue (avec la perte de sensations des persos) et je peux vous dire que le trajet jusqu'à la grotte s'est fait dans une ambiance lourde et angoissée (les flashbacks fugitifs du cauchemar aidant).

Tout ça pour dire que pour ma part, la gestion des rêves se fait sur le mode "Démons et Merveilles" d'HPL, où les mondes de l'éveil et du rêve se croisent et s'inter-pénètrent sans qu'une grande "logique" soit respectée (un objet trouvé en rêve pourra toujours être en possession du personnage à son réveil... ou pas), mais ce qui est plus important, c'est que les joueurs ne soient pas sûrs de ce que leurs persos vivent vraiment et des conséquences: handicaps physiques ou psychologiques ?
Systématiques ou non ?
En cas de multiples rêves, et alors que s'installe une certitude confortable, vont-ils risquer de "mourir" là-bas, sans être sûrs de ce qui leur arriverait alors ?

@Udo Femi

excellente illustration de l'utilisation d'un rêve ! ça met bien en scène les exemple présnetés par @Qui Revient de loin et la manière dont tu as joué les séquelles donne un ressort narratif très intéressant pour faire naitre le doute chez les joueurs. Bravo.

Une autre interrogation concernant les objets.
Les personnages trouvent des objets en rêve. L'histoire précise qu'ils les conservent à leur réveil. Comment jouer le passage de ces objets d'un monde à l'autre ? Par exemple si quelqu'un est assis à côté du héros endormis, voit-il l'objet apparaitre ? Ou bien a-t-il toujours été là mais le héros n'y a jamais prêté attention auparavant ?

L'objet pourrait être symbolique : un tatouage, une marque sur la peau, une miniature... ainsi l'apparition est subtile et peut échapper à un observateur. Son apparition peut aussi être différée: le dormeur réveillé trouve l'objet dans sa penderie alors qu'il cherche son manteau pour sortir.

Tiens, ça me fait pensé à un autre élément sur les rêves : les journaux de sommeil et de rêve, qu'ils soient de nature personnelle, psychothérapeutique ou autre. On peut y trouver des indices, des interprétations, des choses "qui ne devraient pas être représentées", etc.