Mon expérience de critiques publiées de JdR me vient surtout du
Fix et, pour une proportion très marginale, du magazine
Casus (période BBE).
Et mon éthique personnelle en matière de critique repose sur quelques critères auxquels je me tiens, et que j’expose ici avec une hiérarchie qui est celle d’aujourd’hui, mais pourrait être autre demain.
En premier lieu, je n’accepte de me pencher sur un jeu que s’il entre dans les thèmes ou genres (peu nombreux) qui m’intéressent. Comme je parle toujours clairement de mes goûts et non-goûts, mes collègues du
Fix ne sont pas étonnés de ce que j’accepte de critiquer ou pas.
Quand un thème ou un genre ne m’intéresse pas, je n’arrive pas à passer par-dessus mon « non-goût » pour aborder le jeu dans son ensemble.
Quand j’écris une critique, je dis ce qui me plaît et ce qui me déplaît, en distinguant ce qui relève, d’une part, de la subjectivité de mes goûts et, d’autre part, d’appréciations plus objectives (la clarté du propos, la fluidité de l’écriture, etc.).
J’espère arriver, au bout d’une telle écriture, à une critique dont j’assume qu’elle est subjective et dont je tâche de faire en sorte qu’elle soit honnête.
Sur l’aspect de la bienveillance, j’essaie de la cultiver dans la vie en général. Mais ça ne m’empêche pas d’écrire qu’un trait n’est pas droit quand, objectivement, il n’est pas droit, ou qu’un texte est pourri par un manque de maîtrise de l’orthographe, de la grammaire, du vocabulaire, etc.
Il est arrivé que des jeux me tombent des mains au bout de quelques pages, parce que c’était tellement mal écrit (au sens très large de « mal ») que ça me piquait les yeux, ou que ça m’endormait d’ennui. Il m’est aussi arrivé de tomber sur au moins un jeu (peut-être davantage, mais j’ai la mémoire sélective) dans la préface duquel la personne qui avait écrit le jeu indiquait que c’était le fruit d’un long travail qui lui avait demandé beaucoup d’efforts, etc. ; cela m’avait semblé tellement lourdingue, que j’avais ressenti cela comme une injonction à aimer ce qui allait suivre, puisque c’était le fruit de tellement de travail, injonction d’autant plus pesante, pour moi, que la lecture de quelques pages suivantes m’a été pénible.
Dans de tels cas, j’ai choisi de ne pas aller plus loin, plutôt que de me forcer à lire la totalité du jeu. J’ai suffisamment d’autres jeux à critiquer – par rapport au temps que je souhaite y consacrer – pour m’épargner le déplaisir de lire un tel jeu, puis d’en rédiger une critique à publier.
Il y a, objectivement, des jeux mal construits, mal écrits, mal expliqués, dont on ne sait pas par quel bout les prendre, etc. La bienveillance ne m’amènerait pas à dire qu’un tel jeu est « bon ».
Comme je ne suis ni inscrit ni lecteur de « réseaux sociaux », je ne vois les réactions aux critiques que dans des forums. Et ce que j’y vois , c’est que certains auteurs, et certains des fans de ces auteurs ou de leurs jeux, ne font pas (ne savent pas ? Ne veulent pas ?) faire la différence entre la critique de leur jeu et une attaque contre leur personne d’auteur. Et ça hurle d’indignation, ça crie à l’offense, avec un petit bonus si ça peut être accompagné d’une accusation de « machinchose-phobie ». Ce sont des manières d’écarter la critique en faisant un procès d’intention à la personne qui a écrit la critique. Bref, on quitte le terrain de l’échange raisonnable. Et ça ne m’intéresse aucunement d’échanger à travers des écrans avec des gens qui se lancent dans ce genre de comportement. Je ne suis pas franchement réceptif aux explications du style «
si tu connaissais cette personne dans « la vraie vie », tu verrais qu’elle n’est pas du tout comme ça ». Je considère que les gens sont responsables de ce qu’ils écrivent.
A titre d’illustration, je me rappelle
une critique que j’avais écrite sur un ouvrage de la gamme de l’Oeil Noir, pour le Fix ; l’introduction dans un style qui se moquait gentiment des tribus de joueurs de
Légendes, de
JTRM, de l’
Oeil Noir, des années 1980, avait déclenché des réactions outrées de fans du jeu, jusqu’à des accusations de germanophobie à mon encontre. Quand des gens en arrivent là en matière de réaction, je trouve qu’on touche le fond.
Au final, je me dis qu’il y a probablement des progrès à réaliser des deux côtés de la barrière.
Du côté de la critique, certains gagneraient certainement à ne pas massacrer un jeu en confondant le « je n’aime pas » avec le « ce n’est pas bon ».
Du côté des auteurs dont les jeux sont critiqués, certains gagneraient à recevoir et comprendre les critiques, à la fois le plus en amont possible de leur processus de création et quand leur œuvre est publiée comme « achevée ». Il faut montrer son œuvre – même pendant le processus de création – à d’autres yeux que ceux de son entourage, de son cercle d’amis, etc. Il faut apprendre à s’entendre dire « ça, ce n’est pas droit, ce n’est pas cohérent, c’est mal écrit », pour corriger ce qui, objectivement, ne va pas.
Pour ma part, j’estime avoir eu la chance de travailler, dans différents domaines, sous les conseils de gens très exigeants (un directeur de thèse, une professeure de chant, un maître d’escrime), qui me disaient très clairement « ça, c’est juste, et ça, c’est faux », et qui m’aidaient à comprendre comment corriger ce qui était faux. Et je ne les ai jamais accusés de porter atteinte à ma dignité, de m’offenser en tant que personne, quand ils critiquaient mes écrits, ma manière de chanter, mes manœuvres de combat.
Je pense que cela m’a aidé à plusieurs niveaux dans le JdR : améliorer ma plume en écoutant les remarques des autres (bon, pas celles de vomisseurs de fiel, que je balance dans ma « poubelle à ignorés) ; porter un regard sur les œuvres des autres pour publier des critiques que je revendique « subjectives mais honnêtes » ; porter un regard sur les œuvres des autres, pour des relectures, des conseils de réécriture, etc.